La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2004 | FRANCE | N°03-83152

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 avril 2004, 03-83152


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Mohamed,

- Y... Mohamed,

contre l'arrêt de la c

our d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 2003, qui a condamné le pr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Mohamed,

- Y... Mohamed,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 2003, qui a condamné le premier, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, sortie irrégulière de correspondance et contrebande de marchandises prohibées, à 6 ans d'emprisonnement, à l'interdiction définitive du territoire français et à des pénalités douanières et le second, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, à 2 ans d'emprisonnement et à 5 ans d'interdiction du territoire français ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-36, 222-41, 222-48, 222- 49 du Code pénal, L. 627, R. 5171, R. 5172, R. 5179 à R. 5181 du Code de la santé publique, de l'arrêté ministériel du 22 février 1990, 1er de la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mohamed X... et Mohamed Y... coupables d'importation non autorisée de stupéfiants ;

"alors, d'une part, que l'article 1er de la Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 définit l'importation comme le transport matériel de stupéfiants d'un Etat dans un autre Etat ; qu'en l'espèce, en condamnant Mohamed X... et Mohamed Y... comme auteur d'importation de stupéfiants, sans relever à leur encontre aucun fait de passage de frontière avec des produits stupéfiants, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; que dès lors, l'arrêt attaqué ne peut être non plus légalement justifié au regard d'une éventuelle requalification de complicité sur laquelle les prévenus ne se sont jamais expliqués devant les juges du fond" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 215, 414, 417 à 422, 437, 438, du Code des douanes, article 1er de l'arrêté ministériel du 24 septembre 1987, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mohamed X... et Mohamed Y... coupable du délit de contrebande de marchandises prohibées, a confirmé les dispositions douanières du jugement entrepris en ce qui concerne Mohamed X... et constaté que les dispositions douanières du jugement déféré étaient définitives à l'égard de Mohamed Y... ;

"alors que si le délit d'importation en contrebande de marchandises prohibées peut se déduire de la déclaration de culpabilité portant sur les infractions de droit commun, c'est à condition que ces infractions aient été régulièrement constatées ;

qu'ainsi, la cour d'appel qui n'a relevé à l'encontre de Mohamed X... et Mohamed Y... aucun fait de transport matériel de stupéfiants d'un Etat à un autre Etat, n'a pas, fut-ce de manière indirecte justifié sa décision relativement à la constatation de l'existence du délit douanier" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Mohamed X... et Mohamed Y... coupables d'importations non autorisées de stupéfiants et, en ce qui concerne le premier, de contrebande de marchandises prohibées, la cour d'appel relève que les prévenus se sont rendus, à plusieurs reprises, aux Pays-Bas, où ils ont acheté de l'héroïne qu'ils ont fait ensuite livrer à Strasbourg, par un passeur ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que la Convention unique sur les stupéfiants, du 30 mars 1961, si elle définit la notion d'importation, laisse aux Etats signataires le soin d'énoncer les critères à prendre en considération pour juger qu'une personne a la qualité d'importateur, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'il s'ensuit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-36, 222-37, 450-1 et 450- 3 du Code pénal, 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, du principe non bis in idem, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mohamed X... et Mohamed Y... coupables de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans ;

"aux motifs qu'en agissant, comme cela résulte de ce qui précède, de concert avec les frères Z... dans le but commun d'importer illégalement en France des stupéfiants, Mohamed X... a sciemment participé à une association de malfaiteurs ;

"et aux motifs qu'en agissant, comme cela résulte de ce qui précède, de concert avec le prénommé Brahim dans le but commun d'importer illégalement en France des stupéfiants, Mohamed Y... a sciemment participé à une association de malfaiteurs ;

"alors qu'en vertu de la règle non bis in idem, un même fait, autrement qualifié, ne saurait donner lieu à une double déclaration de culpabilité ;

qu'en déclarant Mohamed X... et Mohamed Y... coupables, outre d'acquisition, détention, offre ou cession, transport non autorisée de stupéfiants, de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de ces délits, sans relever aucun autre élément caractérisant une entente ou un groupement établi dans le but d'organiser un trafic de stupéfiants sur le territoire national, la cour d'appel a violé le principe et les articles susvisés" ;

Attendu que les dispositions de l'article 4 du protocole n° 7 ne trouvent à l'appliquer que dans le cas où une même infraction pénale, ayant donné lieu à un jugement définitif, fait l'objet d'une nouvelle poursuite pénale ;

Que tel n'étant pas le cas en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 132-24 du Code pénal, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Mohamed X... et Mohamed Y... respectivement à une peine de six ans et deux ans d'emprisonnement ferme ;

"aux motifs que l'emprisonnement s'impose à l'encontre des deux condamnés dès lors que de manière organisée ils ont, sur plusieurs mois, importé de la drogue dure, à savoir de l'héroïne, et l'ont cédé à autrui dans le seul but d'obtenir de l'argent dès lors que ni l'un ni l'autre ne sont usagers de stupéfiants ;

"alors, d'une part, que, les principes du droit de tout accusé à bénéficier d'un procès équitable, consacré par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, imposent, en cas de cassation sur un seul, ou sur certains, des moyens de cassation proposés, d'écarter la règle dite de la "peine justifiée", et de renvoyer, après cassation, la cause devant les juges du fond pour qu'ils apprécient à nouveau, conformément au principe de la personnalisation des peines, l'éventuelle application de peine et que les exposants puissent, quant à eux, à nouveau discuter de la gravité de la peine ;

"alors, d'autre part, qu'aux termes des articles 132-19 et 132-24 du Code pénal, la juridiction correctionnelle ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; que ne répond pas à cette exigence l'arrêt qui, s'il fait référence aux circonstances de l'infraction, ne s'explique pas sur la personnalité des auteurs, notamment sur l'absence de condamnation inscrite à leur casier judiciaire, de sorte que la décision n'est pas légalement justifiée" ;

Attendu que, pour condamner Mohamed X... et Mohamed Y... à une peine d'emprisonnement sans sursis, les juges énoncent que l'emprisonnement s'impose à l'encontre des deux prévenus compte tenu de leur personnalité et dès lors que, de manière organisée, ils ont, sur plusieurs mois, importé de l'héroïne et l'ont cédée à autrui dans le seul but d'obtenir de l'argent, ni l'un ni l'autre n'étant usager de stupéfiants ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, répondant aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui, en sa première branche, ne critique aucune disposition de l'arrêt attaqué, ne peut qu'être écarté ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Mohamed X... et Mohamed Y... à une peine d'interdiction du territoire français définitive pour le premier et d'une durée de cinq ans pour le second ;

"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, et il ne peut être porté atteinte à ce droit que si la mesure est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'en prononçant une interdiction définitive du territoire français à l'encontre de Mohamed X..., en se bornant à énoncer qu'une partie du produit des infractions a été investi au Maroc mais sans rechercher si, compte tenu de ses liens avec la France, et de sa situation privée et familiale, qui ressortait de l'arrêt et des pièces du dossier, selon laquelle il était marié et père de deux enfants mineurs respectivement de 25 et 5 mois, la mesure n'était pas disproportionnée aux buts légitimes poursuivis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, qu'en prononçant une interdiction temporaire d'une durée de cinq ans du territoire français à l'encontre de Mohamed Y..., en se bornant à énoncer que sa situation familiale est ignorée et ainsi sans rechercher si, compte tenu de ses liens avec la France et de sa situation privée et familiale, la mesure n'était pas disproportionnée aux buts légitimes poursuivis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"alors, enfin, qu'il ressortait des pièces du dossier que Mohamed Y... avait un travail, vivait en concubinage et allait devenir père ; qu'en refusant de prendre en considération ces éléments de vie pour rechercher si la mesure d'interdiction du territoire français pour une durée de cinq ans n'était pas disproportionnée au but poursuivi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de procédure que Mohamed X... et Mohamed Y..., qui avaient été déjà condamnés à l'interdiction du territoire français par les premiers juges, aient fait valoir en appel le caractère disproportionné de cette mesure ;

Qu'il s'ensuit que le moyen, nouveau et mélangé de fait, est, comme tel, irrecevable ;

Attendu que la peine prononcée étant justifiée par la déclaration de culpabilité du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, il n'y a pas lieu d'examiner le premier moyen, qui discute le délit de sortie irrégulière de correspondance ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Challe, Roger, Dulin, Mme Thin, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Samuel, Mme Salmeron conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83152
Date de la décision : 07/04/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° SUBSTANCES VENENEUSES - Stupéfiants - Infractions à la législation - Conventions internationales - Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 - Importation illicite de stupéfiants - Définition - Portée.

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 - Substances vénéneuses - Stupéfiants - Infractions à la législation - Importation illicite de stupéfiants - Définition - Portée.

1° La Convention unique sur les stupéfiants, du 30 mars 1961, si elle définit la notion d'importation, laisse aux Etats signataires le soin d'énoncer les critères à prendre en considération pour juger qu'une personne a la qualité d'importateur.

2° SUBSTANCES VENENEUSES - Stupéfiants - Infractions à la législation - Importation illicite de stupéfiants - Eléments constitutifs - Elément matériel - Franchissement de la frontière avec les produits stupéfiants - Nécessité (non).

2° Une personne peut être déclarée coupable d'importation illicite de stupéfiants même si elle n'a pas franchi elle-même la frontière avec les produits stupéfiants. Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour condamner les prévenus de ce chef, relève que ces derniers se sont rendus aux Pays-Bas, où ils ont acheté de l'héroïne, qu'ils ont ensuite fait livrer à Strasbourg, par un passeur.


Références :

2° :
Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 09 janvier 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 avr. 2004, pourvoi n°03-83152, Bull. crim. criminel 2004 N° 95 p. 368
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 95 p. 368

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: M. Soulard.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83152
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award