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15/02/2005 | FRANCE | N°04-85038

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 février 2005, 04-85038


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Bernard,

- LA SOCIETE MEDISOFT,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA REUNION, chambre correctionnelle, en d

ate du 15 Juillet 2004, qui les a condamnés à des dommages-intérêts sur le fondement de l'ar...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Bernard,

- LA SOCIETE MEDISOFT,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA REUNION, chambre correctionnelle, en date du 15 Juillet 2004, qui les a condamnés à des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 91, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué indique que les débats se sont déroulés le 17 juin 2004, en audience publique (arrêt p.1) ;

"alors que, conformément à l'article 91 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000, les débats devant la juridiction correctionnelle saisie d'une action en dommages-intérêts sur le fondement de ce texte ont lieu en chambre du conseil ; que, dès lors, en constatant que les débats se sont déroulés à l'audience publique du 17 juin 2004, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, si c'est à tort que l'affaire a été débattue en audience publique et non en chambre du conseil, l'irrégularité commise ne doit cependant pas entraîner l'annulation de la décision, dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elle ait porté atteinte aux intérêts du demandeur ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3, 427, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné in solidum Bernard X... et la société Médisoft à verser à Jack Y... et Jean-Marie Z..., sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale, une somme de 4 000 euros chacun en indemnisation de leur préjudice ;

"aux motifs que les sieurs Z... et Y... qui ont fait l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile suivie d'une ordonnance de non-lieu devenue définitive ne peuvent obtenir de dommages et intérêts contre les ex parties civiles que si la plainte a été portée de mauvaise foi ou témérairement ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de non-lieu indique qu'en ce qui concerne le vol du disque dur celui-ci "est parfaitement imaginaire et la bonne foi de Bernard X... est plus que contestable" ; qu'en ce qui concerne la découverte récente alléguée de Médisud par Bernard X..., "la mauvaise foi de Bernard X... doit être à nouveau stigmatisée " ;

que l'ordonnance de non-lieu définitive et dont les motifs ne peuvent plus être remis en question indiquent qu'il y a eu dans tous les cas mauvaise foi de Bernard X... puisqu'il est démontré que c'est de manière fautive et abusive en invoquant des faits inexacts que Bernard X... et la société Médisoft ont déposé plainte avec constitution de partie civile contre Jack Y... et Jean-Marie Z... ;

sur l'existence d'un préjudice que la plainte fautive et abusive a permis à Bernard X... et à la société Médisoft d'obtenir un sursis à statuer dans une instance engagée contre eux devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saint-Pierre par Jean-Marie Z... et la société Médisud ; qu'en outre, il est suffisamment démontré que Bernard X... a fait état, par écrit dans le milieu professionnel notamment auprès de clients de ce que Jean-Marie Z... et Jack Y... avaient commis des malversations et détournements et de ce que les plaintes à leur encontre étaient en cours ; qu'au regard de la plainte litigieuse et de l'utilisation qui en a été faite, il appert qu'un préjudice certain a été causé aux requérants ; que la Cour appréciera les préjudices subis à l'examen du dossier comme l'ont fait les premiers juges et confirmera le jugement déféré quant à l'indemnisation des préjudices de chacun des requérants ;

"alors, d'une part, que l'arrêt de non-lieu ne peut, à lui seul, avoir les effets de la chose jugée quant à l'existence d'une faute du dénonciateur qu'il appartient au juge, saisi sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale, d'apprécier ;

qu'ainsi en se bornant à énoncer que l'ordonnance de non-lieu définitive et dont les motifs ne peuvent plus être remis en question indiquent qu'il y a eu dans tous les cas mauvaise foi de Bernard X... sans rechercher en quoi Bernard X... aurait commis une faute en dénonçant les faits litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que les juges qui accordent une somme globale pour réparer le préjudice résultant de la dénonciation téméraire d'un ensemble de faits délictueux doivent s'expliquer sur le préjudice résultant de la dénonciation de chaque délit ; qu'en allouant une somme globale de 4 000 euros pour la dénonciation de faits constitutifs d'abus de biens sociaux, d'usage de fausse qualité et de détournement de fonds et clientèle sans s'expliquer sur l'existence du préjudice résultant de la dénonciation de chaque délit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un différend entre associés, Bernard X... et la société Médisoft ont porté plainte et se sont constitués partie civile contre Jean-Marie Z... et Jack Y... pour abus de biens sociaux, "usage de fausse qualité", détournement de fonds et de clientèle ; que le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef des infractions visées dans la plainte ; que la chambre de l'instruction a confirmé cette décision ; que Jean-Marie Z... et Jack Y... ont alors fait citer Bernard X... et la société Médisoft devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale ; que le tribunal a fait droit à leurs demandes ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt, par motifs adoptés, retient que c'est en invoquant de manière fautive des faits inexacts que Bernard X... et la société Médisoft ont porté plainte contre leurs anciens associés ;

Attendu que, par ces seuls motifs, et abstraction faite de tous autres erronés mais surabondants relatifs à l'autorité de chose jugée de l'ordonnance de non-lieu, les juges, qui ont souverainement apprécié la faute commise par les parties civiles au sens de l'article 1382 du Code civil, ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant condamné in solidum la société Médisoft et Bernard X... au paiement de la somme de 500 euros à Jean-Marie Z... et Jack Y..., demandeurs à une action civile, au titre des frais exposés par ceux-ci ;

"aux motifs que le jugement sera confirmé quant aux frais irrépétibles de première instance ;

"alors que seul l'auteur d'une infraction pénale peut être condamné par le tribunal correctionnel statuant en matière pénale à payer à la partie civile une somme correspondant aux frais non payés par l'Etat ; qu'en condamnant Bernard X... et la société Médisoft à payer à Jean-Marie Z... et Jack Y... la somme de 500 euros en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, cependant que ni Bernard X..., ni la société Médisoft n'était l'auteur d'une infraction au sens de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à l'encontre de Jean-Marie Z... et Jack Y..., la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé" ;

Vu l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu que seul l'auteur de l'infraction peut être condamné au paiement des frais visés par l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; que la somme ainsi déterminée ne peut être allouée à une personne autre que la partie civile ;

Attendu qu'après avoir condamné Bernard X... et la société Médisoft à 4 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale, la cour d'appel les a, en outre, condamnés à verser une somme de 500 euros en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune des personnes condamnées pour abus de constitution de partie civile n'était l'auteur d'une infraction au sens dudit article du même Code, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'ou il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 15 juillet 2004, en ses seules dispositions relatives à l'article 475-1 du Code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, M. Valat, Mmes Ménotti, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85038
Date de la décision : 15/02/2005
Sens de l'arrêt : Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FRAIS ET DEPENS - Condamnation - Frais non recouvrables - Article 475-1 du code de procédure pénale - Domaine d'application

FRAIS ET DEPENS - Condamnation - Frais non recouvrables - Auteur de l'infraction - Personne condamnée sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale (non) ACTION CIVILE - Partie civile - Dénonciation téméraire ou abusive (article 91 du Code de procédure pénale) - Action en dommages-intérêts - Condamnation sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale - Possibilité (non) DENONCIATION TEMERAIRE OU ABUSIVE - Action en dommages-intérêts (article 91 du Code de procédure pénale) - Procédure - Condamnation sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale - Possibilité (non)

Seul l'auteur de l'infraction peut être condamné au paiement des frais visés par l'article 475-1 du Code de procédure pénale et la somme ainsi déterminée ne peut être allouée à une personne autre que la partie civile. Encourt la cassation l'arrêt qui met à la charge des personnes condamnées sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale les frais visés par l'article 475-1 du Code de procédure pénale


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 91
Code de procédure pénale 91, 475-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 15 juillet 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 fév. 2005, pourvoi n°04-85038, Bull. crim. criminel 2005, n° 55, p. 202
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005, n° 55, p. 202

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton
Rapporteur ?: Mme Chanet
Avocat(s) : la SCP Vier et Barthélemy

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.85038
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