AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...
Y... Araitz,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PAU, en date du 18 février 2005, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires espagnoles, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 695-13 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise d'Araitz X...
Y... aux autorités espagnoles, en exécution d'un mandat européen émis le 15 avril 2004 par le tribunal central d'instruction n° 5 de l'Audiencia Nacional, pour une infraction de participation à une organisation terroriste et terrorisme ;
"aux motifs qu'il est exact que le mandat européen indique qu'il est pris en exécution d'une ordonnance prononçant la détention à la disposition du tribunal central d'instruction numéro 5 de l'Audiencia Nacional, sans que soit précisée la date de cette ordonnance ni l'autorité de laquelle elle émane ; qu'à l'audience du 11 février 2005, le procureur général a produit un document complémentaire expédié en télécopie par le juge mandant, daté du 10 février 2005 et portant la référence "Sumario 18/2001", et dans lequel il est indiqué : "la date du mandat d'arrêt, origine du mandat d'arrêt européen, est le jour 15 avril 2004 et l'autorité qui a décerné le mandat c'est D. Baltasar Garzon Real, magistrat juge du tribunal central d'instruction n° 5 de l'Audiencia Nacional" ; que ce document, soumis à la discussion des parties, complète cette lacune ; qu'il est ainsi satisfait à la condition d'indication de l'existence d'un jugement ou d'un mandat d'arrêt posée par l'article 695-13 du Code de procédure pénale ;
"alors que l'article 695-13 du Code de procédure pénale prévoit que le mandat d'arrêt européen doit contenir la date du jugement ou du mandat d'arrêt justifiant son émission ainsi que la désignation précise et les coordonnées complètes de l'autorité judiciaire dont il émane ; qu'en ordonnant la remise, à l'Etat membre d'émission, d'une personne appréhendée, conduite devant l'avocat général qui a dressé un procès-verbal, et incarcérée en exécution d'un mandat d'arrêt manifestement irrégulier comme ne remplissant aucune de ces deux conditions, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé, peu important la production par le procureur général, à l'audience de la chambre de l'instruction du 11 février 2005, du document complémentaire expédié en télécopie la veille et daté du 10 février 2005, dès lors qu'aucune disposition légale ne permet de couvrir a posteriori, par un tel acte, les irrégularités du mandat d'arrêt européen dont l'exécution, en l'espèce, porte nécessairement atteinte aux droits à la liberté et à la sûreté de la personne concernée, que garantit l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, faisant valoir que le mandat d'arrêt européen du 15 avril 2004 ne précise ni la date de la décision en exécution de laquelle il a été pris, ni l'autorité dont émane celle-ci, l'arrêt énonce que ces précisions figurent dans un document du 10 février 2005, produit aux débats ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'il n'existe aucune incertitude sur l'existence de la décision judiciaire mentionnée dans le mandat d'arrêt, en application de l'article 695-13, alinéa 4, du Code de procédure pénale, les juges ont justifié leur décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 695-13 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise d'Araitz X...
Y... aux autorités judiciaires espagnoles en exécution du mandat d'arrêt européen émis le 15 avril 2004 par le tribunal central d'instruction n° 5 de l'Audiencia Nacional, pour une infraction de participation à une organisation terroriste et terrorisme ;
"aux motifs que le document annexé au mandat d'arrêt européen intitulé "pièce de situation" relate une série de quarante-six infractions qui sont imputées à la personne réclamée comme conséquence de ses actes qui consistent pour la plupart dans le lancement d'engins incendiaires ou explosifs et dont la date et le lieu sont précisés ; que ce document annexé indique expressément qu'il intervient "à titre de complément informatif du mandat d'arrêt européen à l'encontre de Araitz X...
Y..." ;
qu'il doit donc être considéré comme faisant partie intégrante de ce mandat et qu'il importe peu à cet égard que ce document comporte un visa de dossier différent de celui indiqué sur le mandat européen, ce visa n'étant pas une condition posée par la loi ;
"alors que, selon l'article 695-13 du Code de procédure pénale, tout mandat d'arrêt européen doit contenir la date, le lieu et les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise ainsi que le degré de participation à celle-ci de la personne recherchée ;
que la jonction d'une pièce séparée, intitulée "pièce de situation", tirée d'un dossier distinct et se limitant à énoncer qu'à première vue, les faits qu'elle relate sont "en rapport temporaire et contextuel" avec les quarante-six délits de terrorisme qui sont attribués à la personne concernée, "par voie d'instigation, de façon à ce qu'une relation de causalité peut être établie entre les actes réalisés directement par la personne mise en examen et ceux commis", ne peut combler les lacunes du mandat d'arrêt européen au regard des conditions exigées par le texte susvisé que méconnaît l'arrêt attaqué" ;
Attendu que, contrairement à ce que soutient Araitz X...
Y..., la date, le lieu et les circonstances des infractions qui lui sont reprochées, ainsi que son degré de participation à celles-ci, figurent dans le mandat d'arrêt, dont l'annexe, intitulée "pièce de situation", fait partie intégrante ;
Attendu qu'en conséquence, le moyen manque en fait ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 695-22, 5 , 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise d'Araitz X...
Y... aux autorités judiciaires espagnoles en exécution du mandat d'arrêt européen émis le 15 avril 2004 par le tribunal central d'instruction n° 5 de l'Audiencia Nacional, pour une infraction de participation à une organisation terroriste et terrorisme ;
"aux motifs que la circonstance que la personne recherchée soit poursuivie en sa qualité de responsable du mouvement Haika-Segi ne constitue pas un obstacle à la demande de remise formulée par le juge qui a émis le mandat ;
"alors que, selon l'article 695-22, 5 , du Code de procédure pénale, l'exécution du mandat d'arrêt européen doit être refusée lorsqu'il est établi que ledit mandat d'arrêt a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de ses opinions politiques ; qu'en l'espèce, la personne recherchée a fait valoir, dans son mémoire régulièrement produit, qu'elle était poursuivie en raison de sa seule appartenance au mouvement de jeunes Haika-Segi qui est une organisation politique ; qu'en se limitant à déclarer que cette circonstance n'est pas un obstacle à la demande de remise formulée et que n'est réalisé aucun des cas prévus par l'article 695-22 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs" ;
Attendu que, pour autoriser l'exécution du mandat d'arrêt européen, la chambre de l'instruction retient que les faits pour lesquels il a été émis sont punis d'une peine privative de liberté égale ou supérieure à 3 ans et qu'ils entrent dans l'une des catégories d'infractions prévue par l'article 695-23, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;
Qu'en statuant ainsi, les juges ont justifié leur décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;