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28/09/2005 | FRANCE | N°04-85024

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 septembre 2005, 04-85024


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-François,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 10 juin 2004, qui, pour recel de la fixation, en vue de leur dif

fusion, d'images de mineurs à caractère pornographique, l'a condamné à 9 mois d'empr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-François,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 10 juin 2004, qui, pour recel de la fixation, en vue de leur diffusion, d'images de mineurs à caractère pornographique, l'a condamné à 9 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et à 3 ans d'interdiction d'exercer toute activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 227-23, 321-1 du Code pénal, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-François X... coupable de recel de diffusion d'images de mineurs à caractère pornographique ;

"aux motifs que par courrier en date du 13 décembre 2001, M. Y..., inspecteur de l'Académie de l'Isère a informé le procureur de la République de Grenoble que Jean-François X..., instituteur et directeur de l'école primaire publique de Fontaine avait reconnu s'être connecté à partir de l'ordinateur de l'école à des sites à caractère pornographique et pédophile : " teenager " ou " lolita " notamment à la fin de novembre 2001 ; que M. Y... indiquait que l'Inspection avait été saisie à la suite du visionnage accidentel de ces documents informatiques rangés dans les " favoris " de Jean-François X... par deux aides-éducateurs Mme Z... et M. A... ; qu'il précisait qu'entendu par M. B..., inspecteur de l'Education nationale, Jean-François X... avait, le 13 décembre, reconnu qu'en surfant sur Internet à partir de l'un des ordinateurs mis à la disposition de l'école par la commune de Fontaine, il s'était connecté à divers sites sur la nature desquels il ne s'était pas appesanti, admettant toutefois qu'il avait " fait une bêtise " ;

que dès le lendemain, Jean-François X... avait été placé en congés d'office par l'Inspecteur d'Académie ;

que dans le cadre de l'enquête préliminaire, le parquet de Grenoble a requis le concours d'un expert judiciaire, M. C..., afin de rechercher dans le disque dur de l'ordinateur l'existence de tous fichiers ou documents relatifs à des scènes pornographiques ou pédophiles ; que suite au dépôt de ce rapport, Jean-François X... était renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de recel de diffusion d'images de mineurs à caractère pornographique ; que le tribunal a retenu Jean-François X... dans les liens de la prévention se fondant non seulement sur les constatations de M. C... mais également sur les déclarations faites par le prévenu aux enquêteurs ainsi qu'à ses supérieurs hiérarchiques ; que devant la Cour, Jean-François X..., sans contester la réalité de ces connexions à partir de l'ordinateur de l'école qu'il dirigeait, invoque sa bonne foi en prétendant que c'est de façon totalement fortuite qu'en se connectant à ses sites favoris, site diffusant des images de mannequins (Laetitia Casta et actrices (Pamela Anderson) en tenue de charme mais dépourvues de tout caractère pornographique, il s'est trouvé confronté aux images pédophiles et pornographiques visionnées accidentellement par les aides-éducateurs, qu'il n'est pas parvenu à faire disparaître du disque dur et qui apparaissaient dès qu'il se connectait sur Internet ;

qu'il soutient également que le recel ne peut être constitué dès lors que les images n'ont pas été matériellement et volontairement fixées sur un support matériel ; que l'article 227-23 du Code pénal dans son premier alinéa sanctionne le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique ;

qu'aux termes de l'article 321-1 du Code pénal, le recel est le fait de dissimuler, détenir ou transmettre une chose ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit ; que l'alinéa 1 dudit article dispose pour sa part que constitue également un recel, le fait, en connaissance de cause de bénéficier, par tous moyens, du produit d'un crime ou d'un délit ; que Jean-François X... estime qu'il ne peut y avoir recel d'image non fixée sur support, cette image immatérielle ne pouvant être qualifiée de " chose " et que le " recel bénéfice " défini par le second alinéa de l'article 321-1 du Code pénal n'est pas constitué faute de bénéfice ; qu'il est constant qu'ont été emmagasinées sur le disque dur de l'ordinateur mis à la disposition de l'école entre le 28 novembre et le 8 décembre 2001 une centaine d'images de mineurs à caractère pornographique, provenant de sites spécialisés ; que contrairement aux prétentions de Jean-François X..., il importe peu que les images litigieuses n'aient pas été fixées sur un support matériel (disquette - CD-rom - papier) ; que l'emmagasinement sur le disque dur d'images de mineur présentant un caractère pornographique obtenus à l'aide du délit d'enregistrement, de transmission et de diffusion par quelque moyen que se soit, en l'espèce Internet,

caractérise le délit de recel visé à la prévention, étant rappelé à Jean-François X... que ces images pouvaient à tout moment être fixées sur support matériel ou regardées, par les autres utilisateurs de l'ordinateur, notamment de jeunes écoliers ; que Jean-François X... apparaît également mal fondé à affirmer que l'élément intentionnel n'existe pas en ce qui le concerne, les images étant apparues fortuitement sur l'écran ; que si l'expertise ordonnée par la Cour a établi qu'aucune des images litigieuses ne provenaient d'un site serveur payant, il n'en demeure pas moins que l'expert, M. D... a conclu qu'un fichier a été enregistré de manière volontaire (fichier C:/blanck.html), que dans la corbeille, figuraient une douzaine de fichiers du même style que le fichier C:/blanck.html ; que Jean-François X..., de par son instruction et sa profession, avait parfaitement conscience du caractère répréhensible et des effets destructeurs sur les enfants de scènes photographiées ;

qu'il a d'ailleurs toujours reconnu qu'il était honteux à avoir à reconnaître qu'il utilisait l'ordinateur de l'école à des fins peu avouables ; qu'en outre, il n'est nullement établi qu'au moment où le prévenu a sollicité l'aide de M. A..., il ignorait que les images avaient été consultées par des tiers ; que de plus, dans son audition du 3 avril 2002, Jean-François X... a déclaré aux enquêteurs : "je reconnais m'être connecté volontairement sur ces sites mais je suis incapable d'en chiffrer le nombre ... je n'arrive pas à comprendre comment il était possible que je puisse avoir envie de cela... " ;

"alors, d'une part, que le délit de recel ne tend à s'appliquer qu'à des choses matérielles, toute information ou image dépourvue de support matériel échappant ainsi à son champ d'application ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Jean-François X..., relativement à la présence dans le disque dur de l'ordinateur de l'école de fichiers d'images à caractère pédophile, lesquelles étaient ainsi dépourvues de toute matérialité à défaut d'avoir été transposées sur un support papier, une disquette ou un CD-rom, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé ;

"alors, d'autre part, ou'en vertu du principe de la présomption d'innocence, lorsque les éléments présentés au juge n'entraînent pas une certitude absolue, celui-ci doit considérer qu'il demeure un doute dont le prévenu doit bénéficier ; que l'infraction de recel suppose la détention, en toute connaissance de cause, de choses provenant d'un crime ou d'un délit ; qu'à ce titre, Jean-François X... démontrait n'avoir pas cherché à visionner et à stocker sur ordinateur les images à caractère pédophile, les fichiers contenant les photos incriminées étant apparus automatiquement en raison du phénomène des " liens masqués " et ayant été enregistrés sans manoeuvre volontaire de sa part, ce qui a été confirmé par les constatations effectuées par M. D..., expert ; qu'en affirmant dès lors, pour maintenir l'exposant dans les liens de la prévention, que l'expert, M. D..., aurait constaté qu'un fichier aurait été enregistré de manière volontaire, cependant que Jean-François X... démontrait que cet expert n'a au contraire émis aucune certitude en ce sens, ce dernier ayant considéré que ce fichier, qui est au demeurant un fichier texte, pouvait être le fruit d'une erreur de manipulation, ceci d'autant qu'elle a elle-même constaté que des fichiers du même type figuraient dans la " corbeille ", circonstance propre à démontrer que Jean-François X... ne souhaitait pas être mis en présence de tels fichiers, la cour d'appel qui a procédé par voie de pure affirmation, n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe de la présomption d'innocence, lequel commande que la culpabilité de la personne poursuivie soit démontrée sans que ne subsiste le moindre doute ;

"alors, de troisième part, qu'en tout état de cause, la juridiction de jugement ne peut statuer légalement que sur les faits mentionnés dans la citation qui l'a saisie ; qu'en l'espèce, la citation à comparaître concernait l'enregistrement d'images à caractère pédophile ; qu'à ce titre, Jean-François X... insistait sur la circonstance que le fichier C:/blanck.html, qu'il lui était reproché d'avoir prétendument enregistré, était en réalité un fichier texte ne comportant aucune image telles que visées dans l'acte de citation, ce fait étant confirmé par les propres termes du rapport de M. D... (rapport p. 6 et 7), auquel la cour d'appel s'est expressément référée ; qu'ainsi, en entrant en voie de condamnation à l'égard de Jean-François X..., en se fondant sur la présence de ce fichier C:/blanck.html, la cour d'appel a clairement méconnu les termes de sa saisine, en violation du principe susvisé ;

"alors, de quatrième part, qu'il résulte du principe de la présomption d'innocence que c'est à l'accusation que revient la charge de rapporter des éléments de preuve sérieux et objectifs quant à la culpabilité de la personne poursuivie ; que dès lors, en se fondant, pour établir l'intention frauduleuse de l'exposant, sur le fait qu'il n'est pas établi que lorsque Jean-François X... s'est adressé à M. A... afin que celui-ci l'aide à se débarrasser des images litigieuses, il ignorait que les images avaient été consultées par des tiers, la cour d'appel a procédé à un renversement de la charge de la preuve, en violation du principe susvisé ;

"alors, de cinquième part, qu'à ce titre, Jean-François X... démontrait avoir cherché à débarrasser l'ordinateur des images intruses avant de savoir que ces images avaient été consultées par des tiers, se prévalant à cet égard des témoignages de M. A... et de Mlle E..., lesquels ont en effet déclaré avoir caché leur découverte à Jean-François X... ;

qu'ainsi en se prononçant par les motifs susvisés, la cour d'appel n'a pas tenu compte de cette articulation essentielle développée par le demandeur, dont il ressortait nécessairement que ce dernier n'a pu être informé de la consultation des fichiers litigieux par ces tierces personnes ;

"alors, de sixième part, que, de la même façon, en se fondant, pour conclure que Jean-François X... aurait ainsi reconnu avoir utilisé l'ordinateur dans le but de consulter des fichiers pédophiles, sur la circonstance que ce dernier " a d'ailleurs toujours reconnu qu'il était honteux à avoir à reconnaître qu'il utilisait l'ordinateur de l'école à des fins peu avouables ", cependant qu'il était démontré que la reconnaissance par Jean-François X... de l'utilisation de l'ordinateur de l'école à des fins peu orthodoxes ne visait que le seul visionnage d'images de charme, " les fins peu avouables " étant en effet en lien avec la recherche d'images érotiques, mettant en scène des personnes exclusivement majeures, et par là même non comprises dans la prévention, la cour d'appel n'a une fois encore pas tenu compte d'un moyen essentiel développé par le demandeur ;

"alors, enfin, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, Jean-François X... se prévalait (conclusions p. 4 et 5) de ce qu'il ne pouvait être valablement tenu compte des prétendus " aveux " obtenus par les enquêteurs en fin d'audition, à la suite de la pression psychologique dont il a été l'objet, de tels propos se trouvant en contradiction totale avec ses premières déclarations se prévalant du caractère involontaire de la connexion aux sites incriminés, circonstance confirmée par le rapport de M. D..., démontrant le caractère involontaire de la connexion à des sites proposant des bannières publicitaires contenant des images à caractère pédophile, en raison de la pratique sur de tels sites des liens masqués ; que dès lors, en se bornant à asseoir la déclaration de culpabilité de Jean-François X... sur le fait que ce dernier aurait reconnu en dernier lieu s'être volontairement connecté aux sites présentant un caractère pédophile, cependant que ces propos ne correspondaient en aucun cas au mode de connexion révélé par M. D..., circonstance dont il se déduisait nécessairement que de tels " aveux " n'ont pu être obtenus qu'en raison de la pression psychologique exercée par les enquêteurs à l'encontre du demandeur, la cour d'appel n'a pas examiné, fût-ce pour le rejeter, le moyen essentiel développé par Jean-François X..., privant ainsi sa décision de base légale" ;

Attendu qu'en prononçant par les motifs reproduits au moyen pour déclarer le prévenu coupable du délit reproché, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, le recel du délit de fixation, enregistrement ou transmission, en vue de leur diffusion, d'images pornographiques de mineurs est constitué lorsque lesdites images ont été conservées dans un fichier enregistré sur le disque dur d'un ordinateur ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, MM. Arnould, Corneloup, Beauvais conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, MM. Lemoine, Delbano conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Fréchède ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85024
Date de la décision : 28/09/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RECEL - Recel de la fixation, en vue de leur diffusion, d'images de mineurs à caractère pornographique - Eléments constitutifs.

RECEL - Infraction originaire - Fixation, enregistrement ou transmission, en vue de leur diffusion, d'images pornographiques de mineurs - Eléments constitutifs

MINEUR - Mise en péril - Fixation, enregistrement ou transmission, en vue de leur diffusion, d'images pornographiques de mineurs - Recel - Eléments constitutifs

Justifie sa décision la cour d'appel qui déclare un instituteur coupable de recel du délit de fixation, enregistrement ou transmission, en vue de leur diffusion, d'images pornographiques de mineurs, pour avoir conservé lesdites images dans un fichier enregistré sur le disque dur d'un ordinateur de l'école.


Références :

Code pénal 227-23, 321-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 10 juin 2004

Sur le délit de détention d'images ou de représentations de mineurs à caractère pornographique, à rapprocher : Chambre criminelle, 2005-01-05, Bulletin criminel 2005, n° 9 (1), p. 26 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 sep. 2005, pourvoi n°04-85024, Bull. crim. criminel 2005 N° 248 p. 871
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 248 p. 871

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède.
Rapporteur ?: Mme Koering-Joulin.
Avocat(s) : Me Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.85024
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