AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mars 2002), qu'ayant successivement exploité comme locataires gérants et mandataires de la société Esso trois stations-services selon contrats du 23 mars 1987, 28 septembre 1992 et 18 mai 1993, les époux X... et la société X... dont ils étaient cogérants, ont assigné la société Esso en remboursement des pertes d'exploitation et paiement d'une prime de fin de gérance au titre de l'exploitation de deux de ces trois stations-services et en paiement de dommages-intérêts pour manquement aux dispositions de la loi du 31 décembre 1989 devenue l'article L. 330-3 du Code de commerce, en ce qui concerne le contrat conclu pour l'exploitation de Ia station service située à la Chaussée Saint-Victor ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux X... et la société X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société X... tendant à ce que soit prononcée la nullité du contrat d'exploitation de la station-service de la Chaussée-Saint-Victor en date du 18 mai 1993, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 330-3 du Code de commerce "toute personne qui met à disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause" ; qu'il n'était pas contesté en l'espèce que le contrat d'exploitation avait été conclu dans l'intérêt commun des parties et que la société Esso avait mis à la disposition de la société X... un nom commercial, une marque et une enseigne en vertu d'un contrat d'exclusivité ; qu'en mettant à la charge de la société X... une obligation de se renseigner bien qu'en vertu de l'article L. 330-3 du Code de commerce, c'est sur la société Esso que pesait une telle obligation, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
Mais attendu que l'arrêt énonce que la méconnaissance par une partie des dispositions de l'article L. 330-3 du Commerce, qu'elle a constatée, ne peut entraîner la nullité de la convention qu'autant qu'elle a eu pour effet de vicier le consentement ; que l'arrêt constate qu'à la date à laquelle elle a signé le contrat pour l'exploitation de la station en cause, la société X... avait exploité depuis plus de six années des stations-services Esso dans des environnements fort différents et avait été à même d'apprécier les chances et les risques d'une telle exploitation ; que l'arrêt relève qu'elle a pu en particulier constater que l'exploitation de ces stations-services avait été déficitaire et qu'à supposer que l'exploitation de la station-service -"moyenne" soit déficitaire, la société X... aurait eu tout le loisir de s'en rendre compte ;
qu'en l'état de ces énonciations et constatations, dont elle a déduit que la preuve du vice du consentement n'était pas rapportée, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait, abstraction faite des motifs inopérants mais surabondants critiqués par le moyen, qui n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en remboursement des pertes subies pour l'exploitation de la station-service de La Chaussée Saint-Victor, alors, selon le moyen, que les pertes que le mandataire a essuyées à l'occasion de sa gestion et dont les parties peuvent décider qu'elles seront couvertes par un forfait sont exclusives de celles qui ont pour origine un fait imputable au mandant, que la société X... faisait valoir dans ses conclusions que la société Esso fixait unilatéralement le prix de vente de ses carburants, déterminant le litrage et la commission versée à la société X..., dont le caractère insuffisant était à l'origine des pertes essuyées par cette dernière ; qu'en écartant toutefois ce moyen dès lors que les pertes pouvaient être couvertes par le forfait prévu et valablement mises à la charge de la société X... au motif que la société Esso n'exerçait pas de contrôle total de la rémunération versée à cette dernière bien qu'une simple maîtrise suffisait, la cour d'appel qui a imposé une condition qui n'est pas exigée par la jurisprudence, a violé l'article 2000 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les parties sont libres de déroger aux dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil, qui ne sont pas d'ordre public, prévoyant le remboursement au mandataire et l'indemnisation des pertes essuyées par le mandataire à l'occasion de sa gestion ; que l'arrêt constate que c'est ce qu'ont fait en l'espèce la société Esso et la société X..., en convenant que le mandataire percevrait une commission composée d'une partie fixe et d'une partie variable calculée en fonction du volume vendu dont le montant couvre forfaitairement la rémunération et l'ensemble des frais et pertes de la société ; que l'arrêt estime que les dispositions contractuelles en cause sont claires, dépourvues d'ambiguité et ne nécessitent aucune interprétation ; que l'arrêt observe que la société X... n'est pas fondée à soutenir que la rémunération versée dépendait de la seule volonté de la société Esso, dès lors qu'une partie fixe était prévue et que le volume des carburants distribués dépend de bien des facteurs autres que le prix fixé, tels que le dynamisme commercial du distributeur ou la qualité de l'accueil et du service dans la station ; qu'en l'état de ces constatations et observations dont elle a souverainement déduit que la société Esso n'avait pas conservé la maîtrise des conditions de distribution du carburant, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... et la société X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux X... et la société X... à payer à la société Esso la somme globale de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille quatre.