AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du premier moyen, contestée par la défense :
Attendu que la commune d'Aubervilliers fait valoir que le moyen est irrecevable, M. X... n'ayant pas soutenu, devant les juges du fond une violation des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et une atteinte au principe de l'égalité des armes en raison de la présence du commissaire du gouvernement à l'instance ;
Mais attendu que M. X... ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, le moyen, qui est de pur droit, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation ;
D'où il suit que le moyen est recevable ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 6.1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que l'arrêt attaqué (Paris, 9 janvier 2003) fixe l'indemnité d'expropriation revenant à M. X..., locataire commercial de locaux dépendant d'un immeuble exproprié au profit de la commune d'Aubervilliers, au vu des conclusions de l'expropriant, de l'exproprié ainsi que de celles du commissaire du gouvernement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions des articles R. 13-32, R. 13-35, R. 13-36 et R. 13-47 du Code de l'expropriation relatives au rôle tenu par le commissaire du gouvernement dans la procédure en fixation des indemnités d'expropriation et des articles 2196 du Code civil, 38-1 et 39 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, que celui-ci, expert et partie à cette procédure, occupe une position dominante et bénéficie, par rapport à l'exproprié, d'avantages dans l'accès aux informations pertinentes publiées au fichier immobilier ; qu'en appliquant ces dispositions génératrices d'un déséquilibre incompatible avec le principe de l'égalité des armes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, chambre des expropriations ;
Condamne la commune d'Aubervilliers aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la commune d'Aubervilliers à payer à M. X... la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la commune d'Aubervilliers ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille quatre.