AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'administration des Douanes et des Droits indirects a assigné la société Delpierre mer et traditions (la société Delpierre) en paiement de droit de douanes, prétendument éludés, à l'occasion de l'importation en France, les 24 novembre 1994 et 20 janvier 1995, de filets congelés de thon du Costa Rica, en se fondant sur un procès-verbal d'infraction du 9 janvier 1997, d'où il résultait qu'une mission d'enquête communautaire effectuée dans ce pays avait fait apparaître que les filets de thon congelés ne pouvaient bénéficier du tarif préférentiel ;
Sur le premier et le deuxième moyens, réunis :
Attendu que la société Delpierre fait grief à l'arrêt de sa condamnation au paiement des droits et taxes éludés, alors, selon le moyen :
1 / qu'aux termes de l'article 21 du décret n° 71-209 du 18 mars 1971, "sauf s'il décide de ne pas donner suite à la constatation d'infraction qui lui est transmise par le service, le directeur général des Douanes et Droits indirects est tenu, dans un délai de deux mois à compter de la date de saisine de la commission de conciliation et d'expertise douanière de notifier au redevable les conclusions de l'Administration et de l'inviter soit à y acquiescer, soit à fournir un mémoire en réponse, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification" ; qu'il résulte de ce texte que le délai de deux mois imposé à l'administration des Douanes est impératif et que son non-respect implique de sa part une décision tacite, mais irrévocable, de renoncer à poursuivre le contentieux ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2 / que le cours des prescriptions visées aux articles 351 et 354 du Code des douanes n'est plus suspendu pendant la procédure devant la commission de conciliation et d'expertise douanière si l'administration des Douanes ne respecte pas le délai de deux mois qui lui est imparti par l'article 21 du décret du 18 mars 1971 pour déposer ses conclusions ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'aucune sanction n'étant prévue en cas de dépassement du délai institué par l'article 21 du décret n° 71-209 du 18 mars 1971, l'inobservation de ce délai dans lequel l'administration des Douanes doit notifier ses conclusions au redevable dans le cadre de la procédure engagée devant la commission de conciliation et d'expertise douanière ne vaut pas renonciation implicite aux poursuites et ne fait pas obstacle à la suspension de la prescription dans les conditions prévues à l'article 450-c du Code de douanes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 220-2-b du Code des douanes communautaire ;
Attendu que, pour condamner la société Delpierre au paiement des droits éludés, l'arrêt retient qu'en application de ce texte, l'erreur des "autorités compétentes" qui autorise le non-recouvrement des droits vise l'erreur des autorités douanières des Etats membres et non celle des autorités des Etats tiers ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit (arrêt X..., 27 juin 1991, C-348/89 et arrêt Faroe Seafood, 14 mai 1996, C-153/94) que les erreurs visées à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 recouvrent toutes les erreurs d'interprétation ou d'application des textes relatifs aux droits d'importation et d'exportation qui n'ont pu être raisonnablement décelées par le redevable, dès lors qu'elles sont la conséquence d'un comportement actif soit des autorités compétentes pour le recouvrement a posteriori, soit de celles de l'Etat d'exportation, ce qui exclut les erreurs provoquées par des déclarations inexactes du redevable, sous réserve des cas où l'inexactitude de ces déclarations ne serait que la conséquence de renseignements erronés donnés par des autorités compétentes et liant ces dernières, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne l'administration des Douanes et Droits indirects représentée par son directeur aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille cinq.