AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., employé par la société Transmontagne et qui avait la qualité de salarié protégé au titre de ses fonctions de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise, a été licencié le 4 juillet 1998 après autorisation de l'inspecteur du Travail pour inaptitude médicale à tout poste dans l'entreprise, à la suite d'une rechute d'un accident du travail, après avis du médecin du Travail en date des 13 mai et 2 juin 1998 ; que cette autorisation ayant été annulée par jugement du tribunal administratif du 4 mai 2000 confirmé le 3 avril 2001 par la cour administrative d'appel, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'employeur à payer une indemnité en application de l'article L.122-32-7 du Code du travail, alors, selon le moyen :
1 / que l'employeur est tenu d'envisager le reclassement du salarié inapte à reprendre son emploi dans la seule limite des conclusions écrites du médecin du Travail sur l'aptitude du salarié à exercer une des tâches existantes dans l'entreprise et qu'il ne peut lui être reproché un défaut de reclassement lorsque le médecin n'a proposé aucune mesure de reclassement et a conclu à l'inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise ; (violation des articles L. 122-24-4, L. 122-32-5, L. 122-32-7 et L. 241-10-1 du Code du travail) ;
2 / qu'il n'appartient pas au juge de substituer son appréciation à celle du médecin du Travail ni d'apprécier cet avis d'inaptitude ; que la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en estimant que l'avis du médecin du Travail n'était pas régulier ; (violation des articles L. 122-32-5, L. 122-32-7, L. 241-10-1, R. 241-7 du Code du travail) ;
Mais attendu que l'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise délivré par le médecin du Travail ne dispense pas l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement du salarié au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait dès le 5 juin 1998 convoqué le salarié à un entretien préalable à son licenciement, ne justifiait d'aucune diligence en vue de favoriser le reclassement du salarié et ne précisait pas la nature des différents postes existant dans l'entreprise, a, par ce seul motif, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant critiqué par la seconde branche, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches :
Vu les articles L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail ;
Attendu que le salarié protégé dont l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement est devenue définitive, a droit, s'il ne demande pas sa réintégration, à une indemnité correspondant au préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision qui emporte le droit à réintégration ;
Attendu que pour condamner la société Transmontagne à payer à M. X... une certaine somme au titre du préjudice visé aux articles L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail, l'arrêt retient que la période à prendre en considération est celle comprise entre le 2 août 1998, date d'expiration de son préavis, et le 20 juin 2001, date d'expiration du délai de deux mois courant à compter de la notification de la décision de la cour administrative d'appel ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut de sursis à exécution, le jugement du tribunal administratif annulant l'autorisation de licenciement ouvrait droit, au profit du salarié, à réintégration, la cour d'appel, qui a étendu la période d'indemnisation au-delà de la date d'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, a violé les textes susvisés ;
Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 351-3, L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail ;
Attendu que la cour d'appel a refusé de déduire de l'évaluation du préjudice subi par le salarié les indemnités de chômage versées par l'ASSEDIC au motif que l'indemnisation versée par cet organisme ne fait pas disparaître la réalité du préjudice résultant pour le salarié de la perte illégale de son mandat ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié protégé, qui, lorsque l'annulation de la décision administrative de licenciement est devenue définitive, a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s'il la demande ou l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision qui emporte droit à réintégration, n'est pas fondé à cumuler cette indemnité compensatrice avec les allocations de chômage servies par l'ASSEDIC, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à l'indemnisation de M. X... par suite de l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement, l'arrêt rendu le 10 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Transmontagne ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille cinq.