AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois H 03-18.004, G 03-18.005, J 03-46.181 et K 03-46.182 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Attendu que la société Renault France automobile Nord (RFA Nord) a licencié en février 1993 pour faute grave MM. X... et Y... ; qu'ils ont attrait leur employeur devant le conseil de prud'hommes pour contester le bien fondé de leur licenciement ; que la société RFA Nord a demandé le renvoi pour cause de suspicion légitime de la juridiction saisie au motif que son président avait pris publiquement partie en faveur des salariés ;
Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts attaqués (Douai, 2 juillet 2003) d'avoir rejeté sa demande de renvoi pour cause de suspicion légitime alors, selon le moyen :
1 ) qu'il résulte des propos tenus par le président du conseil de prud'hommes que celui-ci s'était immiscé dans la conduite du procès entre la société RFA Nord et les salariés en critiquant la hiérarchie de l'entreprise et en affirmant que la CGT allait gagner devant la juridiction qu'il présidait ; que de tels éléments sont de nature à porter atteinte à la confiance légitime que le justiciable est en droit d'attendre de la juridiction à laquelle il s'adresse ; les propos ainsi tenus créent, pour le moins, une apparence en vertu de laquelle le justiciable est légitimement amené à ne plus accorder sa confiance à l'ensemble de la juridiction ; qu'en statuant, comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 356 du nouveau Code de procédure civile et L. 518-1 du Code du travail ;
2 ) que le fait que la cause puisse être évoquée devant une formation où ne siégerait pas l'auteur des propos litigieux, ainsi que le relève l'arrêt attaqué, n'est pas de nature à permettre au justiciable de se faire une représentation exacte des pouvoirs réels ou supposés dont le président de cette juridiction a fait état publiquement, en affirmant certain le résultat de la cause en cours, de sorte qu'en se déterminant par la seule circonstance qu'il n'y aurait pas identité entre M. Z..., pris en sa qualité de responsable local du syndicat CGT et de président du conseil de prud'hommes, et les juges auxquels l'affaire sera distribuée, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 356 du nouveau Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3 ) que la violation délibérée de l'obligation de réserve par le président de la juridiction sur l'issue d'un procès dans lequel il s'est immiscé en conseillant une partie, constitue, contrairement à l'appréciation de la cour d'appel, une circonstance objective de nature à faire naître un doute sur l'impartialité et l'indépendance du tribunal appelé à statuer, de sorte que la cour d'appel a derechef violé les articles 356 du nouveau Code de procédure civile, L. 518-1 du Code du travail et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la circonstance qu'un membre du conseil de prud'hommes, ne figurant pas dans la composition de la section appelée à statuer sur l'affaire, ait donné publiquement son opinion sur le litige n'est pas de nature à mettre en cause l'impartialité de l'ensemble de ses membres ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'auteur des propos tenus à l'encontre de l'employeur n'appartenait pas à la section saisie du litige, a pu décider qu'il n'existait aucune raison objective de douter de l'indépendance et de l'impartialité du conseil de prud'hommes justifiant le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Renault France automobile aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille cinq.