AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Dijon, 23 décembre 2003) que Mme X..., mise en liquidation des biens par jugement du 27 octobre 1983, a acquis le 10 juillet 1990 un immeuble situé à Fontenay-les-Dijon ; que pour financer cette acquisition, M. X... et la Caisse régionale de crédit agricole de la Côte d'or, devenue Champagne-Bourgogne (les prêteurs), ont respectivement consenti un prêt d'un certain montant, cette dernière ayant en outre fait inscrire son privilège de prêteur de deniers ; que M. Y..., en qualité de co-syndic, a procédé à la vente de l'immeuble et a sollicité la mainlevée de l'inscription hypothécaire ; que les prêteurs ont, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, sollicité le paiement de sommes correspondant au solde des prêts ;
Attendu que les prêteurs font grief à l'arrêt de les avoir débouté de leur action de in rem verso et d'avoir dit qu'ils ne pouvaient être admis dans la répartition du produit de la vente de l'immeuble alors, selon le moyen :
1 ) qu'à raison même de l'inopposabilité à la masse des contrats de prêt consentis au débiteur dessaisi, les prêteurs ne disposaient d'aucune action de nature contractuelle qui eût pu être regardée comme constituant la voie de droit normale pour être indemnisés de l'appauvrissement qu'ils avaient subi ; qu'en considérant au contraire qu'ils disposaient, à l'encontre de la masse d'une action contractuelle mais que cette action se heurtant à un obstacle de droit tenant à l'inopposabilité à la masse des actes accomplis par le débiteur dessaisi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe de subsidiarité de l'action de in rem verso, violant ainsi l'article 1371 du Code civil, ensemble l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967 ;
2 ) que le principe de l'égalité des créanciers, qui n'a vocation à régir que les rapports entre créanciers dans la masse, ne pouvait faire obstacle à l'action de in rem verso des prêteurs, créanciers de la masse comme titulaires de droits nés postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; qu'envisagé sous cet angle, l'arrêt viole, par fausse application, le principe de l'égalité des créanciers et, par refus dapplication, l'article 1371 du Code civil ;
3 ) que, pour apprécier si les conditions de l'action de in rem verso sont réunies, le juge doit se placer à la date de la demande de restitution ; qu'en repoussant l'action dont il était saisi, motif pris qu'une fois la liquidation des biens clôturée, les prêteurs recouvreraient leur droit individuel de poursuite à l'encontre de Mme X..., la cour d'appel a violé de plus fort l'article 1371 du Code civil ;
4 ) qu'en repoussant l'action de in rem verso intentée à l'encontre des syndics, motif pris que n'était pas établie l'infécondité de l'action que pourraient intenter les prêteurs, une fois recouvré leur droit individuel de poursuite, à l'encontre du débiteur, sans rechercher concrètement, comme elle y était invitée, si la liquidation judiciaire ne pouvait avoir d'autre issue qu'une clôture pour insuffisance d'actif et si Mme X... n'était pas insolvable et dépourvue de retour à meilleure fortune, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1371 du Code civil ;
Mais attendu que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être introduite pour supléer une autre action qui se heurte à un obstacle de droit ;
Attendu qu'après avoir retenu, par motifs adoptés, que l'inopposabilité à la masse des actes accomplis par le débiteur dessaisi à la suite de sa liquidation des biens faisait obstacle à l'exercice de l'action en remboursement des prêts, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués aux trois dernières branches, en a exactement déduit que l'action introduite par les prêteurs fondée sur l'enrichissement sans cause ne pouvait y suppléer ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse régionale de crédit agricole de Champagne-Bourgogne et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Caisse régionale de crédit agricole de Champagne-Bourgogne et M. X... à payer à M. Y..., ès-qualités, M. Z..., ès qualités et M. A..., ès qualités, la somme globale de 2000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille cinq.