La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2004 | FRANCE | N°03-10837

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 juin 2004, 03-10837


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 14 novembre 2002), que Jean-Pierre X..., alors qu'il se trouvait dans une crique étroite aux parois abruptes, en bord de mer, a été déséquilibré par des vagues qui l'ont projeté dans l'eau, et s'est noyé ; que son épouse, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure Marie, et sa fille majeure, Anne, estimant que les vagues ayant déséquilibré Jean-Pierre X... avaient été provoqués par le passage d'un navire

appartenant à la Société nationale maritime Corse Méditerranée (la SNCM), on...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 14 novembre 2002), que Jean-Pierre X..., alors qu'il se trouvait dans une crique étroite aux parois abruptes, en bord de mer, a été déséquilibré par des vagues qui l'ont projeté dans l'eau, et s'est noyé ; que son épouse, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure Marie, et sa fille majeure, Anne, estimant que les vagues ayant déséquilibré Jean-Pierre X... avaient été provoqués par le passage d'un navire appartenant à la Société nationale maritime Corse Méditerranée (la SNCM), ont assigné cette société en réparation sur le fondement l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

Sur les deux premiers moyens réunis :

Attendu que la SNCM fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser des dommages-intérêts aux ayants droit de Jean-Pierre X..., alors, selon le moyen :

1 ) que la responsabilité du gardien est subordonnée à la preuve qui incombe à la victime de ce que la chose a été l'instrument du dommage ; qu'aucun bâtiment de mer ne peut physiquement naviguer dans des conditions normales sans produire devant son étrave une certaine agitation du milieu liquide ; qu'en retenant la responsabilité de l'armement en attribuant au navire des "vagues" dont aucune anomalie n'a été constatée, la cour d'appel a violé l'article 1384 du Code civil et l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

2 ) que dans ses conclusions d'appel fondées sur le rapport d'expertise, la SNCM avait fait valoir que le lieu situé sur le littoral où la victime avait péri par noyade, la côte est creusée de grottes où le milieu liquide est soumis aux trois effets de retenue/siphon/cascade, effets strictement indépendants de la houle ou des vagues venues de la mer ;

qu'en déclarant qu'un témoin avait fait état d'un mur d'eau provenant des vagues du navire, la cour d'appel qui ne s'est pas prononcée sur les effets spécifiques dus à la configuration géographique et dangereuse du milieu de l'accident, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) qu'il ressort de l'arrêt que l'accident s'est produit à 18 h 30, tandis que le navire est passé au large de Capo Sagro à 18 h 22 ; qu'en omettant de s'expliquer nonobstant les conclusions de la SNCM sur la question de savoir comment un prétendu mur d'eau de 2 m avait pu se propager par temps beau et calme durant 8 à 13 minutes jusqu'à la côte sans que la victime l'ait avisé à temps, la cour d'appel a dispensé cette dernière de la preuve qui lui incombait et a violé l'article 1384 du Code civil ;

4 ) qu'il résultait des déclarations du lieutenant Y... que lors de l'accident il existait d'autres unités, alias trois embarcations de plaisance dont un jet ski ; qu'en déclarant dès lors que l'existence d'autres unités de plaisance n'était étayée par aucun élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

5 ) que tout motif hypothétique équivaut à un défaut de motifs ; qu'en confirmant le jugement qui avait considéré que les phénomènes de retenue/cascade/siphon créés par la configuration de l'entrée de la grotte sur lesquels l'expert de la SNCM insiste pour expliquer l'accident "ne semblent pas avoir d'actualité", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

6 ) qu'il résulte des termes clairs et précis du rapport d'expertise Z... que la victime était avec ses deux filles dans un endroit dangereux présentant un triple risque de chute-noyade-éboulement et où une faible houle sans passage d'aucun navire suffit à provoquer un violent ressac avec courant tourbillonnant et phénomène d'aspiration vers une grotte marine ; qu'en affirmant dès lors que l'expert se serait borné à relever que ce sont les vagues qui provoquent le ressac, les courants tourbillonnants et les effets de cascade et de siphon, la cour d'appel a dénaturé par amputation ledit rapport et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés des premiers juges, qu'il est établi par l'enquête et les témoignages que l'accident dans lequel Jean-Pierre X... a péri a été provoqué par des vagues, dont l'une avait une hauteur de deux mètres, qui ont déferlé dans la crique où se trouvait celui-ci ; que ces vagues ont été déclenchées par le passage du navire de la SNCM qui avait infléchi son cap lors de son passage devant le lieu de l'accident, peu avant que celui-ci ne survienne, et qu'aucun autre bateau pouvant être à l'origine des vagues n'est alors passé au large ; que c'est sans dénaturation qu'il retient encore que, selon l'expert de la SNCM, ce sont les vagues qui produisent le ressac, les courants tourbillonnants et les effets de cascade et de siphon observés sur le lieu de l'accident ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, a pu déduire, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la cinquième branche du moyen, que le navire de la SNCM avait été l'instrument du dommage causé à Jean-Pierre X... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la SNCM fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, la SNCM avait fait valoir le caractère particulièrement dur et agité des lieux, que la dangerosité de l'endroit ne peut être sérieusement contestée, que les photos annexées au rapport de M. Z... montrent bien que des phénomènes de tourbillon, cascade et siphon se produisent dans cette "crique" escarpée par amplification des vagues, indépendamment du passage de tout navire et embarcation de sorte qu'il n'est pas anormal ni étonnant que malgré le danger, le site du Cap Sagru ne comporte aucun panneau d'interdiction de baignade pour la simple raison que l'endroit n'est signalé dans aucun guide ou document comme un lieu de baignade ; qu'elle a ajouté que ce cap est présenté comme un lieu d'escalade et que les baigneurs disposent dans un rayon de cinq kilomètres de quatre belles plages qui elles sont toutes propices à la baignade ; qu'en se bornant à relever par des motifs inopérants que l'huissier de justice avait pu se rendre sur les lieux en costume de ville, alors que l'accident s'était produit en milieu marin et que l'absence de panneau de signalisation ne pouvait exclure une faute de la victime face au danger présenté par les lieux sans répondre précisément aux conclusions susvisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le moyen ne tend, sous le couvert du grief non fondé de défaut de réponse à conclusions, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par laquelle les juges du fond, ayant relevé qu'aucun panneau de signalisation d'un danger quelconque n'existait à cet endroit, que l'accès à la crique était aisé, que le temps était beau et calme, que la mer était belle et l'endroit fréquenté, ont estimé que la victime n'avait pas commis de faute ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société nationale Maritime Corse Méditerranée (SNCM) aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SNCM à payer à Mme et Mlle X... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 03-10837
Date de la décision : 10/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Choses dont on a la garde - Fait de la chose - Chose instrument du dommage - Applications diverses.

POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle - Responsabilité du fait des choses - Fait de la chose - Chose instrument du dommage

Une personne ayant péri par noyade alors qu'elle se trouvait dans une crique étroite aux parois abruptes en bord de mer, une cour d'appel qui retient souverainement que l'accident a été provoqué par des vagues qui ont déferlé dans la crique, déséquilibrant la victime, et que ces vagues ont été déclenchées par le passage d'un navire qui avait infléchi son cap en passant devant le lieu de l'accident peu avant qu'il ne survienne, aucun autre bateau pouvant être à l'origine des vagues n'étant alors passé au large, peut en déduire que ce navire a été l'instrument du dommage.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 14 novembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 jui. 2004, pourvoi n°03-10837, Bull. civ. 2004 II N° 293 p. 247
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 II N° 293 p. 247

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Domingo.
Rapporteur ?: M. Besson.
Avocat(s) : la SCP Boré, Xavier et Boré, Me Blanc.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.10837
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award