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18/03/2004 | FRANCE | N°02-13529

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 mars 2004, 02-13529


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 janvier 2002), que l'hebdomadaire "France Dimanche", édité par la société Hachette Filipacchi associés (la société), a publié dans son numéro du 28 juin au 4 juillet 1997 un article de deux pages titré "Mensonges et trahison", illustré de photographies de Mme Caroline X... et de M. de Y..., annoncé en première page sous le titre "Caroline - Scandale autour de son mariage avec Ernst-August !",

suivi de : "L'énorme mensonge qui met la Principauté sous le choc" et de : "J'ai...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 janvier 2002), que l'hebdomadaire "France Dimanche", édité par la société Hachette Filipacchi associés (la société), a publié dans son numéro du 28 juin au 4 juillet 1997 un article de deux pages titré "Mensonges et trahison", illustré de photographies de Mme Caroline X... et de M. de Y..., annoncé en première page sous le titre "Caroline - Scandale autour de son mariage avec Ernst-August !", suivi de : "L'énorme mensonge qui met la Principauté sous le choc" et de : "J'ai été trahi et manipulé !" "L'archevêque de Z... proteste" ; qu'estimant que cette publication portait atteinte à leur vie privée et au respect de leur droit à l'image, Mme Caroline X... et M. de Y... ont assigné la société en réparation ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer aux demandeurs des dommages-intérêts pour atteinte à leur vie privée et à leur droit à s'opposer à la publication de leur image, alors, selon le moyen :

1 / que ni la protection de la vie privée ni le droit à l'image n'ont de caractère absolu, et qu'il peut être porté atteinte à l'un ou l'autre de ces droits, notamment par l'exercice de la liberté d'expression, dans des limites qui doivent respecter un équilibre entre cette liberté et la protection légitime de la personne ; qu'en se fondant sur le caractère "absolu" de cette protection, et en refusant à la société toute possibilité de justification tirée des circonstances de la publication et de la personnalité des intéressés, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 1er et suivants de la loi du 29 juillet 1881 ;

2 / que le fait, pour un hebdomadaire, d'interroger l'archevêque de Z... et de publier cette interview, en l'interrogeant sur la portée des rumeurs de mariage entre la descendante d'un souverain régnant, et le descendant d'une famille princière, ce dernier étant notoirement en instance de divorce, et les deux intéressés ayant publiquement affiché leur idylle, en posant des questions relatives aux effets dynastiques et religieux d'un éventuel mariage, ne constitue pas une atteinte fautive à la protection de la vie privée des intéressés, le seul fait de s'interroger sur l'éventuel mariage d'une princesse, assumant un rôle public, avec un homme en compagnie duquel elle s'est affichée n'étant pas de nature à justifier une sanction de cet interrogatoire et de la liberté d'expression, une telle sanction ne présentant aucune nécessité impérieuse ; que la cour d'appel a encore violé les textes précités ;

3 / que l'étendue du droit à l'image est fonction de la personne qui en est titulaire ; qu'une personnalité officielle doit supporter de voir publier les photographies prises d'elle à l'occasion des manifestations publiques auxquelles elle a participé en cette qualité ; que de telles photos peuvent faire l'objet de nouvelles publications, sans autorisation, pour illustrer d'autres événements que ceux à l'occasion desquels elles ont été prises, pourvu que ce soit sans intention de dérision ni malveillance ; que l'illustration de l'article par des photos de Caroline de Z..., accompagnée soit de son père, soit de l'archevêque de Z..., soit de son futur époux, toutes prises, sans contestation possible, dans des occasions officielles, était insusceptible de caractériser une atteinte à son droit à l'image et à celui d'Ernst de Y... qui avait accepté de paraître en de telles occasions officielles à ses côtés ; que la cour d'appel a violé l'article 9 du Code civil ;

4 / qu'en matière délictuelle, le préjudice s'apprécie à la date à laquelle le juge statue ; qu'en élevant le montant des dommages-intérêts, en refusant de prendre en compte le mariage des deux intéressés postérieurement à l'article litigieux, et sans vérifier si, à la date de son arrêt, le préjudice allégué, résultant d'un article sur le projet de mariage, existait encore, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ;

que selon l'article 9 du Code civil, toute personne a droit au respect de sa vie privée et de son image ; que la seule constatation de l'atteinte ouvre droit à réparation ;

Et attendu que la cour d'appel, après avoir constaté, d'une part, que la publication litigieuse relatait des rumeurs sur le futur mariage des intéressés et sur la procédure de divorce de M. de Y..., faits relevant de leur vie privée, et, d'autre part, que les photographies illustrant l'article, si elles avaient été prises dans des manifestations officielles, étaient détournées de leur contexte, a caractérisé les atteintes invoquées et souverainement évalué le montant du préjudice subi ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hachette Filipacchi associés aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Hachette Filipacchi associés ; la condamne à payer à M. et Mme de Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 02-13529
Date de la décision : 18/03/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Atteinte - Presse - Publication révélant la vie privée d'une personnalité - Caractérisation - Cas.

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Droit à l'image - Atteinte - Photographies - Publication - Evénement public - Détournement de l'image - Caractérisation - Cas

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée - Exercice de ce droit - Atteinte - Caractérisation - Cas - Publication dans la presse d'un article relatant des rumeurs relatives à des faits relevant de la vie privée d'une personnalité

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie familiale - Atteinte - Caractérisation - Cas - Publication dans la presse d'un article relatant des rumeurs relatives à des faits relevant de la vie privée d'une personnalité

Toute personne a droit, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au respect de sa vie privée et familiale, et, selon l'article 9 du Code civil, au respect de sa vie privée et de son image. Caractérise les atteintes invoquées à ces droits, dont la seule constatation ouvre droit à réparation, une cour d'appel qui constate, d'une part, qu'une publication relatait des rumeurs sur le futur mariage de deux personnalités et sur la procédure de divorce de l'une d'elles, faits relevant de leur vie privée, et d'autre part, que les photographies illustrant l'article, si elles avaient été prises dans des manifestations officielles, étaient détournées de leur contexte.


Références :

Code civil 9
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 8

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 31 janvier 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 mar. 2004, pourvoi n°02-13529, Bull. civ. 2004 II N° 137 p. 115
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 II N° 137 p. 115

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Domingo.
Rapporteur ?: M. Mazars.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.13529
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