AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Roanne, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 septembre 1998 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale), au profit :
1 / de la société anonyme Giat Industries, dont le siège est ...,
2 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Roanne, dont le siège est 26, place des Promenades, 42321 Roanne,
3 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Allier, dont le siège est ...,
4 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Marne, dont le siège est ...,
5 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône, dont le siège est ...,
6 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Villefranche-sur-Saône, dont le siège est ...,
7 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Saône-et-Loire, dont le siège est ...,
8 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Angers, dont le siège est ...,
9 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Saint-Etienne, dont le siège est 3, avenue du président Emile X..., 42027 Saint-Etienne Cedex 1,
10 / de la Section locale interministérielle (SLI) d'assurance maladie de Saint-Etienne, dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
La société Giat industries a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 juin 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Dupuis, conseiller rapporteur, MM. Gougé, Ollier, Thavaud, Mmes Ramoff, Duvernier, M. Duffau, conseillers, M. Petit, Mme Guilguet-Pauthe, M. Leblanc, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dupuis, conseiller, les observations de Me Delvolvé, avocat de l'URSSAF de Roanne, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Giat industries, de la SCP Gatineau, avocat des CPAM de Roanne, de la Marne et de Villefranche-sur-Saône et de la Section locale interministérielle (SLI) d'assurance maladie de Saint-Etienne, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1994, la société Giat industries a appliqué, pour son établissement de Roanne, les taux de cotisations réduits du régime des fonctionnaires et ouvriers d'Etat aux rémunérations des anciens ouvriers sous statut des établissements industriels dépendant du Groupement industriel des armements terrestres qui, s'étant prononcés pour leur recrutement par cette société, avaient demandé à être placés sous un régime défini par décret leur assurant le maintien des droits et garanties de leur ancien statut ; qu'à la suite d'un contrôle, l'Urssaf a notifié à la société Giat industries un redressement fondé sur l'application des taux du régime général ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société GIAT Industries fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré bien fondé le redressement en ce qu'il a soumis à cotisations les indemnités incitatives de passage au temps partiel, alors, selon le moyen, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, les sommes versées au salarié par l'employeur et qui présentent le caractère de dommages-intérêts ne sont pas assujetties à cotisations sociales ; qu'en particulier, les indemnités versées aux salariés ayant accepté, dans le cadre d'un plan social, la transformation de leur emploi à temps plein en emploi à temps partiel, ont le caractère de dommages-intérêts compensant le préjudice né pour les intéressés de la réduction de leur temps de travail et n'ont dès lors pas à être incluses dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale ; qu'en l'espèce, pour retenir que les indemnités en cause devaient être intégrées dans l'assiette des cotisations sociales, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance doublement inopérante qu'elles n'avaient pas donné lieu à une convention avec le FNE et ne constituaient pas une alternative à un licenciement, sans rechercher, comme l'y invitait la société GIAT Industries, si ces sommes avaient le caractère de dommages-intérêts compensant le préjudice né pour les intéressés de la réduction de leur temps de travail ; qu'en statuant ainsi,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions précitées ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé, d'une part, que les sommes litigieuses étaient simplement incitatives au passage au temps partiel, qui n'était pas obligatoire, et d'autre part, qu'elles étaient accordées également aux salariés renouvelant leur contrat à temps partiel et ne subissant aucune perte de revenu ; qu'elle a décidé, à bon droit, que, ne tendant pas à réparer un préjudice, elles devaient être soumises à cotisations ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 6 b de la loi n° 89.924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels et commerciaux dépendant du Groupement industriel des armements terrestres et le décret n° 90-582 du 9 juillet 1990 pris pour son application ;
Attendu que pour annuler le redressement sur les taux de cotisations, l'arrêt attaqué relève que, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 95-727 du 9 mai 1995, les dispositions du décret n° 90-582 du 9 juillet 1990 relatif aux droits et garanties maintenues par l'article 6 b de la loi du 23 décembre 1989 imposaient à la société GIAT Industries de maintenir les droits des salariés selon le système en vigueur, et notamment de se substituer à l'Etat en tant qu'employeur, et de prendre en charge les prestations en espèces du régime d'assurance maladie ainsi que le risque des accidents du travail ; qu'il énonce que cette obligation s'opposait à ce que l'employeur dût cotiser pour l'indemnisation des risques qu'il assumait lui-même, et que la société se trouvait ainsi fondée à appliquer des taux réduits jusqu'à la date d'application du décret du 9 mai 1995 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'article 6 b de la loi n° 89.924 du 23 décembre 1989 que les ouvriers d'Etat concernés ayant cessé, à la suite du changement de la nature juridique de leur employeur, d'être employés par un établissement industriel de l'Etat pour devenir salariés de la société GIAT Industries selon un contrat de travail de droit privé, se sont trouvés, dès leur recrutement par cette société, affiliés au régime général de la sécurité Sociale, avec l'obligation corrélative pour l'employeur de cotiser au taux de ce régime, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le redressement ayant porté sur le taux des cotisations appliquées aux rémunérations des salariés placés sour le régime du décret n° 90-582 du 9 juillet 1990, l'arrêt rendu le 22 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne les défenderesses aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de l'URSSAF de Roanne, de la société Giat industries, des CPAM de Roanne, de la Marne, de Villefranche-sur-Saône et de la SLI de Saint-Etienne ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille.