AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans son n° 365, daté du 8 au 14 juin 2000, l'hebdomadaire Gala, édité par la société Prisma presse (la société) a publié un article, annoncé en page de couverture sous le titre "Qui sont vraiment les princes de l'an 2000", avec le sous-titre "Charlotte, William, Andréa, Harry, Victoria... ils ont entre 13 et 22 ans et sont prêts à conquérir les couronnes et les coeurs", dressant le portrait de chacun d'entre eux en six brèves rubriques précisant leur rang, leur âge, leurs études, leurs hobbies, leurs points forts et leurs points faibles ; qu'une photographie grand format de Charlotte X..., fille de Caroline de Y..., épouse de Z... avec la légende "la fille cadette de Caroline de Y... est déjà la petite reine de Y...", illustrait la couverture de ce numéro et que trois autres photographies, dont l'une grand format illustraient la partie de l'article qui lui était consacrée ;
qu'estimant que cet article et les photos qui l'illustraient portait atteinte au droit au respect de la vie privée et de l'image de sa fille mineure, Mme de Z..., agissant en qualité de représentante légale de celle-ci, a assigné la société en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu que pour débouter Mme de Z... de ses demandes relatives à l'atteinte au droit au respect de la vie privée de sa fille Charlotte X..., l'arrêt, après avoir énoncé que toute personne quelle que soit sa notoriété a droit au respect de sa vie privée et peut s'opposer à la divulgation d'informations la concernant, que s'agissant d'une personne que sa naissance, ses fonctions ou sa profession exposent à la notoriété ou à la curiosité du public, l'application de cette protection s'apprécie différemment que lorsqu'elle est revendiquée par une personne anonyme, retient, par motifs propres et adoptés, que, du fait de l'appartenance de Charlotte X... à une famille princière, certains aspects de sa vie qui ne relèvent pas de la sphère intime de sa vie privée peuvent être communiqués au public, qu'en faisant état de son âge, d'une scolarité effectuée dans un établissement du midi de la France, sans pour autant donner d'éléments permettant d'identifier cet établissement, ainsi que de son goût affirmé pour l'équitation et de son éloignement de Monaco à la suite du remariage de sa mère, la société n'a pas porté atteinte au respect de sa vie privée ; que l'article se contentait de reprendre des éléments, parfaitement connus du public et d'une grande banalité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Charlotte X..., âgée de 13 ans lors de la parution de l'article, ne remplissait aucune fonction officielle et n'était impliquée dans aucun événement d'actualité dont l'importance eût justifié la publication d'informations concernant exclusivement sa vie privée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu que pour débouter Mme de Z... de ses demandes tendant à voir constater que la société avait porté atteinte au droit au respect de l'image de sa fille, l'arrêt retient que les clichés illustrant l'article, pris au cours de manifestations publiques, présentaient un caractère identitaire et n'étaient pas dévalorisants ; qu'ils illustraient pertinemment un article qui n'était pas fautif ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'illustrant un article portant atteinte au droit au respect de la vie privée de Charlotte X..., la publication de ces photographies, sans son consentement, portait nécessairement atteinte au droit au respect de son image, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Prisma presse aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Prisma presse, la condamne à payer à Mme de Z... et à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quatre.