AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 13 mars 2003), rendu sur renvoi après cassation (chambre sociale, 29 mars 2001, pourvois n° Q 00-10.179 et C 00-10.237), que la société nationale GIAT Industries, a qui ont été transférés les droits, biens et obligations attachés aux activités des établissements industriels de la direction des armements terrestres constituant le Groupement industriel des armements terrestres, a appliqué, pour ses centres de Saint-Etienne et Saint-Chamond, les taux des cotisations réduits du régime des fonctionnaires et ouvriers de l'Etat aux rémunérations des anciens ouvriers sous statut desdits établissements qui, s'étant prononcés pour leur recrutement par cette société, ont demandé à être placés sous un régime défini, d'une part, par un décret leur assurant le maintien des droits et garanties de leur ancien statut et, d'autre part, par le droit du travail pour les autres éléments de leur situation ; qu'à la suite d'un contrôle, l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Saint-Etienne (URSSAF) a notifié à la société nationale GIAT Industries deux redressements fondés sur l'application des taux du régime général de sécurité sociale ;
Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'avoir annulé les redressements qu'elle a notifiés les 30 avril 1996 et 28 mai 1996 à la société nationale GIAT Industries, alors, selon le moyen, que la loi du 23 décembre 1989 n'a nullement prévu que les ouvriers de l'Etat recrutés par la nouvelle société et ayant fait le choix prévu à l'article 6 b de cette loi resteraient soumis au régime de protection sociale antérieur, sauf en ce qui concerne le risque vieillesse, de telle sorte que ces salariés, liés à la société GIAT Industries par un contrat de droit privé se sont trouvés, dès leur recrutement par cette société, affiliés au régime général de la sécurité sociale en application des dispositions de l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, lesquelles sont d'ordre public, avec obligation corrélative pour l'employeur de cotiser aux taux de ce régime ;
qu'en considérant que les ouvriers sous statut n'auraient relevé du régime général qu'à compter du décret du 9 mai 1995, la cour d'appel a violé l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, l'article 6 b de la loi n° 89-924 du 23 septembre 1989 et le décret n° 90-582 du 9 juillet 1990 pris pour son application ;
Mais attendu que par application de l'article 6 b de la loi du 23 décembre 1989 le maintien des droits et garanties de leur ancien statut aux "ouvriers sous décret" concerne la protection sociale ; que la cour d'appel a exactement décidé que l'application immédiate du taux des cotisations du régime général de la sécurité sociale à ces salariés était impossible avant le décret du 9 mai 1995 relatif à la protection sociale des intéressés ; qu'elle en a déduit à bon droit que l'employeur avait été fondé à appliquer le taux de cotisation réduit des fonctionnaires et ouvriers de l'Etat jusqu'à l'entrée en vigueur de ce décret et en conséquence a annulé les redressements notifiés par l'URSSAF ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Saint-Etienne aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'URSSAF de Saint-Etienne à verser à la société nationale GIAT Industries la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, siégeant en Assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du six février deux mille quatre.
LE CONSEILLER RAPPORTEUR LE PREMIER PRESIDENT
LE GREFFIER EN CHEF
Moyen produit par Me C..., avocat aux Conseils pour l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Saint-Etienne.
MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 512 P (ASSEMBLEE PLENIERE)
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir annulé les redressements opérés par l'URSSAF de SAINT-ETIENNE au sein des établissements de SAINT-ETIENNE et de SAINT-CHAMOND de la société GIAT INDUSTRIES, en ce qui concernait le taux des cotisations dues par ces établissements pour la période du 1er juillet 1993 au 30 avril 1995.
AUX MOTIFS QUE au vu des dispositions de la loi du 23 décembre 1989, il devait être constaté que le législateur avait voulu lors du transfert des établissements industriels dépendant du GIAT à une société nationale instituer un régime juridique spécifique permettant, pour les ouvriers sous statut ayant accepté d'être recrutés par la société, soit la conclusion d'un contrat de travail, soit le placement sous un régime défini pour certains éléments énumérés par le décret, pour les autres éléments par le Code du travail ; que lors du transfert de compétence, compte tenu des dispositions du décret du 9 juillet 1990 imposant le maintien des droits des ouvriers choisissant, non le contrat de travail mais le statut défini par ce décret, l'Etat avait demandé à la société GIAT INDUSTRIES de se substituer à lui en tant qu'employeur dans les mêmes conditions de prise en charge qu'antérieurement ; qu'en exécution de cette demande, la société nationale créée avait pris en charge les prestations en espèces du régime d'assurance maladie et le risque accident du travail ; que corrélativement, elle avait fait application des taux réduits en matière d'assurance maladie et n'avait pas cotisé en matière d'accidents du travail dont elle assumait seule le risque ; que l'application de la loi du 23 décembre 1989 avait conduit, pour tenir compte des différences résultant de l'option voulue par le législateur, à déroger aux conditions d'application de l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale ; que le décret du 9 mai 1995 avait modifié le système antérieur de couverture des risques en mettant à la charge du régime général les prestations en espèces du régime maladie et le risque accident du travail tout en laissant à la charge de l'employeur la garantie du maintien du salaire ; que c'est ce décret qui avait opéré un transfert de charges en indiquant expressément qu'il en résultait une subrogation de l'employeur dans les droits des salariés, ce qui démontrait que la subrogation de plein droit prévue par les articles R. 323-11 et R. 433-12 du Code de la sécurité sociale ne s'appliquait pas en exécution des seules dispositions du décret du 9 juillet 1990, pour les ouvriers ayant opté pour la situation définie à l'article 6 b de la loi du 23 décembre 1989 ; que dès lors l'obligation faite à la société GIAT INDUSTRIES par le décret du 9 juillet 1990, et jusqu'à l'application du décret du 9 mai 1995, de maintenir les droits des salariés selon le système antérieurement en vigueur, s'opposait à ce qu'elle fût tenue de cotiser pour l'indemnisation des risques qu'elle assumait elle-même ; que la société était donc fondée à appliquer les taux réduits jusqu'à cette date ; que d'ailleurs le prélèvement d'une cotisation plus élevée sur les rémunérations des salariés aurait constitué une violation du principe du maintien des salaires et que les cotisations salariales supplémentaires ne pouvaient être prises en charge par l'employeur sans générer un avantage lui-même soumis à cotisation, situation que l'article 4 du décret du 9 mai 1995 et la circulaire d'application avaient eu précisément pour objet de régler pour l'avenir ; que le redressement devait être annulé de ce chef comme injustifié.
ALORS QUE la loi du 23 décembre 1989 n'a nullement prévu que les ouvriers de l'Etat recrutés par la nouvelle société et ayant fait le choix prévu à l'article 6 b de cette loi resteraient soumis au régime de protection sociale antérieur, sauf en ce qui concerne le risque vieillesse, de telle sorte que ces salariés, liés à la société GIAT INDUSTRIES par un contrat de droit privé se sont trouvés, dès leur recrutement par cette société, affiliés au régime général de la sécurité sociale en application des dispositions de l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, lesquelles sont d'ordre public, avec l'obligation corrélative pour l'employeur de cotiser au taux de ce régime ; et qu'en considérant que les ouvriers sous statut n'auraient relevé du régime général qu'à compter du décret du 9 mai 1995, la cour d'appel a violé l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, l'article 6 b) de la loi n° 89-924 du 23 décembre 1989 et le décret n° 90-582 du 9 juillet 1990 pris pour son application.
LE GREFFIER EN CHEF