AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par MM. X..., Y..., Z... et l'association European Gay Guild que sur le pourvoi provoqué relevé par M. A... ;
Donne acte à MM. X..., Y..., Z... et A... et l'association European Gay Guild de ce qu'ils se sont désistés de leurs pourvois en tant que dirigés contre Mme B... et M. C... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en liquidation judiciaire de l'association Centre Delta (l'association), le tribunal a ouvert le redressement judiciaire de MM. X... et Y..., dirigeants de l'association, sur le fondement de l'article L. 624-5 du Code de commerce et a étendu la liquidation judiciaire de l'association à MM. Z... et A... et à l'association European Gay Guild (EGG) sur le fondement de la confusion des patrimoines ; que la cour d'appel a confirmé cette décision ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches, des pourvois principal et provoqué, réunis, après avis de la Première chambre civile :
Attendu que MM. X..., Y..., Z... et A... et l'association EGG font grief l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que l'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun de façon permanente leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices ; qu'en déclarant "incompatible avec la nature de la reprise d'apport faite à une association" l'application d'un coefficient d'érosion monétaire qui n'a pas pour objet la réalisation d'un bénéfice, mais seulement le maintien, sans perte ni profit, de la valeur de l'apport fait en numéraire, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
2 / que, tant qu'une clause des statuts n'a pas été annulée, son application, qui s'impose aux dirigeants, ne peut constituer un fait de détournement d'actif à leur charge ; que la cour d'appel, qui n'a pas relevé une fraude des dirigeants dans l'insertion de la clause dans les statuts, ni une quelconque mauvaise foi de leur part dans sa mise en oeuvre, ni même prononcé à l'annulation non poursuivie de ladite clause, ne pouvait déclarer ces dirigeants coupables de détournement d'actifs sans méconnaître les articles 1134 du Code civil et L. 624-5, 6 du Code de commerce ;
3 / que, pour les mêmes raisons, en déduisant l'existence de flux financiers anormaux entre l'association Centre Delta et l'association EGG de l'absence de contrepartie à l'apport d'un de ses actifs par celle-là (la première) à celle-ci (la seconde), quand cet apport, parfaitement identifié, ne pouvait donner lieu qu'à restitution, la cour d'appel a violé l'article L. 621-5 du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que si le principe du nominalisme monétaire n'est pas d'ordre public, la mise en oeuvre de la stipulation litigieuse, portant sur des sommes non provisionnées, contrevient à l'article 15 du décret du 16 août 1901 interdisant d'attribuer aux associés, en dehors de la reprise des apports, une part quelconque des biens de l'association ; que l'arrêt relève que le fait pour M. X... d'avoir repris dans l'association, à la faveur d'une clause nulle d'actualisation du montant nominal de ses apports en numéraire, autre chose que ce qu'il y a apporté, démontre qu'il a perçu de manière illicite des fonds constituant des actifs de l'association ce qui révèle un détournement d'actif au sens de l'article L. 624-5, 6 du Code de commerce ; que l'arrêt retient encore que M. Y..., qui ne s'est pas opposé en sa qualité d'administrateur à la reprise des apports dans de telles conditions, doit être tenu pour l'auteur d'un détournement d'actif dès lors qu'il a permis aux apporteurs en numéraire de se faire attribuer de façon illicite une partie des actifs de l'association ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que l'association avait apporté, sans aucune contrepartie financière, une créance en compte courant de 350 000 francs, l'association Compagnons de Saint-Georges, devenue l'association EGG, l'arrêt retient que la première association s'est dépouillée, sans aucun motif sérieux, d'un de ses propres actifs pour permettre à la seconde, ayant un objet recoupant le sien, de réaliser le même objectif ce qui traduit l'existence de relations financières anormales ; qu'en l'état de ses énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal en tant qu'il concerne M. Z... :
Vu l'article L. 621-5, alinéa 1er, du Code de commerce ;
Attendu que pour étendre la liquidation judiciaire de l'association à M. Z..., l'arrêt retient que le fait pour celui-ci d'avoir repris dans l'association, à la faveur d'une clause nulle d'actualisation du montant nominal de ses apports, autre chose que ce qu'il y a apporté, démontre qu'il a perçu de manière illicite des fonds constituant les actifs de l'association ce qui traduit l'existence de flux financiers anormaux constitutifs d'une confusion des patrimoines ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la confusion des patrimoines de l'association et de M. Z..., qui pouvait seule permettre d'étendre à l'un la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi provoqué :
Vu l'article L. 621-5, alinéa 1er, du Code de commerce ;
Attendu que pour étendre la liquidation judiciaire de l'association à M. A..., l'arrêt retient que le fait pour celui-ci d'avoir repris dans l'association à la faveur d'une clause nulle d'actualisation du montant nominal de ses apports, autre chose que ce qu'il y a apporté, démontre qu'il a perçu de manière illicite des fonds constituant les actifs de l'association ce qui traduit l'existence de flux financiers anormaux constitutifs d'une confusion des patrimoines ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la confusion des patrimoines de l'association et de M. A..., qui pouvait seule permettre d'étendre à l'un la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de l'autre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il a prononcé l'extension de la procédure de liquidation judiciaire ouverte le 8 juin 2000 à l'égard de l'association Centre Delta à M. Z... et M. A..., l'arrêt rendu le 25 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. D..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. D..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille cinq.