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12/07/2005 | FRANCE | N°02-16655

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 juillet 2005, 02-16655


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2002), que la société Cash Service (l'importateur) a acquitté l'octroi de mer lors de l'importation de diverses marchandises en Guadeloupe entre le 1er janvier et le 30 juin 1993 et entre le 1er janvier 1997 et le 4 novembre 1998 ; que, faisant valoir que les taxes ainsi payées étaient indues, elle a fait assigner, par acte du 31 décembre 1998, le directeur des Douanes et des Droits Indirects devant le

tribunal d'instance afin d'obtenir leur restitution ;

Sur le premie...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2002), que la société Cash Service (l'importateur) a acquitté l'octroi de mer lors de l'importation de diverses marchandises en Guadeloupe entre le 1er janvier et le 30 juin 1993 et entre le 1er janvier 1997 et le 4 novembre 1998 ; que, faisant valoir que les taxes ainsi payées étaient indues, elle a fait assigner, par acte du 31 décembre 1998, le directeur des Douanes et des Droits Indirects devant le tribunal d'instance afin d'obtenir leur restitution ;

Sur le premier et le troisième moyens, réunis, après avertissement donné aux parties :

Attendu que l'importateur reproche à l'arrêt d'avoir constaté la prescription de l'action en restitution des droits acquittés entre le 1er janvier et le 30 juin 1993, alors, selon le moyen :

1 ) que l'article 236, paragraphe 2, du Code des douanes communautaires fixe le point de départ de la prescription triennale à la date de formulation de la demande de restitution auprès de l'administration douanière et non pas à la date de l'assignation ; que ces dispositions doivent prévaloir sur celles des articles 352 et 355 du Code des douanes ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 236, paragraphe 2, du Code des douanes communautaires ;

2 ) que la prescription de l'action en restitution de l'indu fondée sur une déclaration de non-validité d'un texte servant de support à la perception de taxes à l'importation, contenue dans un arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes, ne peut courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision ;

qu'en l'espèce, il faisait valoir que le point de départ du délai de prescription était la date de la décision par laquelle le droit à restitution avait été révélé et qu'au regard des principes dégagés, il ne pouvait lui être opposé la prescription; qu'en affirmant que l'action était irrecevable pour les droits réglés depuis plus de trois ans avant la date de l'assignation, sans s'en expliquer davantage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 352 du Code des douanes et des principes de droit communautaire ;

3 ) qu'il est constant dans ce contentieux que l'arrêt X... de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 9 août 1994 est intervenu sous l'égide de la réglementation en vigueur avant le 1er janvier 1993, et que l'arrêt X... de la cour d'appel de Paris en date du 10 janvier 1996, intervenu sous l'égide de la nouvelle réglementation instituée par la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992, est bien la première décision de révélation du droit à restitution au titre de la période à compter du 1er janvier 1993 ; que la prescription de l'action en restitution de l'indu ne peut courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de la décision de révélation ; qu'en l'espèce il a fait valoir que le point de départ du délai de prescription était la date de la décision par laquelle la cour d'appel de Paris a pour la première fois révélé le droit à restitution au titre du premier semestre 1993 et qu'au regard des principes posés par la Cour de Cassation en la matière, il ne pouvait lui être opposé la prescription ; qu'en affirmant que le point de départ de la prescription est bien l'arrêt X... de la Cour de justice des Communautés européennes du 9 août 1994, sans s'en expliquer davantage, la cour d'appel a violé les principes selon lesquels, lorsque l'illégalité de la perception a été révélée par une décision juridictionnelle, le délai d'action est de trois ans à compter de la date de cette décision de révélation ;

4 ) qu'elle a de la sorte privé de motifs sa décision et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

5 ) qu'aucune disposition du droit national ne prévoit que l'assignation judiciaire est la seule formalité procédurale utile à retenir pour apprécier la prescription ; qu'en l'espèce, il a fait valoir que, contrairement à ce que soutiennent les Douanes -argumentation à laquelle la cour d'appel de Paris a malheureusement fait droit dans d'autres instances- il ne résulte nullement de l'article 355 du Code français des douanes que seule l'assignation judiciaire interrompt le cours de la prescription triennale ; que ce texte prévoit simplement la substitution de la prescription trentenaire aux prescriptions de courte durée lorsque, avant l'expiration des prescriptions de courte durée, il y a demande formée en justice ; qu'en retenant que l'assignation judiciaire est la seule formalité procédurale à retenir pour apprécier la prescription, sans s'expliquer davantage, la cour d'appel a violé l'article 355 du Code des douanes ;

Mais attendu, en premier lieu, que le Code des douanes communautaire, qui résulte de la codification des dispositions de droit douanier communautaire, dont le règlement CEE 1430/79 du 2 juillet 1979, qui a été jugé par arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 janvier 1997 (Comateb) non applicable aux droits, impôts et taxes nationaux, même s'ils sont perçus en violation du droit communautaire, ne concerne que l'application des mesures tarifaires et autres instaurées sur le plan communautaire dans le cadre des mouvements de marchandises entre la Communauté et les pays tiers ; que, dès lors, la cour d'appel a statué à bon droit en écartant l'application du Code des douanes communautaire ;

Attendu, en deuxième lieu, que pour décider que la demande en restitution était irrecevable comme prescrite, la cour d'appel ne s'est pas contentée d'affirmer que les droits avaient été payés plus de trois ans avant l'assignation délivrée le 31 décembre 1998, mais a retenu que le point de départ du délai de prescription était l'arrêt de la Cour de justice du 9 août 1994 (X...) ;

Attendu, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 352 ter du Code des douanes, institué par la loi du 30 décembre 1991 et applicable, selon son second alinéa, aux litiges engagés par des réclamations présentées après le 20 novembre 1991, lorsque le défaut de validité d'un texte fondant la perception d'une taxe recouvrée par les agents de la direction générale des Douanes et des Droits indirects a été révélé par une décision juridictionnelle, l'action en restitution mentionnée par l'article 352 du même Code ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle au cours de laquelle cette décision est intervenue ; que si la loi du 30 décembre 1991 a rendu applicable aux actions en répétition de l'indu le délai pour agir en restitution de l'article 352, il résulte nécessairement des dispositions de l'article 352 ter que la demande en restitution des droits doit être formée dans le délai de trois ans courant à compter du prononcé de cette décision ; que celle-ci doit, toutefois, dans les matières soumises à la compétence de l'ordre judiciaire, avoir été rendue par la Cour de justice des Communautés européennes ou par la Cour de Cassation, de sorte que la décision juridictionnelle constituant le point de départ de la prescription ne pouvait être en l'espèce l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 janvier 1996 ; qu'il est répondu par ce motif de pur droit aux conclusions invoquées ;

Attendu, en dernier lieu, que l'importateur n'ayant pas soutenu que le délai de prescription fixé par l'article 352, précité, avait été interrompu par un acte antérieur à l'assignation délivrée le 31 décembre 1998, le moyen, pris en sa cinquième branche, est inopérant ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'importateur reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en restitution de taxes d'octroi de mer acquittés entre le 1er janvier 1997 et le 4 novembre 1998, alors, selon le moyen, que la décision n° 89-688 du Conseil CEE du 22 décembre 1989 qui sert de fondement à la loi du 17 juillet 1992, instituant le nouveau régime de taxes, est constitutive d'une mesure de sauvegarde au sens de l'article 226 du Traité et que seule la Commission peut autoriser une telle mesure ; qu'il faisait valoir que la décision du Conseil CEE du 22 décembre 1989 constituait une mesure de sauvegarde et une dérogation à l'article 95 du Traité, dont la validité devait être appréciée en fonction des dispositions de cet acte fondamental et constatait qu'à l'analyse des dispositions pertinentes de ce texte, cette mesure dérogatoire à l'article 95 ne pouvait être prise en 1989 qu'à l'issue d'une réforme préalable du Traité ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions d'appel dirimantes de nature à justifier la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes par une question préjudicielle, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les principes du droit communautaire, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que l'importateur invoque l'invalidité d'un acte communautaire, qu'il n'entre pas dans le pouvoir du juge national de constater, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu, au surplus, de poser une nouvelle question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés européennes, dès lors que celle-ci a déjà examiné, dans son arrêt du 19 février 1998 (arrêt Y...), la base légale de la décision du Conseil CEE n° 89/688 du 22 décembre 1989 et la compétence de cette institution communautaire pour prendre cette décision, dont la validité ne saurait désormais être remise en cause ;

qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a répondu en les écartant aux conclusions invoquées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que l'importateur reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en restitution de taxes d'octroi de mer acquittées entre le 1er janvier 1993 et le 30 juin 1993, alors, selon le moyen :

1 ) que dans le cadre de l'instance préjudicielle Y... ayant conduit à sa décision du 19 février 1998, la Cour de justice des Communautés européennes n'a pas été saisie de la question de la compétence institutionnelle de l'auteur de la décision n° 89-688 du 22 décembre 1989 ; qu'en l'espèce, il a fait valoir que la Cour de justice des Communautés européennes n'a été saisie et ne s'est prononcée que sur la question précise de la "conformité de l'article 2, paragraphe 3, de la décision du 22 décembre 1989 au Traité, en ce qu'il autorise l'exonération totale des produits des DOM par rapport à ceux importés ou, à tout le moins, opère une différenciation entre ces deux catégories de produits, en ce qui concerne le taux" ; qu'elle y a répondu en disant que "l'examen de la décision ... en ce qu'elle autorise un système d'exonération ... assorti de conditions strictes qu'elle prévoit, n'a fait apparaître aucun élément de nature à affecter sa validité" ; qu'en écartant la nouvelle saisine préjudicielle suggérée par la requérante, au motif que la Cour de justice des Communautés européennes a déjà examiné la compétence institutionnelle du Conseil CEE, en 1989, à édicter la norme communautaire critiquée, la cour d'appel a méconnu les règles de procédure propre au renvoi préjudiciel, et privé sa décision de base légale ;

2 ) qu'il résulte de l'article 235 du Traité de Rome, et de la jurisprudence subséquente, que cet article est un texte de compétence subsidiaire, qui ne permet au Conseil de prendre certaines mesures pour atteindre les objectifs de la Communauté, que si le Traité n'a prévu aucun moyen d'action pour ce faire ; qu'en l'espèce, le Traité avait bien prévu des moyens d'action pour ce faire en 1957 et, qu'en réalité, ceux-ci n'ont pas été utilisés dans les délais prévus ; qu'en retenant que la décision du Conseil CEE n° 89-688 a valablement été adoptée sur le double fondement des articles 227, paragraphe 2 et 235 du Traité de Rome, la cour d'appel a par conséquent violé l'article 235 du Traité ;

3 ) que la décision n° 89-688 du Conseil CEE du 22 décembre 1989 servant de fondement à la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992 instituant le nouveau régime de taxes en vigueur depuis le 1er janvier 1993, est constitutive d'une dérogation à l'article 95 du Traité de Rome qui, passé le délai de deux ans prévu en 1957 au deuxième alinéa de l'article 227, paragraphe 2 du Traité, et au regard des règles pertinentes du Traité de Rome sur le partage de compétence institutionnelle de chacune des institutions de la Communauté, ne pouvait valablement être prise par le Conseil en 1989 ; qu'en l'espèce l'exposante a développé ce moyen dans ses conclusions depuis la première instance, et a fait valoir par ailleurs que la démonstration de cette incompétence institutionnelle en 1989 résulte de l'examen des débats parlementaires ayant conduit à la réforme d'Amsterdam de 1998, entrée en vigueur sans portée rétroactive le 1er mai 1999 ; qu'en répondant comme elle l'a fait à ces conclusions d'appel dirimantes, de nature à justifier au moins une saisine préjudicielle en interprétation de certains points de l'arrêt Y... de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 19 février 1998, la cour d'appel a méconnu les dispositions du droit communautaire applicables en l'espèce, notamment les articles 4, paragraphe 1, deuxième alinéa, 227, paragraphe 2, deuxième alinéa, et 235 du Traité de Rome, et privé sa décision de base légale ;

Mais attendu que le moyen, qui vise le motif sur le fondement duquel la cour d'appel a rejeté la demande en restitution de l'octroi de mer payé entre le 1er janvier 1997 et le 4 novembre 1998, critique un motif de l'arrêt qui ne fonde pas le chef de la décision qu'il attaque ; qu'il n'est recevable en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cash service aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Cash service à payer au directeur général des Douanes et Droits indirects la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-16655
Date de la décision : 12/07/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DOUANES - Droits - Remboursement de droits indûment acquittés - Prescription - Délai - Point de départ - Décision juridictionnelle ayant révélé le défaut de validité du texte fondant la perception - Notion.

Lorsque le défaut de validité d'un texte fondant la perception d'une taxe recouvrée par les agents de la DGDDI a été révélé par une décision juridictionnelle, au sens de l'article 352 ter du Code des douanes, l'action en restitution mentionnée par l'article 352 du même Code ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle au cours de laquelle cette décision est intervenue. Il résulte de l'article 352 ter que la demande en restitution des droits doit être formée dans le délai de trois ans courant à compter du prononcé de cette décision. La décision juridictionnelle, au sens de l'article 352 ter du Code des douanes, doit, dans les matières soumises à la compétence de l'ordre judiciaire, avoir été rendue par la Cour de justice des Communautés européennes ou par la Cour de cassation et non par une cour d'appel.


Références :

Code des douanes 352 ter

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 janvier 2002

A rapprocher, pour la matière fiscale : Chambre commerciale, 1996-05-06, Bulletin 1996, IV, n° 124, p. 108 ; Chambre commerciale, 1998-12-17, Bulletin 1998, IV, n° 273, p. 229 ; Chambre commerciale, 1999-10-05, Bulletin 1999, IV, n° 160, p. 135


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jui. 2005, pourvoi n°02-16655, Bull. civ. 2005 IV N° 167 p. 180
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 IV N° 167 p. 180

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Main.
Rapporteur ?: M. Truchot.
Avocat(s) : la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, la SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:02.16655
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