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16/11/2004 | FRANCE | N°01-17356

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 novembre 2004, 01-17356


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 mars 2000), que Mme X..., exerçant la profession d'orthophoniste à Pontoise, a signé le 18 mai 1994, un "contrat d'assistant collaborateur" avec Mme Y... ; que ce contrat prévoyait notamment qu'à son expiration ou lors de la résiliation par l'une des parties, Mme Y... s'interdisait d'exercer pendant trois ans dans un rayon de dix kilomètres, sous peine d'une indemnisation correspondant au quart du prix de cession du cabinet ;

que, le 8 mai 1995, Mme Y... a informé par écrit Mme X... de sa décis...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 mars 2000), que Mme X..., exerçant la profession d'orthophoniste à Pontoise, a signé le 18 mai 1994, un "contrat d'assistant collaborateur" avec Mme Y... ; que ce contrat prévoyait notamment qu'à son expiration ou lors de la résiliation par l'une des parties, Mme Y... s'interdisait d'exercer pendant trois ans dans un rayon de dix kilomètres, sous peine d'une indemnisation correspondant au quart du prix de cession du cabinet ; que, le 8 mai 1995, Mme Y... a informé par écrit Mme X... de sa décision de mettre fin à ce contrat, à effet du 31 juillet 1995 ; que, par acte du 12 mars 1996, Mme X... a fait assigner Mme Y... devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise, invoquant une violation de la clause de non-concurrence en raison d'une installation à 6 km 3 à vol d'oiseau, de son cabinet ; que par arrêt du 6 mai 1998, la cour d'appel de Versailles a dit n'y avoir lieu à référé en raison de l'existence d'une contestation sérieuse ; que Mme Y... ayant, ultérieurement, demandé la nullité de la clause de non-concurrence, l'arrêt attaqué, rendu sur appel de l'intéressée aux côtés de laquelle la Fédération nationale des orthophonistes est intervenue volontairement, l'a déboutée, a dit que l'étendue géographique de cette clause devait être prise en considération à partir de la distance linéaire et géométrique de dix kilomètres et, constatant que Mme Y... avait manqué à cette obligation, ordonné une mesure d'expertise aux fins de proposer une valeur de cession du cabinet au jour de la cessation de la collaboration entre les parties ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de nullité de la clause de non-concurrence alors, selon le moyen :

1 / que la clause de non-concurrence n'est licite qu'à la condition d'être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, compte tenu notamment de l'objet du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la clause interdisant à Mme Y... d'exercer toute activité pendant trois ans dans un rayon de 10 km du cabinet de Mme X... n'était pas disproportionnée au regard de l'objet du contrat, l'activité d'orthophoniste concernant une clientèle de proximité ne se déplaçant pas, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1131 et 1134 du Code civil ;

2 / que la clause de non-concurrence n'est licite qu'à la condition d'être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, compte tenu notamment de la durée du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la clause interdisant à Mme Y... l'exercice de toute activité pendant trois ans et dans un rayon de 10 km du cabinet de Mme X... n'était pas disproportionnée compte tenu de la durée du contrat d'assistance, initialement conclu pour une année et renouvelable par tacite reconduction, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1131 et 1134 du Code civil ;

3 / qu'enfin, que la clause de non-concurrence n'est licite qu'à la condition d'être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, compte tenu notamment du lieu d'exercice de la profession ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la clause litigieuse n'était pas disproportionnée au regard du lieu d'exercice de la profession de Mme X..., caractérisée par une très forte densité démographique et par la présence, en 1996 de 57 orthophonistes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1131 et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la clause litigieuse, limitée à trois années et à un rayon de dix kilomètres, n'avait pas été de nature à porter atteinte à sa liberté d'exercice, dès lors qu'en l'espèce, ni cette durée ni cette distance reconstituaient des termes excessifs, de sorte que la clause présentait pour Mme X... un caractère légitime, d'autant plus que depuis son départ, Mme Y... avait toujours exercé sa profession et s'était installée, en mars 1997, au-delà du rayon litigieux ; qu'elle a, ainsi, légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la demanderesse au pourvoi fait encore grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen :

1 / que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant qu'il n'était pas établi avec certitude que Mme X... n'avait pas les diplômes nécessaires pour pratiquer tous les actes de sa profession, sans examiner la carte professionnelle de Mme X... et l'arrêté pris conjointement par les Ministre des affaires sociales et de l'éducation le 12 août 1961, invoqués par Mme Y... et la Fédération Nationale des Orthophonistes au soutien de leurs demandes, desquels il ressortait que Mme X... était uniquement autorisée à "exercer l'orthophonie limitée aux actes de rééducation de la dyslexie", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le contrat "d'assistant collaborateur" avait été signé par Mme X... exerçant la profession d'orthophoniste, ce dont il résultait qu'elle était seule créancière de l'obligation de non-concurrence souscrite par Mme Gina Y..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que le moyen, en sa première branche, se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond, de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a constaté que Mme Y... ne contestait pas qu'avec des collaboratrices de son cabinet, Mme X... réalisait l'intégralité des actes relevant de sa profession, et visés par la clause de non-concurrence ; qu'elle en a déduit à bon droit, la validité de cette clause ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le troisième moyen pris en ses deux branches :

Attendu que Mme Y... reproche encore à l'arrêt d'avoir ordonné une mesure d'expertise pour déterminer la valeur de cession de son cabinet au jour de la cessation de la collaboration entre les parties alors, selon le moyen :

1 / qu'en ordonnant une mesure d'expertise judiciaire pour déterminer la valeur de cession de l'activité de Mme X... au jour de la cessation de la collaboration entre les parties, après avoir constaté, d'une part, que Mme Y... sollicitait la réduction de la clause pénale au franc symbolique en raison de son caractère excessif et, d'autre part, que Mme X... soutenait que l'expert devait être désigné par la Fédération nationale des orthophonistes de France, sur sa demande, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ; qu'en ordonnant une expertise judiciaire pour déterminer la valeur de cession du cabinet de Mme X... au jour de la cession de la collaboration entre les parties, après avoir pourtant constaté que celle-ci ne présentait aucun élément, aucune indication, aucune valeur pouvant permettre à la Cour de déterminer et d'analyser les conséquences de la convention, la cour d'appel a violé l'article 146 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, à laquelle Mme X... avait demandé que l'indemnité soit, conformément à la convention, fixée par dire d'expert désigné par la Fédération des orthophonistes de France, a, après avoir relevé que ladite convention n'imposait pas que l'expert fût désigné par cet organisme, souverainement jugé qu'il y avait lieu d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire, en l'absence d'éléments permettant, en l'état, de fixer le montant de l'indemnisation ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé dans la seconde ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... et la Fédération nationale des orthophonistes de France aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et de la Fédération nationale des orthophoniste de France ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-17356
Date de la décision : 16/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Auxiliaires médicaux - Orthophoniste - Contrat de collaboration - Clause de non-concurrence - Validité - Condition.

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Clause de non-concurrence - Licéité - Proportionnalité - Critères - Appréciation.

1° Présente un caractère légitime, une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de collaboration conclu entre des orthophonistes, dès lors que, limitée dans le temps et dans l'espace, elle n'est pas de nature à porter atteinte à la liberté d'exercice de la profession.

2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Auxiliaires médicaux - Orthophoniste - Contrat de collaboration - Clause de non-concurrence - Application à tous les actes de la profession - Condition.

2° La clause de non-concurrence peut concerner tous les actes relevant d'une spécialité paramédicale s'il est constaté que l'un des signataires du contrat réalise avec les collaborateurs de son cabinet, l'intégralité desdits actes.


Références :

1° :
2° :
Code civil 1131, 1134
Nouveau Code de procédure civile 4, 146, 455

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 16 mars 2000

Sur le n° 1 : Sur la validité d'une clause de non-concurrence, à rapprocher : Chambre civile 1, 1999-05-11, Bulletin, I, n° 156, p. 103 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 nov. 2004, pourvoi n°01-17356, Bull. civ. 2004 I N° 273 p. 228
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 I N° 273 p. 228

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Sainte-Rose.
Rapporteur ?: M. Renard-Payen.
Avocat(s) : la SCP Roger et Sevaux.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.17356
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