AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 112-1 du Code pénal, 121-3 du même Code dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000 et l'article 706-3 du Code de procédure pénale ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que les dispositions d'une loi nouvelle s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que le 13 novembre 1998, Mme X... a demandé à Mlle Y... de l'attendre pendant qu'elle s'absentait, lui laissant la surveillance de trois de ses enfants ; que Mlle Y... s'apercevant que Mme X... avait laissé sur le feu une friteuse qui venait de s'embraser, l'a saisie à pleines mains et l'a portée à l'extérieur, s'occasionnant des blessures aux mains dont il est résulté une incapacité temporaire totale de travail d'un mois et vingt et un jours ; que par requête du 12 novembre 2001, Mlle Y... a saisi la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) ;
Attendu que pour déclarer recevable la requête de Mlle Y..., et allouer à celle-ci une somme en réparation de son préjudice, la cour d'appel énonce que l'article 706-3 du Code de procédure pénale institue en faveur des victimes d'infractions un mode de réparation autonome répondant à des règles qui lui sont propres, que le caractère matériel de l'infraction doit s'apprécier au jour de la commission du fait dommageable peu important qu'une loi postérieure modifie l'incrimination, que le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation pénale passée en force de chose jugée, ne s'étend pas aux décisions de la CIVI qui ont pour seul objet la réparation d'un préjudice pécuniaire et sont sans rapport avec le prononcé des sanctions soumises au principe de nécessité des peines tel qu'il résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que l'article R. 625-2 du Code pénal, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juillet 2000, punissait de l'amende prévue pour les contraventions de 5e classe le fait de causer à autrui par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements des blessures occasionnant une incapacité de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; que Mme X..., en s'absentant de son domicile en laissant une friteuse sur un feu allumé, alors que de jeunes enfants étaient présents, a commis cette infraction ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il y a lieu de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE la requête de Mlle Y... ;
Laisse les dépens tant devant les juges du fond que devant la Cour de cassation à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mlle Y... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille cinq.