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30/03/2004 | FRANCE | N°03-84085

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mars 2004, 03-84085


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MÉNOTTI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Nadji,

- Y... Philippe,

- La SOCIÉTÉ LYON MAG', civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour

d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 14 mai 2003, qui, dans la procédure suivie contre les deux ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MÉNOTTI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Nadji,

- Y... Philippe,

- La SOCIÉTÉ LYON MAG', civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 14 mai 2003, qui, dans la procédure suivie contre les deux premiers, pour diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 65 de la loi du 29 juillet 1881, 2-3 de la loi du 6 août 2002, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a rejeté l'exception de prescription de l'action civile ;

"aux motifs que les déclarations d'appel des prévenus du 27 décembre 2002 ont interrompu le cours de la prescription ; que le fait que les citations à comparaître délivrées le 13 février 2003 à Nadji X... et le 20 février 2003 à Philippe Y... l'aient été à la requête du procureur général ne saurait les priver de leur effet au regard du délai de la prescription qu'elles ont interrompue ; qu'en effet est interruptive de prescription la citation délivrée à la requête du procureur général pour faire statuer sur l'action civile, alors même que l'action publique n'est plus en cause pour avoir été éteinte par l'amnistie ;

"alors, d'une part, que, lorsqu'en matière de presse l'action publique est éteinte par l'amnistie, la citation à comparaître devant la Cour, délivrée aux prévenus par le procureur général qui n'est plus partie poursuivante, n'est pas un acte de poursuite et n'est pas susceptible d'interrompre la prescription ; que, faute pour la partie civile d'avoir diligenté un acte interruptif de prescription entre la décision de prolongation du délibéré du 21 novembre 2002 (le jugement du 23 décembre 2002 ayant été annulé) et l'audience de la cour d'appel du 19 mars 2003, la prescription de l'action civile était acquise ; que la cour d'appel, en refusant de constater la prescription, a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, qu'en matière de presse, lorsque, après extinction de l'action publique, seule l'action civile reste en jeu, le délai de la prescription ne peut être interrompu que par un acte de la partie civile manifestant sa volonté de poursuivre son action, l'appel des prévenus ne pouvant avoir cet effet ; qu'en affirmant, néanmoins, que les déclarations d'appel des prévenus du 27 décembre 2002 ont interrompu le cours de la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés, que la cassation interviendra sans renvoi" ;

Attendu que, pour écarter la prescription invoquée par les prévenus, les juges du second degré prononcent par les motifs partiellement repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet, contrairement à ce qui est allégué, la citation délivrée au prévenu par le procureur général, nonobstant l'absence d'appel du ministère public, est interruptive de prescription à l'égard de toutes les parties ;

D'ou il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 alinéa 1er, et 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a constaté que les faits reprochés par Kamel Z... à Philippe Y... et Nadji X... étaient constitutifs du délit de diffamation publique envers un particulier, déclaré Philippe Y... et Nadji X... responsables du préjudice qui en est résulté pour Kamel Z..., et condamné solidairement Philippe Y... et Nadji X... à payer à Kamel Z... la somme de 1 500 euros à titre de dommages intérêts, en déclarant la société Lyon Mag' civilement responsable des condamnations pécuniaires prononcées au profit de Kamel Z... à l'encontre de Philippe Y... ;

"aux motifs que Kamel Z... voit, enfin, une diffamation dans le passage ci-après reproduit : "question : comment Kamel Z... a réussi à s'imposer à la tête de cette mosquée ? "réponse : parce que ça arrange tout le monde et notamment les élus, qui savent bien que la gestion de Kamel Z... n'est pas claire ; mais, avec lui, il n'y a pas de vagues, la religion, il s'en fout ; d'ailleurs, il n'y connaît rien ; en revanche, ça rassure tout le monde" ; qu'écrire de Kamel Z..., gérant de la SCI Mosquée de Lyon, que sa gestion n'est pas claire et qu'il méprise la religion jette la suspicion sur sa probité, en laissant entendre que des malversations ou à tout le moins des fautes de gestion ont pu être commises, et en donnant à penser que la partie civile n'exerce ses fonctions de gérant que dans un but intéressé ; que de telles allégations portent atteinte à l'honneur et à la considération de Kamel Z... ;

"alors, d'une part, que, si le passage incriminé précise que "la gestion de Kamel Z... n'est pas claire" et que "la religion, il s'en fout", c'est-à-dire si l'article impute à Kamel Z... un manque de transparence dans sa gestion et une certaine indifférence envers la religion, il ne lui impute, fût-ce par voie d'insinuation, ni des "malversations, ni un "mépris de la religion" ; qu'en déduisant néanmoins le caractère diffamatoire du passage de l'affirmation de telles imputations, la cour d'appel a dénaturé l'écrit incriminé et violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que la diffamation suppose l'imputation d'un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée ; que, dans le contexte d'une controverse sur la gestion de la mosquée de Lyon, l'imputation faite à Kamel Z... d'un manque de clarté dans la gestion n'est pas diffamatoire dès lors qu'elle n'implique pas, et ne suggère pas l'existence de malversations ni même de fautes de gestion ; qu'en estimant que cette imputation porte atteinte à l'honneur et à la considération de Kamel Z..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, enfin, que l'imputation faite à Kamel Z..., gérant de la SCI propriétaire des murs de la mosquée de Lyon, d'afficher une certaine indifférence envers la religion n'est pas diffamatoire, dès lors qu'elle n'implique aucune attitude méprisante envers la religion, mais seulement une attitude neutre dans les débats religieux; qu'en qualifiant cette imputation de diffamatoire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, alinéa 1, 32 alinéa 1, et 35 bis de la loi du 29 juillet 1881, 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a constaté que les faits reprochés par Kamel Z... à Philippe Y... et Nadji X... étaient constitutifs du délit de diffamation publique envers un particulier, déclaré Philippe Y... et Nadji X... responsables du préjudice qui en est résulté pour Kamel Z..., et condamné solidairement Philippe Y... et Nadji X... à payer à Kamel Z... la somme de 1 500 euros à titre de dommages intérêts, en déclarant la société Lyon Mag' civilement responsable des condamnations pécuniaires prononcées au profit de Kamel Z... à l'encontre de Philippe Y... ;

"aux motifs que Philippe Y... ne saurait invoquer le principe de la liberté de la presse et le droit de libre critique, pour justifier une attaque personnelle qui jette le doute sur l'intégrité de Kamel Z... dans l'exercice de ses fonctions de gérant de la SCI Mosquée de Lyon et dénigre son attitude face au fait religieux ; qu'en publiant ainsi une appréciation négative sur la gestion de Kamel Z..., sans en avoir sérieusement vérifié le bien-fondé et en attaquant celui-ci dans la sphère de sa vie privée et sa pratique religieuse, ce qui ne saurait relever de la poursuite d'un but légitime d'information du public, les prévenus ont porté atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile dans des conditions exclusives de toute bonne foi ;

"alors, d'une part, qu'en contestant à Nadji X... et à l'organe de presse le but légitime d'information du public et en concluant à l'existence d'une attaque personnelle, sans s'expliquer sur les conclusions des prévenus (p.14) précisant que Kamel Z..., directeur de la Mosquée de Lyon, qui avait participé aux consultations en vue de la création du conseil français du culte musulman et qui avait l'intention de se présenter aux élections pour le conseil régional du culte musulman, était un personnage public, et qu'il existait, à l'époque de l'article incriminé, un débat public sur la gestion de la Mosquée de Lyon - conclusions qui justifiaient a priori le but légitime d'information du public et excluaient toute attaque personnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ,

"alors, d'autre part, que la nécessaire protection de la réputation d'autrui ne saurait être absolue et prévaloir de façon systématique sur la liberté de la presse de diffuser des informations d'intérêt public ; qu'en se bornant à contester à Philippe Y... le droit d'invoquer le principe de la liberté de la presse et de libre critique, sans rechercher si la restriction imposée, en l'espèce, à ce principe était nécessaire dans une société démocratique, et proportionnée au but poursuivi de protection de la réputation d'autrui, au point de primer l'intérêt public s'attachant à la liberté d'expression, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et l'examen des pièces de procédure mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés dans la citation et a, à bon droit, refusé aux prévenus le bénéfice de la bonne foi, après avoir retenu que ces propos caractérisent des faits de diffamation ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131 6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Menotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-84085
Date de la décision : 30/03/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESCRIPTION - Action publique - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite - Citation à comparaître devant la cour d'appel délivrée par le procureur général.

ACTION PUBLIQUE - Extinction - Prescription - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite - Citation à comparaître devant la cour d'appel délivrée par le procureur général

La citation à comparaître devant la cour d'appel, délivrée au prévenu par le procureur général, nonobstant l'absence d'appel du ministère public, est interruptive de prescription à l'égard de toutes les parties.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 65

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 14 mai 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mar. 2004, pourvoi n°03-84085, Bull. crim. criminel 2004 N° 81 p. 302
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 81 p. 302

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: Mme Menotti.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.84085
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