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09/03/2005 | FRANCE | N°04-81460

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 mars 2005, 04-81460


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Rémy,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 13 févr

ier 2004, qui, pour fraude fiscale et omission de passer des écritures en comptabilité, l...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Rémy,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 13 février 2004, qui, pour fraude fiscale et omission de passer des écritures en comptabilité, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication ainsi que la contrainte par corps et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 227, L. 228, L. 229 du Livre des procédures fiscales, 1741, 1743, 1750 du Code général des impôts, 749 et 750 du Code de procédure pénale, 593 et 595 du même Code, L. 123-12, L. 123-13 et L. 123-14 du Code de commerce, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean-Rémy X... coupable des délits de fraude fiscale et d'omission de passation d'écritures dans les documents comptables, le condamnant à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende délictuelle de 10 000 euros, au paiement solidaire des impôts avec la société Tech Invest Services Limited ;

"aux motifs qu'il est établi que Jean-Rémy X..., qui détenait le pouvoir dans la société pour posséder la quasi-totalité des parts de celle-ci, n'a ni effectué les déclarations fiscales qui incombaient à cette société, ni régulièrement tenu sa comptabilité ; que Jean-Rémy X... s'en est tenu à de simples affirmations au cours de la procédure fiscale pour tenter de prouver qu'il en a été autrement ;

qu'il n'a fourni aucun élément de preuve de ses affirmations ; qu'à l'audience son conseil produit une liasse de documents dépourvus de toute valeur probante tant en droit qu'en fait et qui selon lui seraient censés représenter la comptabilité tenue par la société en 1997, et ce de façon régulière ; qu'au demeurant il n'incombe pas à la juridiction pénale de refaire le calcul de l'impôt, ni de se livrer à des constatations que l'Administration n'a pas pu faire en temps utile par la seule carence de Jean-Rémy X... ; qu'enfin il ne saurait être dans les attributions de la Cour d'examiner les mouvements de fonds qui figurent sur le compte de Jean-Rémy X... au Luxembourg, compte que celui-ci a refusé de présenter en temps utile, pour déterminer si l'utilisation de ce compte a été ou non fiscalement frauduleuse et a permis la dissimulation de bénéfice réalisé par la société et de revenu perçu par son dirigeant ; qu'il appartenait à celui-ci de faire valoir ses moyens de défense au cours de la procédure fiscale ;

"alors que les délits de soustraction à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés, omission de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires, et de soustraction à titre personnel à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les revenus constituent des chefs de poursuites distincts ; que, dès lors, en procédant à une appréciation globale et indifférenciée de ces trois chefs de poursuite, l'arrêt attaqué n'a pas caractérisé l'élément matériel et l'élément intentionnel propre à chaque infraction, en violation de la loi" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 227, L. 228, L. 229 du Livre des procédures fiscales, 1741, 1743, 1750 du Code général des impôts, 749 et 750 du Code de procédure pénale, 593 et 595 de ce même Code, L.123-12, L.123-13 et L.123-14 du Code de commerce, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation du principe de la présomption d'innocence, excès de pouvoir ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean-Rémy X... coupable des délits de fraude fiscale et d'omission de passation d'écritures dans les documents comptables, le condamnant à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende délictuelle de 10 000 euros ;

"aux motifs qu'il est établi que Jean-Rémy X..., qui détenait le pouvoir dans la société pour posséder la quasi-totalité des parts de celle-ci, n'a ni effectué les déclarations fiscales qui incombaient à cette société, ni régulièrement tenu sa comptabilité ; que Jean-Rémy X... s'en est tenu à de simples affirmations au cours de la procédure fiscale pour tenter de prouver qu'il en a été autrement ; qu'il n'a fourni aucun élément de preuve de ses affirmations ; qu'à l'audience son conseil produit une liasse de documents dépourvus de toute valeur probante tant en droit qu'en fait et qui selon lui seraient censés représenter la comptabilité tenue par la société en 1997, et ce de façon régulière ; qu'au demeurant il n'incombe pas à la juridiction pénale de refaire le calcul de l'impôt, ni de se livrer à des constatations que l'Administration n'a pas pu faire en temps utile par la seule carence de Jean-Rémy X... ;

qu'enfin il ne saurait être dans les attributions de la Cour d'examiner les mouvements de fonds qui figurent sur le compte de Jean-Rémy X... au Luxembourg, compte que celui-ci a refusé de présenter en temps utile, pour déterminer si l'utilisation de ce compte a été ou non fiscalement frauduleuse et a permis la dissimulation de bénéfice réalisé par la société et de revenu perçu par son dirigeant ; qu'il appartenait à celui-ci de faire valoir ses moyens de défense au cours de la procédure fiscale ;

"alors, d'une part, que, s'il n'appartient pas au juge pénal de faire le calcul de l'impôt, il lui appartient, dans le cadre de la complète autonomie de ses pouvoirs, de vérifier l'existence des délits reprochés, en faisant porter son examen sur l'intégralité des pièces et éléments recueillis au cours de la procédure ; qu'en refusant d'examiner les pièces et documents fournis par le prévenu, notamment pour démontrer l'existence d'une comptabilité régulière et l'absence d'obligation de déclarer tel ou tel revenu, au prétexte erroné et inopérant que ces éléments n'auraient pas été produits dans l'instance fiscale, la cour d'appel a méconnu ses propres pouvoirs et violé les droits de la défense ;

"alors, d'autre part, que la charge de la preuve des infractions pèse sur la partie poursuivante ; qu'en déclarant Jean-Rémy X... coupable des faits de la prévention, au motif qu'il lui appartenait de produire des éléments, de ne pas prouver outre les déclarations de l'Administration, et de se défendre devant celle-ci, la cour d'appel a gravement renversé la charge de la preuve et violé le principe de la présomption d'innocence ;

"alors, enfin, s'agissant des délits de fraude fiscale et d'omission de passation d'écritures au sein de la société Tech Invest, que ces délits ne peuvent être imputés qu'aux dirigeants de droit ou de fait de l'entreprise ; que la seule constatation de la qualité d'actionnaire majoritaire ou de " fondé de pouvoir " ne suffit pas à caractériser une quelconque gestion de fait, faute de la constatation réelle et concrète d'une gestion de la société ; qu'en imputant à Jean-Rémy X... la commission de ces infractions, sans constater aucun acte de gestion de sa part, la cour d'appel a totalement privé sa décision de base légale" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 227, L. 228, L. 229 du Livre des procédures fiscales, 1741, 1743, 1750 du Code général des impôts, 749 et 750 du Code de procédure pénale, 593 et 595 du même Code, L.123-12, L.123-13, L.123-14 du Code de commerce, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean-Rémy X... coupable de fraude fiscale à titre personnel, au regard de l'impôt sur le revenu pour l'année 1997, le condamnant à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, et à une amende délictuelle de 10 000 euros ;

"aux motifs qu'il ne saurait être considéré, ainsi que le fait observer avec pertinence l'Administration, que Jean-Rémy X..., homme d'affaires expérimenté, ait agi par ignorance ;

qu'il doit au contraire être déduit de l'utilisation qu'il a faite d'une société de droit anglais et d'un compte bancaire au Luxembourg pour réaliser du commerce en France et pour faire transiter ses capitaux, qu'il a agi dans le dessein de tromper l'Administration et non par négligence ; qu'il y a lieu notamment de relever que la déclaration de déficits fiscaux injustifiés ne peut procéder que de la volonté d'utiliser un moyen légal pour tenter de se soustraire à l'impôt ;

"alors que cette motivation confuse est insusceptible de caractériser les éléments matériel et intentionnel du délit de fraude fiscale personnellement retenu à l'encontre de Jean-Rémy X..., et ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si l'infraction a été vraiment caractérisée" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Mais sur le moyen relevé d'office, pris de l'entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2004 ;

Vu les articles 198, 207.II et 211 de ladite loi ;

Attendu que l'abrogation, par les textes susvisés, de l'article L. 272 du Livre des procédures fiscales interdit que les condamnations prononcées par les juridictions répressives en application des articles 1741 et 1771 à 1778 du Code général des Impôts et non définitives au 1er janvier 2005, date d'entrée en vigueur de la loi précitée soient recouvrées par la contrainte par corps ;

Attendu qu'après avoir condamné Jean-Rémy X..., du chef de fraude fiscale et omission de passer des écritures en comptabilité, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende et s'être prononcée sur la demande de l'administration des Impôts, partie civile, la cour d'appel énonce que la contrainte par corps s'appliquera dans les conditions prévues aux articles 749 et 750 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu que cette décision n'ayant pas acquis force de chose jugée avant le 1er janvier 2005 doit être censurée par application des textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le quatrième moyen de cassation :

ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 13 février 2004, en ses seules dispositions ayant ordonné la contrainte par corps, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-81460
Date de la décision : 09/03/2005
Sens de l'arrêt : Annulation partielle par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONTRAINTE PAR CORPS - Domaine d'application - Impôts et taxes - Impôts directs et taxes assimilées - Exclusion - Cas.

IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Contrainte par corps - Domaine d'application - Exclusion - Cas

Il résulte des articles 198, 207, II et 211 de la loi du 9 mars 2004 que la contrainte par corps n'est pas applicable aux condamnations prononcées par les juridictions répressives en application des articles 1741 et 1771 à 1778 du Code général des impôts et qui n'étaient pas définitives au 1er janvier 2005.


Références :

Code de procédure pénale 749, 750
Code général des impôts 1741, 1771 à 1778
Livre des procédures fiscales L272
Loi 2004-204 du 09 mars 2004 art. 198, art. 207 II, art. 211

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 13 février 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 mar. 2005, pourvoi n°04-81460, Bull. crim. criminel 2005 N° 82 p. 295
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 82 p. 295

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Commaret.
Rapporteur ?: M. Soulard.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.81460
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