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24/06/2004 | FRANCE | N°02-14509

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 juin 2004, 02-14509


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 2002), que, dans le cadre d'un litige opposant Mme X..., épouse Y..., à la SCI Bidoux et à l'association le Front national, cette association a déposé, sur le fondement des articles 341.8 du nouveau Code de procédure civile et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une requête en récusation à l'encontre de M. Z..., présidant la 1

re chambre, section B, du tribunal de grande instance de Nanterre, appelée à sta...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 2002), que, dans le cadre d'un litige opposant Mme X..., épouse Y..., à la SCI Bidoux et à l'association le Front national, cette association a déposé, sur le fondement des articles 341.8 du nouveau Code de procédure civile et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une requête en récusation à l'encontre de M. Z..., présidant la 1re chambre, section B, du tribunal de grande instance de Nanterre, appelée à statuer sur cette affaire, en raison de son appartenance au Syndicat de la magistrature qui aurait "pris très fréquemment des positions politiques très hostiles au Front national" ; que ce magistrat n'a pas entendu acquiescer à cette demande ;

Attendu que le Front national fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa requête, alors, selon le moyen :

1 / que, pour invoquer l'inimitié notoire existant entre M. Z... et le Front national sur le fondement de l'article 341.8 du nouveau Code de procédure civile, ce dernier ne s'est pas borné à faire état de l'appartenance de ce magistrat au Syndicat de la magistrature, mais a également fait valoir que ce syndicat avait, à plusieurs reprises, pris publiquement position contre lui et qu'en statuant sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, violant par là l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en toute hypothèse, à supposer même que pour se prononcer sur l'application de l'article 341.8 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel ait pris en considération le fait que le Syndicat de la magistrature ait, à plusieurs reprises, pris publiquement position contre le Front national, ce fait incontesté caractérisait une inimitié notoire au sens de ce texte entre, d'une part, ce syndicat et, par conséquent, ses membres dont M. Z... et, d'autre part, le Front national et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 341.8 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par un Tribunal indépendant et impartial implique l'absence de tout motif raisonnable de douter de l'impartialité d'un ou plusieurs juges composant ce Tribunal, que, pour se prononcer en toute impartialité, le juge doit être neutre tant par rapport à la situation qui lui est soumise que par rapport aux personnes des parties en cause, qu'en particulier, l'appartenance d'un juge à un syndicat professionnel intervenant dans la vie politique et ayant pris publiquement position contre un parti politique est de nature à faire naître un doute légitime quant à l'impartialité de ce juge appelé à trancher un litige dans lequel ce parti est en cause, ceci même s'il n'a personnellement exprimé aucune opinion à l'égard dudit parti, et que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'une part, que la seule appartenance de M. Z... au Syndicat de la magistrature n'est pas un fait suffisant en soi à caractériser l'inimitié notoire de ce magistrat à l'égard du Front national, d'autre part, que son adhésion au Syndicat de la magistrature, qui relève de l'exercice d'une liberté constitutionnelle, ne laisse pas présumer que l'exigence d'impartialité requise de tout juge laisse ici la place à une forte présomption de partialité ; qu'en effet la circonstance selon laquelle le syndicat dont il est adhérent aurait, par la voix de ses dirigeants ou de sections locales, exprimé une opinion ou pris des positions contre le Front national qui les qualifie d'hostiles, ne suffit pas à fonder la crainte du Front national que l'indépendance et l'impartialité que tout justiciable doit trouver chez son juge soient ici compromises ou sujettes au doute, alors qu'il n'est ni allégué ni établi que ce magistrat ait personnellement pris des positions, soutenu ou exprimé une opinion à l'encontre du Front national tant dans son activité syndicale que dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles ;

Que la cour d'appel a ainsi, par une décision motivée, apprécié souverainement l'absence d'inimitié notoire entre le juge et la partie requérante, et par ces constatations et énonciations, exactement retenu l'impossibilité de tout doute raisonnable quant à l'impartialité de ce magistrat ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Front national aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 02-14509
Date de la décision : 24/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° RECUSATION - Causes - Causes déterminées par la loi - Amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties - Existence - Appréciation souveraine.

1° POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Récusation - Existence d'une cause légale.

1° C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain qu'une cour d'appel, par une décision motivée, apprécie, au regard de l'article 341.8 o du nouveau Code de procédure civile, l'absence d'inimitié notoire entre un juge et l'auteur d'une requête tendant à sa récusation.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Tribunal - Impartialité - Garantie - Reconnaissance - Cas - Magistrat appelé à statuer dans un litige mettant en cause un parti politique à l'encontre duquel le syndicat professionnel dont il est membre aurait pris des positions hostiles - Condition.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Tribunal - Impartialité - Défaut - Motif légitime de doute - Exclusion - Applications diverses.

2° Ayant retenu que l'adhésion du président d'un tribunal à un syndicat, qui relève de l'exercice d'une liberté constitutionnelle, ne laisse pas présumer que l'exigence d'impartialité requise de tout juge laisse la place à une forte présomption de partialité, que la circonstance selon laquelle le syndicat dont il est adhérent, aurait par la voix de ses dirigeants ou de sections locales, exprimé une opinion ou pris des positions contre le parti politique représenté par le requérant, qui les qualifie d'hostiles, ne suffit pas à fonder la crainte de cette partie que l'indépendance et l'impartialité que tout justiciable doit trouver chez son juge soient ici compromises ou sujettes au doute, alors qu'il n'est ni allégué ni établi que ce magistrat ait personnellement pris des positions, soutenu ou exprimé une opinion à l'encontre de la partie, tant dans son activité syndicale que dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles, une cour d'appel a, par ces constatations et énonciations, exactement retenu, au regard de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'impossibilité de tout doute raisonnable quant à l'impartialité de ce magistrat.


Références :

1° :
2° :
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6.1
Nouveau Code de procédure civile 341.8 o

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 mars 2002

Sur le n° 1 : Sur le caractère souverain de l'appréciation de l'existence d'une cause de récusation appliquée à un expert, à rapprocher : Chambre commerciale, 1991-03-19, Bulletin, IV, n° 111 (1), p. 77 (rejet) Sur le n° 2 : Sur une autre occurrence d'exclusion de motif légitime de douter de l'impartialité d'une juridiction, à rapprocher : Chambre civile 2, 2004-05-27, Bulletin, II, n° 259 (2), p. 218 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 jui. 2004, pourvoi n°02-14509, Bull. civ. 2004 II N° 325 p. 274
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 II N° 325 p. 274

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : Premier avocat général : M. Benmakhlouf.
Rapporteur ?: M. Trassoudaine.
Avocat(s) : la SCP Le Griel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.14509
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