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03/03/2004 | FRANCE | N°01-16046

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mars 2004, 01-16046


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que sur instructions de sa cliente, la société 3V, la Banque populaire du Haut-Rhin a émis, au profit de la société de droit allemand Tils, une lettre de crédit "stand by", soumise au droit français, stipulée couvrir le paiement des chargements jusqu'au 28 février 1998, dont le bénéfice était subordonné à la présentation par la société Tils, avant le 28 février 1998, notamment, d'une copie du document de pris

e en charge des marchandises "CMR" précisant le numéro du camion et signé par le...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que sur instructions de sa cliente, la société 3V, la Banque populaire du Haut-Rhin a émis, au profit de la société de droit allemand Tils, une lettre de crédit "stand by", soumise au droit français, stipulée couvrir le paiement des chargements jusqu'au 28 février 1998, dont le bénéfice était subordonné à la présentation par la société Tils, avant le 28 février 1998, notamment, d'une copie du document de prise en charge des marchandises "CMR" précisant le numéro du camion et signé par le destinataire de la commande ; que le 2 mai 1997, la société Tils a adressé à la Banque populaire du Haut-Rhin une demande de paiement que celle-ci a refusée d'exécuter du fait de la non-conformité de ces lettres de voiture CMR bien que la société bénéficiaire lui ait représenté des documents qu'elle prétendait rectifiés ; que faisant application de l'article 28 des règles et usances uniformes édictées par la Chambre de commerce internationale aux termes duquel sauf stipulation contraire dans le crédit, les banques doivent accepter un document, du type exigé, quelle que soit sa dénomination, qui présente l'apparence d'indiquer le nom du transporteur et d'avoir été signé ou autrement authentifié par le transporteur et/ou de porter un timbre de réception par ce transporteur, et qui indique le lieu d'expédition et le lieu de destination stipulés dans le crédit, la cour d'appel a condamné la banque à payer à la société Tils les factures pour lesquelles avaient été adressées des lettres de

voiture CMR qu'elle jugeait avoir été régularisées ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la Banque populaire du Haut-Rhin fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que la lettre de crédit "stand by" faisait expressément référence aux documents de transport (CMR) et que les irrégularités constatées concernaient ces documents ;

d'où il suit qu'en faisant exclusivement application de l'article 28 des règles et usances uniformes et non de l'article 6 de la "CMR", qu'elle-même avait expressément invoqué dans ses conclusions, la cour d'appel a, 1 ) violé l'article 1134 du Code civil, 2 ) violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile en ne répondant pas à ce chef précis des conclusions ;

Mais attendu que la Banque Populaire du Haut-Rhin, qui admettait elle-même avoir refusé le paiement en raison d'irrégularités tenant, soit à la désignation ou à la signature et aux cachets du transporteur et du destinataire, soit au défaut d'indication du numéro d'immatriculation du camion ayant effectué le transport, soit à la description de la marchandise, ne tirait aucune conséquence du fait, indiqué dans ses écritures, que les lettres de voiture CMR devaient en outre répondre aux conditions de validité énumérées par l'article 6 de la CMR dont elle rappelait les exigences en se bornant à indiquer que les documents qui lui avaient été produits n'y satisfaisaient pas, sans aucune autre précision ; que, dès lors, la cour d'appel, qui n'a pas violé le texte visé par la première branche, ne peut se voir reprocher d'avoir omis une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la Banque populaire du Haut-Rhin fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen :

1 ) qu'à supposer seul applicable l'article 28 des règles et usances uniformes, les lacunes de la lettre de voiture constituées par l'absence des mentions obligatoires telles que le nom, le cachet et la signature du transporteur, le numéro d'immatriculation du véhicule, ne constituent pas des "irrégularités" susceptibles d'être régularisées ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 28 des règles et usances uniformes ;

2 ) qu'à supposer qu'une régularisation soit possible, les mentions qui doivent figurer sur les documents présentés à la banque par le bénéficiaire de la lettre de crédit ne peuvent être ajoutées ou modifiées sans l'accord du donneur d'ordre ; d'où il suit qu'en affirmant que toute irrégularité peut être régularisée sans rechercher si la société 3V, donneur d'ordre, avait donné son accord aux modifications contestées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 28 des règles et usances uniformes ;

3 ) qu'elle avait fait valoir la tentative de falsification des documents et en avait déduit la mauvaise foi de la société Tils Gmbh, qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à rechercher l'existence de certaines mentions sans rechercher si le vendeur était ou non de bonne foi, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 2, du Code civil ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a relevé que la plupart des lettres de voiture litigieuses avaient été régularisées par la société Tils et représentées à la Banque populaire du Haut-Rhin dans le délai de la garantie et qu'aucune fraude n'était démontrée ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont elle a déduit que, pour ces documents régularisés, de bonne foi, pendant le délai de validité de la lettre de crédit, les conditions exigées par l'article 28 des règles et usances uniformes avaient été satisfaites sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'accord éventuel du donneur d'ordre, la cour d'appel, qui n'a pas violé les textes cités par la première branche et n'avait pas à procéder à la recherche, prétendument omise selon la deuxième branche, que ces constatations rendaient inopérante, a justifié légalement sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que les factures qu'il énumère, parmi lesquelles les factures n° 52715 et 52716, avaient été accompagnées de documents de transport comportant après rectification le nom du transporteur, sa signature, le lieu d'expédition et le lieu de destination stipulés dans le crédit, le numéro d'immatriculation du camion et la signature du destinataire indiqué à la commande ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à la rubrique "réception des marchandises" des lettres de voiture accompagnant les factures n° 52715 et 52716, même rectifiées, ne figuraient ni le nom ni la signature ou le cachet du destinataire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces deux documents ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE mais seulement en ce qu'il a pris en compte pour le montant de la condamnation prononcée au préjudice de la Banque populaire du Haut-Rhin, les factures portant les numéros 52715 et 52716, l'arrêt rendu le 10 juillet 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

Réduit le montant de la condamnation prononcée au préjudice de la Banque populaire du Haut-Rhin à la somme de 234 807 euros ;

Condamne la Banque populaire du Haut-Rhin en tous les dépens ;

Vu les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Banque populaire du Haut-Rhin ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 01-16046
Date de la décision : 03/03/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Crédit documentaire - Obligations du banquier - Paiement - Conditions - Détermination.

Une cour d'appel, qui condamne une banque à payer à une société des factures émises dans le cadre d'un crédit documentaire, après avoir relevé que les lettres de voiture que la banque estimait irrégulières avaient été régularisées par la société et représentées à la banque dans le délai de la garantie, et qu'aucune fraude n'était démontrée, ce dont elle a déduit que pour ces documents régularisés, de bonne foi, pendant le délai de validité de la lettre de crédit, les conditions exigées par l'article 28 des règles et usances uniformes édictées par la Chambre de commerce internationale, avaient été satisfaites, a légalement justifié sa décision, sans avoir à s'interroger sur l'accord éventuel du donneur d'ordre.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 10 juillet 2001

A rapprocher : Chambre commerciale, 1990-11-20, Bulletin, IV, n° 282, p. 196 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mar. 2004, pourvoi n°01-16046, Bull. civ. 2004 IV N° 43 p. 42
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 IV N° 43 p. 42

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tricot.
Avocat général : Avocat général : M. Feuillard.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Collomp.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Gaschignard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.16046
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