AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 février 2003) que le journal "l'Equipe" a fait paraître un article consacré à une enquête judiciaire portant sur des faits de dopage dans le milieu cycliste, au cours de laquelle, MM. X... et Y... avaient été mis en examen ; que l'article comportant le passage suivant : "condamné à deux reprises par la cour d'appel de Caen pour "mauvais traitements infligés à des chevaux", celui qui va se faire retirer l'agrément de France galop pour faire courir et entraîner ses montures - achetées conjointement pour certaines avec Maître X... - est un coriace considéré comme tel par les policiers" était illustré par une photographie de ces deux personnes prise à l'arrivée d'une course hippique, à côté d'un cheval, en compagnie de M. Z..., entraîneur du cheval avec une légende précisant, au sujet de M. Y... :" Propriétaire du Haras du Bois du Play, il pose avec M. X..., écroué comme lui et avec lequel il partage la propriété de nombreux chevaux ;
qu'estimant que la publication de cette photographie portait atteinte au droit au respect de son image, M. Z... a assigné l'éditeur du journal, la SNC l'Equipe (l'Equipe), en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que le journal l'Equipe fait grief à l'arrêt d'avoir écarté l'exception de nullité de l'assignation et l'exception subsidiaire de prescription, d'avoir déclaré qu'il avait été porté atteinte au droit à l'image de M. Z... et de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1 / que l'arrêt dénature l'article litigieux portant non seulement sur le monde cycliste mais sur le monde hippique, M. Y..., visé dans cet article l'étant à ce double titre, ce qui justifiait la publication des deux photographies dont celle litigieuse et ce qui permettait selon M. Z..., de faire une relation entre l'image et l'affaire traitée dans l'article ; qu'il y avait dans ce cas tout au plus diffamation impliquant l'application de la loi de 1881, avec les impératifs qui s'y attachent et excluant une sanction fondée sur l'article 9 du Code civil (dénaturation de l'écrit du 11 mai 1999 ; articles 4, 12 du nouveau Code de procédure civile, 1134 du Code civil) ;
2 / que l'arrêt, qui donne à l'action de M. Z... un autre fondement que celui qui servait de support à sa demande quel que fut le texte visé, traduit une modification des termes du litige (article 4, 5 du nouveau Code de procédure civile, 9, 1382 du Code civil, 29 de la loi du 29 juillet 1881) ;
3 / que l'action de M. Z... au regard de sa propre assignation était une action en diffamation dans la mesure où son nom n'étant cité ni dans l'article, ni dans la légende de l'image, il se plaignait d'une atteinte à son honneur et à sa réputation du fait que c'est dans un contexte sulfureux de trafic de substances prohibées et pour illustrer une affaire fortement médiatisée, à laquelle il était étranger que son image avait été utilisée ; que sa diffusion dans un pareil contexte avait créé dans l'esprit de chacun la confusion comme mêlé à une affaire de dopage ; que dès lors, la cour ne pouvait refuser de requalifier l'action fondée sur l'article 9 du Code civil en une diffamation source d'une procédure irrégulière et prescrite (violation des articles 12 du nouveau Code de procédure civile, 9 du Code civil, 29 de la loi du 29 juillet 1881 ) .
Mais attendu que l'arrêt retient que rien ne permettant de faire une relation entre l'image de M. Z... et l'affaire traitée dans l'article, la publication de son image n'était pas susceptible de porter atteinte à son honneur et à sa considération ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit, sans dénaturation ni méconnaissance de l'objet du litige, que l'action ne relevait pas des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu que le journal l'Equipe fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré qu'il avait été porté atteinte au droit à l'image de M. Z... et de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1 / que l'arrêt dénature l'article publié assorti de deux photographies, dont la photo litigieuse, sur laquelle figurent aux côtés de M. Y... et de son cheval quatre personnes dont M. Z..., lorsqu'il déclare cette publication illégitime en raison de ce que l'événement évoqué concernait le dopage dans le milieu cycliste, milieu auquel il est étranger ; qu'en effet l'article vise le dopage dans le monde cycliste et dans le monde hippique, ce qui justifiait l'illustration par l'image de M. Y... avec l'un de ses chevaux, M. Z... quant à lui, n'étant pas mentionné dans la légende de la photographie (dénaturation de l'article du 11 mars 1999, paragraphe 3 et suivants, article 4 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil) ;
2 / que M. Z... n'était pas mis en cause et son nom n'était pas mentionné dans la légende de la photographie, le jugement et l'arrêt qui l'admettent ne pouvaient reconnaître à son profit une atteinte au droit à l'image sur le fondement d'un texte destiné à la seule protection de la vie privée (violation des articles 9, 1382 du Code civil) ;
3 / que la cour ne pouvait nier tout lien entre la photographie représentant M. Y... et ne visant que lui et la présence de M. Z... entraîneur de chevaux appartenant aux personnes mises en cause (manque de base légale, article 9 et 1382 du Code civil) ;
4 / que la cour ne pouvait retenir l'existence d'une atteinte à l'image de M. Z... tout en admettant que la photographie, exempte d'un nom et d'une légende citant M. Z... avait été prise dans un lieu public avec son accord et dans le cadre de sa vie professionnelle (manque de base légale au regard de l'article 9, 1382 du Code civil) ;
5 / qu'est licite la publication dans la presse d'une photographie prise dans un lieu public pour illustrer un article consacré à un fléau, le dopage, sur laquelle ne figure que de manière inopinée et accessoire par rapport au sujet traité la personne qui invoque le droit au respect de son image et de sa vie privée dans la mesure où elle ne s'est trouvée mêlée à l'événement que par l'effet d'une coïncidence due à des circonstances tenant exclusivement à sa vie professionnelle (violation des articles 9, 1382 du Code civil) ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le fait que M. Z... ait entraîné des chevaux appartenant aux personnes mises en cause ne suffit pas à établir un lien entre sa photographie et l'événement d'actualité constitué par le dopage dans le milieu cycliste, milieu auquel il est étranger et que son nom n'est pas mentionné dans la légende de la photographie ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a retenu, sans dénaturer l'article litigieux, que le contexte de l'utilisation de cette photographie était étranger à celui dans lequel elle avait été prise, de sorte que sa publication, faite sans l'accord de l'intéressé, portait atteinte au droit au respect de son image ; qu'elle a, par ces motifs, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société l'Equipe aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société l'Equipe et la condamne à payer à M. Z... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille cinq.