AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n°s R. 04-13255 et C. 04-13266 ;
Sur les moyens uniques des deux pourvois, rédigés en termes identiques :
Attendu, selon les arrêts déférés (Rouen, 3 février 2004, n° RG 03/00638 et n° RG 02/03738), que M. X..., agent immobilier et administrateur de biens, a été mis en redressement puis en liquidation judiciaires respectivement les 3 janvier et 5 novembre 1992 ; que les sociétés Tagara, Creveuil et Lepetit, et Micadif, alléguant être créancières de M. X... à la suite de détournement de fonds qu'il aurait commis en 2001 en tant qu'employé d'une société de courtage, ont été autorisées, le 17 janvier 2002 par le juge de l'exécution de Dieppe et le 6 mars 2002 par la cour d'appel de Rouen, à prendre sur ses biens des mesures conservatoires dont M. Y..., liquidateur judiciaire de M. X..., a demandé l'annulation ;
Attendu que le liquidateur reproche aux arrêts d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :
1 / que les créances nées de l'activité exercée irrégulièrement par un débiteur placé en liquidation judiciaire et dessaisi de l'administration de ses biens sont inopposables à la procédure collective ; qu'en écartant les demandes du liquidateur tendant à ce que les mesures de recouvrement mises en oeuvre sur le patrimoine de M. X... soient annulées ou déclarées inopposables à la procédure collective ouverte contre ce dernier, bien que les créances dont le paiement était ainsi poursuivi soient nées d'une activité exercée tandis que le débiteur faisait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 622-9 du Code de commerce ;
2 / que le dessaisissement du débiteur résultant des règles des procédures collectives lui permet seulement d'exercer des droits extra-patrimoniaux ou alimentaires ; qu'en affirmant que le dessaisissement de M. X... ne faisait pas obstacle ce qu'il exerce une activité personnelle distincte de celle qui avait donné lieu à l'ouverture d'une procédure collective, quand il résultait des propres affirmations des sociétés défenderesses à l'action qu'il s'agissait d'une activité de courtier ou d'intermédiaire en assurance, la cour d'appel a violé les articles L. 621-137 et L. 622-9 du Code de commerce ;
3 / que le patrimoine d'une personne physique est indivisible et sert de droit de gage général à ses créanciers ; qu'en affirmant que les dettes nées du chef de M. X... alors qu'il exerçait une nouvelle activité en méconnaissance du dessaisissement résultant de la procédure collective dont il faisait l'objet pouvaient échapper à la procédure collective et justifier des mesures de recouvrement qui ne seraient pas soumises à cette procédure, la cour d'appel a méconnu le principe d'unité du patrimoine et violé l'article 2092 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'était pas saisie d'une demande d'inopposabilité des créances à la procédure collective mais d'une demande d'annulation des mesures conservatoires ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a retenu à bon droit que le dessaisissement d'un débiteur ne l'empêche pas d'exercer une activité professionnelle ;
Attendu, enfin, que c'est sans méconnaître le principe d'unité du patrimoine que la cour d'appel a retenu que les créances des sociétés, nées irrégulièrement après le jugement d'ouverture, étaient hors procédure ; qu'il en résulte que leurs titulaires ne peuvent être payés qu'après désintéressement des créanciers de la procédure ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois n°s R. 04-13255 et C. 04-13266 ;
Condamne M. Y..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Tagara, Micadif et Creveuil et Lepetit ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille cinq.