AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu que, dans le cadre d'un projet d'installation d'un village de vacances, la société Club Méditerranée avait envisagé la conclusion, avec les collectivités locales concernées, d'un bail à construction et d'un bail emphytéotique dont la rédaction avait été confiée à M. X..., notaire, avec l'intervention d'un confrère ; que les actes, qui n'ont pas été signés en la forme authentique, ont en définitive été conclus sous seing privé entre les parties ; que M. X... a sollicité la taxation de sa rémunération ; que l'arrêt attaqué (Pau, 22 janvier 2002) a dit que les actes rédigés par le notaire ouvraient droit à un émolument réduit de moitié par application de l'article 3, alinéa 5, du décret du 8 mars 1978 ;
Attendu que la société Club Méditerranée fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que le notaire est rémunéré par des honoraires, et non par des émoluments, pour les services rendus dans l'exercice d'activités non prévues au titre II du décret du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires ; que les travaux de rédaction d'un projet d'acte destiné à être dressé en la forme authentique mais qui n'a pas reçu sa forme définitive et l'approbation de toutes les parties ne peut donner lieu à perception de l'émolument qui ne rémunère forfaitairement que la totalité des travaux et diligences accomplies en vue et à l'occasion de l'établissement d'un acte authentique ; que l'arrêt attaqué constate en l'espèce que les deux projets de bail préparés par M. X... n'avaient pas été signés par les parties et que celles-ci avaient par la suite apporté plusieurs modifications ; qu'en affirmant néanmoins que les parties étaient d'accord sur le contenu des actes et qu'il en résultait que s'agissant d'actes imparfaits M. X... avait droit à l'émolument réduit de moitié, la cour d'appel a violé les articles 2-1 et 3-5 du décret du 8 mars 1978 ;
2 / que la cour d'appel a relevé que les projets d'actes préparés par M. X... avait été ultérieurement modifiés par les parties ;
qu'en énonçant néanmoins que l'accord des parties sur les projets de M. X... était certain, la cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations faisant apparaître que les actes n'en étaient qu'au stade de projet, les conséquences légales qui en résultaient et qui excluaient la qualification d'acte imparfait réservés aux actes sur lesquels fait seulement défaut la signature d'une partie au moins ; qu'elle a par là même violé les articles 2-1 et 3-5 du décret du 8 mars 1978 ;
3 / que la société Club Méditerranée avait soutenu que la qualification de projet des actes litigieux était confirmée par le fait que c'était d'un commun accord de toutes les parties qu'il avait décidé de différer la réitération en la forme authentique ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / qu'en toute hypothèse, il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que les parties étaient assistées chacune de leur notaire et que les deux baux litigieux ont été rédigés par M. X... avec la participation de M. Y... suivant les énonciations mêmes des projets ;
qu'en disant que M. X... avait droit à l'émolument réduit de moitié, s'agissant d'un acte imparfait au sens de l'article 3-5 du décret du 8 mars 1978 sans tenir compte du partage d'émoluments devant intervenir entre les deux notaires, la cour d'appel a violé l'article 10 du décret du 8 mars 1978 ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a souverainement considéré que l'accord des parties sur le contenu des actes proposés par le notaire à leur signature était certain et constaté que ces actes avaient été textuellement repris, avec seulement quelques retouches de détail, par les actes sous seing privé conclus entre elles, a exactement décidé que les premiers constituaient des actes imparfaits donnant droit à émolument réduit de moitié, en précisant qu'il importait peu qu'aucune des parties ne les ait signés, sans devoir tenir compte du partage, non invoqué, avec l'autre notaire ; que le moyen, non fondé en ses trois premières branches, est irrecevable en sa quatrième ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Club Méditerranée aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Club Méditerranée à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille quatre.