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17/05/2005 | FRANCE | N°03-13582

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mai 2005, 03-13582


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'à la suite de la fusion-absorption intervenue entre les sociétés Air France et Air Inter Europe le 1er avril 1997, les salariés de la société absorbée ont été soumis aux dispositions statutaires et réglementaires en vigueur à Air France ; qu'afin de conserver leur statut collectif propre, les Syndicats solidaire unitaires démocratiques (dit "Sud aérien"), SNPNC et UGICT-CGT ont saisi le tribunal de grande instance d'Evry d'une demande tendant à l'application des te

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'à la suite de la fusion-absorption intervenue entre les sociétés Air France et Air Inter Europe le 1er avril 1997, les salariés de la société absorbée ont été soumis aux dispositions statutaires et réglementaires en vigueur à Air France ; qu'afin de conserver leur statut collectif propre, les Syndicats solidaire unitaires démocratiques (dit "Sud aérien"), SNPNC et UGICT-CGT ont saisi le tribunal de grande instance d'Evry d'une demande tendant à l'application des textes conventionnels en vigueur au sein de la société Air Inter Europe après le transfert des contrats de travail des salariés de cette société à la société Air France ;

Sur les deuxième et le troisième moyens :

Attendu que, selon le deuxième moyen, les syndicats font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 2003) d'avoir rejeté leur demande, alors, selon le moyen :

1 / qu'il appartient à la Cour de justice des communautés européennes, en vertu de l'article 177 du traité CEE (article 234 du traité CE), d'interpréter les textes du droit communautaire ; qu'en conséquence les syndicats demandent à la Cour de Cassation, en application de l'article 177-c), dernier alinéa, (article 234, sous c), dernier alinéa, du traité CE, de poser à la Cour de justice la question préjudicielle suivante :

"L'article 3, paragraphe 2, de la directive 77/187 CEE du 14 février 1977 dans sa rédaction applicable au litige, aux termes duquel : "après le transfert au sens de l'article 1er, paragraphe 1, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu'à la date de la résiliation ou de l'expiration de la convention collective ou de l'entrée en vigueur ou de l'application d'une autre convention collective ; les Etats membres peuvent limiter la période du maintien des conditions de travail sous réserve que celle-ci ne soit pas inférieure à un an", peut-il recevoir exception lorsque le cessionnaire est régi par un statut de droit public ;

celui-ci doit-il s'appliquer immédiatement aux travailleurs appartenant à l'entreprise transférée, même si ses dispositions sont en contradiction avec les conventions et accords collectifs en vigueur dans l'entreprise cédée, au jour du transfert ;

2 / que les dispositions du droit communautaire ont prééminence sur les dispositions du droit national ; que le maintien des droits des travailleurs prévu par la directive du 14 février 1977, transposée en droit français dans l'article L. 133-8 du Code du travail, s'impose quelle que soit la nature juridique de l'entreprise cessionnaire ou les dispositions légales ou réglementaires qui la réglementent ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé les dispositions de la directive n° 77-187 du 14 février 1977 et de l'article L. 132-8 du Code du travail ;

3 / que, même si les travailleurs de l'entreprise cessionnaire sont régis par un statut de nature administrative, ils demeurent des salariés de droit privé et peuvent être régis par des conventions et accords collectifs ; que le maintien provisoire, pendant un an, des conventions et accords collectifs régissant le personnel de l'entreprise cédante ne constitue pas, en toute hypothèse, une impossibilité juridique;

qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 3, paragraphe 2, de la directive 77/187 du 14 février 1977 et de l'article L. 132-8 du Code du travail ;

Et alors, selon le troisième moyen pris en ses trois premières branches :

1 / que l'article L. 132-8 du Code du travail, n'étant que la transposition en droit interne des dispositions de la directive n° 77/187 du 14 février 1977, doit recevoir application nonobstant la valeur réglementaire du statut du personnel d'Air France ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 177 du traité CEE ensemble les dispositions de la directive n° 77/187 et de l'article L. 132-8 du Code du travail ;

2 / que les dispositions des articles L. 131-2 et L. 134-1 du Code du travail ne font pas obstacle aux dispositions de l'article L. 132-8 qui, d'ordre public, s'appliquent quel que soit le statut du personnel au sein de l'entreprise cessionnaire ; que la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 131-2 et 134-1 du Code du travail et par refus d'application l'article L. 132-8 du Code du travail ;

3 / que les syndicats, qui revendiquaient, en application de l'article L. 132-8 du Code du travail, l'application des conventions et accords collectifs en vigueur au jour du transfert, n'avaient rien à démontrer; qu'en exigeant une preuve de leur part quant à la compatibilité des conventions et accords collectifs avec le statut du personne, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la directive n° 77/187/CEE, du 14 février 1977, qui ne vise qu'à une harmonisation partielle des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise, n'impose pas au nouvel employeur de maintenir les droits que les salariés tenaient, avant le transfert, d'un accord collectif, lorsque, selon la loi nationale dont relève le contrat de travail, cet accord cesse de produire ses effets juridiques à l'égard du personnel repris ; qu'il n'y a dès lors pas lieu à question préjudicielle ;

Attendu, ensuite, qu'à compter de la fusion-absorption intervenue entre les sociétés Air France et Air Inter Europe, les salariés de l'entreprise absorbée sont soumis de plein droit au statut du personnel de l'entreprise absorbante, élaboré par le conseil d'administration, sous contrôle des autorités de tutelle et dérogatoire au droit commun, qui leur est immédiatement applicable ;

Attendu, enfin, qu'en application de l'article L. 134-1 du Code du travail, des conventions ou accords collectifs de travail négociés au sein des entreprises publiques ou établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent seulement compléter les dispositions statutaires ; qu'il en résulte que les dispositions du statut ne peuvent être contredites par des accords collectifs et que les dispositions de l'article L. 132-8, alinéas 6 et 7, du Code du travail ne s'appliquent pas ;

Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que les accords collectifs régissant le statut des pilotes de la société Air France Europe en vigueur au sein de cette société comportaient des dispositions contredisant celles du statut des personnels d'Air France a exactement décidé que celui-ci devait recevoir application immédiate ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen ni sur les quatrième et cinquième branches du troisième moyen, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Air France ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 03-13582
Date de la décision : 17/05/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Travail - Salarié - Droits en cas de transferts d'entreprise - Directive n° 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977 - Application - Portée.

1° La directive n° 77/187/CEE du 14 février 1977, qui ne vise qu'à une harmonisation partielle des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise, n'impose pas au nouvel employeur de maintenir les droits que les salariés tenaient, avant le transfert, d'un accord collectif, lorsque, selon la loi nationale dont relève le contrat de travail, cet accord cesse de produire ses effets juridiques à l'égard du personnel repris. La saisine de la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle est dès lors sans objet.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Effets - Application immédiate du statut du personnel de la société absorbante aux salariés de la société absorbée.

2° A compter de la fusion-absorption intervenue entre des entreprises publiques ou établissements publics industriels et commerciaux, les salariés de l'entreprise absorbée sont soumis de plein droit au statut du personnel de l'entreprise absorbante, dérogatoire au droit commun, qui leur est immédiatement applicable.

3° STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs - Dispositions générales - Conclusion - Etablissements publics à caractère industriel et commercial - Limites.

3° STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions collectives - Dispositions générales - Maintien des avantages individuels acquis liés à une convention collective - Exclusion - Cas 3° TRANSPORTS AERIENS - Air France - Personnel - Statut - Dérogation - Possibilité (non).

3° En application de l'article L. 134-1 du Code du travail, des conventions ou accords collectifs de travail négociés au sein des entreprises publiques ou établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent seulement compléter les dispositions statutaires ; dès lors les dispositions du statut ne peuvent être contredites par des accords collectifs et les dispositions de l'article L. 132-8, alinéas 6 et 7, du Code du travail ne s'appliquent pas.


Références :

1° :
3° :
Code du travail L134-1, L132-8 al. 6 et 7
Directive 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 janvier 2003

Sur le n° 3 : Dans le même sens que : Chambre sociale, 1999-07-12, Bulletin 1999, V, n° 349, p. 254 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 mai. 2005, pourvoi n°03-13582, Bull. civ. 2005 V N° 164 p. 141
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 V N° 164 p. 141

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Sargos.
Avocat général : Avocat général : M. Duplat.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Manes-Roussel.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Cossa.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.13582
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