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12/05/2004 | FRANCE | N°03-82340

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 mai 2004, 03-82340


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle de CHAISEMARTIN et COURJON, et de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Laurent,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre

correctionnelle, en date du 13 mars 2003, qui, pour infractions à la législation sur le...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle de CHAISEMARTIN et COURJON, et de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Laurent,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 13 mars 2003, qui, pour infractions à la législation sur les armes et les munitions et importation en contrebande de marchandises prohibées, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement et à des pénalités douanières, et a prononcé une mesure de confiscation ainsi que l'interdiction d'exercer le commerce des armes ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 2, 15, 24, 26, 28 et 36, alinéa 3, du décret-loi du 18 avril 1939, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Laurent X... coupable d'importation et de détention sans autorisation d'armes prohibées, l'a condamné en répression à la peine de quatre mois d'emprisonnement et a ordonné la confiscation des scellés à titre de peine complémentaire ;

"aux motifs que Laurent X... reprend l'exception de nullité au visa des dispositions de l'article 36, paragraphe 3, du décret-loi du 18 avril 1939 ; mais que les premiers juges ont justement relevé que les poursuites du chef de commerce d'arme de la 1ère à la 4ème catégorie ne peuvent être engagées que sur les plaintes des ministres compétents de la défense nationale, de la guerre, de la marine, de l'air ou des finances ; qu'en l'espèce, le ministère public a engagé des poursuites par voie de citation directe sans plainte préalable ; qu'il s'ensuit que la poursuite du chef de commerce d'armes de la 1ère à la 4ème catégorie ne peut être retenue ; que son annulation sera donc confirmée ; que le tribunal a, avec raison, relevé que les dispositions de l'article 36 susvisées concernent les poursuites et non l'enquête préliminaire et qu'ainsi, contrairement à une information judiciaire consécutive à un réquisitoire introductif annulé, ladite enquête ne saurait être entachée de nullité ; (...) qu'en conséquence, la procédure diligentée contre Laurent X... est valable tant en ce qui concerne les infractions pénales qu'en ce qui concerne l'infraction douanière ;

qu'en ce qui concerne la réalité des délits commis, tant pour les poursuites pénales que douanières, le tribunal est entré en voie de condamnation par des motifs exhaustifs et pertinents que la Cour ne peut que faire siens, étant toutefois relevé qu'en sa qualité de professionnel, Laurent X... se devait, au moment où des particuliers déposaient chez lui des armes dont la détention est interdite, de refuser de recevoir lesdites armes et inviter les "clients" à s'adresser aux services de police ou de gendarmerie compétents ;

que les sanctions prononcées devront également être confirmées, sauf en ce qui concerne l'amende douanière qui sera portée à 14 463 euros, soit la valeur de la marchandise détenue en fraude ;

qu'en effet, les premiers juges ont parfaitement stigmatisé l'organisation dangereuse mise en place par le prévenu déjà condamné pour des faits similaires, et qu'alors qu'il connaissait parfaitement la législation, n'hésitait pas à la détourner et à vendre les fusils en pièces détachées de manière à rendre la constatation des infractions plus difficile ; que, seule la peine d'emprisonnement ferme infligée par les premiers juges sur le plan pénal et l'interdiction d'exercer le commerce des armes pendant 3 ans venant s'ajouter à l'amende d'un montant conséquent sont de nature à mettre un terme à l'activité délictuelle de Laurent X... et d'éviter ainsi qu'il continue à approvisionner le marché d'armes dangereuses, étant fait observer à toutes fins utiles que les délits qui lui sont reprochés sont à rattacher à une activité et à une responsabilité personnelle ;

"alors, d'une part, que l'article 36, alinéa 3, du décret-loi du 18 avril 1939 exige expressément la plainte préalable des ministres compétents pour permettre l'exercice de l'action publique du chef de commerce d'armes de guerre sans autorisation ; qu'en l'espèce, il était constant que Laurent X... avait été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Poitiers - de façon indivisible, s'agissant de faits indissociables - des chefs de commerce, importation et détention sans autorisation des mêmes armes prohibées, sans plainte préalable des ministères compétents ;

que cette citation, irrégulière dès lors que le ministère public n'avait pas le droit de poursuivre d'office les infractions au commerce des armes, devait donc être annulée en son entier, ainsi que la procédure pénale subséquente diligentée contre Laurent X... ; qu'en décidant pourtant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 36, alinéa 3, du décret-loi du 18 avril 1939 ;

"alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, Laurent X... soutenait que les faits d'importation et de détention d'armes poursuivis avaient été accomplis par lui au nom et pour le compte de la société La Cave de Clairvaux dont il était le gérant et dans le cadre de l'exploitation de ladite société, ayant pour activité le commerce d'armes et de munitions ; que ces faits se rattachaient donc nécessairement au fonctionnement d'une entreprise de commerce de matériels de guerre au sens de l'article 2 du décret-loi du 18 avril 1939 ; que, dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'importation et la détention d'armes imputées au prévenu ne faisaient pas partie intégrante du commerce d'armes pratiqué par celui-ci comme gérant de la société La Cave de Clairvaux, en sorte qu'une plainte ministérielle préalable était nécessaire à la mise en oeuvre de l'action publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Laurent X... a été poursuivi des chefs de commerce, importation et détention sans autorisation d'armes de la quatrième catégorie, ainsi que d'importation en contrebande de marchandises prohibées ; que les premiers juges ont annulé la poursuite du chef de commerce illicite d'armes comme ayant été exercée sans l'autorisation des ministres compétents comme le prévoit l'article 36 du décret-loi du 18 avril 1939 ;

Attendu que, pour refuser d'étendre l'annulation à l'ensemble des poursuites, l'arrêt attaqué retient que la régularité de l'enquête préliminaire qui les a précédées n'est pas affectée par cette annulation ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que seules les poursuites exercées pour commerce illicite d'armes étaient subordonnées à l'autorisation des ministres compétents, la cour d'appel, qui a apprécié souverainement l'étendue de la responsabilité personnelle du prévenu, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-3 du Code pénal, 2 ter, 215, 215 bis, 382, 392, 414, 419-1 , 435 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Laurent X... coupable du délit d'importation en contrebande de marchandises prohibées, l'a condamné en répression à une amende douanière de 14 463 euros et a prononcé à son encontre l'interdiction d'exercer le commerce des armes pendant 3 ans ;

"aux motifs propres qu'il convient de constater que les services des Douanes sont intervenus le 26 février 2002 au titre de l'article 63 ter du Code des douanes, après en avoir informé le procureur de la République et à l'occasion de leur contrôle, ils ont découvert des armes et des munitions pour lesquelles Laurent X... n'a pas été en mesure de présenter le justificatif d'importation régulier ; que les procès-verbaux relatant la procédure douanière ont été établis le 26 février 2002 et une enquête de police a ensuite été ordonnée par le parquet de Poitiers ; que la procédure douanière n'est donc pas subséquente et incidente à la procédure pénale contrairement aux affirmations de Laurent X... ;

qu'en l'espèce, l'administration des Douanes est partie poursuivante aux côtés du ministère public et, à cet effet, elle a fait régulièrement délivrer une citation douanière le 28 mai 2002 conformément aux dispositions de l'article 368 du Code des douanes ; qu'en conséquence, la procédure diligentée contre Laurent X... est valable tant en ce qui concerne les infractions pénales qu'en ce qui concerne l'infraction douanière ; qu'en ce qui concerne la réalité des délits commis, tant pour les poursuites pénales que douanières, le tribunal est entré en voie de condamnation par des motifs exhaustifs et pertinents que la Cour ne peut que faire siens, étant toutefois relevé qu'en sa qualité de professionnel, Laurent X... se devait, au moment où des particuliers déposaient chez lui des armes dont la détention est interdite, de refuser de recevoir lesdites armes et inviter les "clients" à s'adresser aux services de police ou de gendarmerie compétents ; que les sanctions prononcées devront également être confirmées, sauf en ce qui concerne l'amende douanière qui sera portée à 14 463 euros, soit la valeur de la marchandise détenue en fraude ; qu'en effet, les premiers juges ont parfaitement stigmatisé l'organisation dangereuse mise en place par le prévenu déjà condamné pour des faits similaires, et qu'alors qu'il connaissait parfaitement la législation, n'hésitait pas à la détourner et à vendre les fusils en pièces détachées de manière à rendre la constatation des infractions plus difficile ; que, seule la peine d'emprisonnement ferme infligée par les premiers juges sur le plan pénal et l'interdiction d'exercer le commerce des armes pendant 3 ans venant s'ajouter à l'amende d'un montant conséquent sont de nature à mettre un terme à l'activité délictuelle de Laurent X... et d'éviter ainsi qu'il continue à approvisionner le marché d'armes dangereuses, étant fait observer à toutes fins utiles que les délits qui lui sont reprochés sont à rattacher à une activité et à une responsabilité personnelle ;

"et aux motifs adoptés que Laurent X... produit la facture des armes importées ; que le fait de justifier de l'origine de la marchandise ne suffit pas à s'exonérer de sa responsabilité dès lors que lesdites armes ont été irrégulièrement acheminées sur le territoire français ; que Laurent X... ne peut justifier de ce que les armes acquises en Belgique ont été légalement importées ;

qu'il en avait une possession irrégulière ; que, dès lors, le délit douanier est constitué ;

"alors, d'une part, que l'article 419-1 du Code des douanes ne répute avoir été importées en contrebande les marchandises visées aux articles 2 ter, 215, 215 bis et 215 ter du même Code qu'à défaut de justification d'origine ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations des juges du fond que Laurent X... justifiait de l'origine de la marchandise litigieuse ; qu'en le déclarant néanmoins coupable du délit d'importation en contrebande de marchandise prohibée, la cour d'appel a violé l'article 419-1 susvisé du Code des douanes ;

"alors, d'autre part, que, par application de la règle du non-cumul des peines de même nature édictée par l'article 132-3 du Code pénal, la confiscation des matériels de guerre sous scellés ne pouvait être prononcée deux fois, une fois au titre de l'action publique et une fois au titre de l'action douanière ; qu'en l'espèce, après avoir ordonné la confiscation des scellés à titre de peine complémentaire sur l'action publique, la cour d'appel a pourtant fait droit à la demande de confiscation en valeur présentée par l'administration des Douanes sur le fondement de l'article 435 du Code des douanes, violant ainsi les textes susvisés ;

"alors, en tout état de cause, que, selon l'article 435 du Code des douanes, la condamnation, pour tenir lieu de confiscation, au paiement d'une somme égale à la valeur représentée par les objets susceptibles de confiscation doit être calculée d'après le cours du marché intérieur à l'époque où la fraude a été commise ;

qu'en se bornant, en l'espèce, pour porter à la somme de 14 463 euros l'amende douanière tenant lieu de confiscation évaluée à 10 000 euros par les premiers juges compte tenu du prix d'acquisition et de revente sur le marché des armes litigieuses, à affirmer que cette somme représentait la valeur de la marchandise détenue en fraude, sans préciser si la valeur à laquelle elle se référait était celle de l'époque où la fraude avait été commise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit douanier d'importation en contrebande de marchandises prohibées dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et troisième branches, les juges du fond n'ayant pas fait application des dispositions de l'article 435 du Code des douanes prévoyant la condamnation du prévenu au paiement d'une somme pour tenir lieu de confiscation, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-82340
Date de la décision : 12/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Plainte préalable - Ministres compétents - Poursuites concomitantes pour commerce illicite d'armes et délit douanier d'importation en contrebande de marchandises prohibées - Absence de plainte - Effet.

Lorsque des poursuites sont exercées à la fois pour commerce illicite d'armes et pour le délit douanier d'importation en contrebande de marchandises prohibées, l'annulation de la poursuite du premier de ces chefs comme ayant été exercée sans l'autorisation des ministres compétents prévue par l'article 36 du décret-loi du 18 avril 1939 n'affecte pas la validité de l'enquête ayant précédé l'ensemble des poursuites, l'engagement de celle exercée pour commerce illicite d'armes étant seul soumis à l'autorisation précitée.


Références :

Décret-loi du 18 avril 1939 art. 36

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 13 mars 2003

Sur le domaine d'application de l'article 36 du décret-loi du 18 avril 1939, dans le même sens que : Chambre criminelle, 2001-10-24, Bulletin criminel, n° 219, p. 695 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 mai. 2004, pourvoi n°03-82340, Bull. crim. criminel 2004 N° 118 p. 458
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 118 p. 458

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède.
Rapporteur ?: M. Arnould.
Avocat(s) : la SCP de Chaisemartin et Courjon, la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.82340
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