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03/02/2004 | FRANCE | N°03-80784

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 février 2004, 03-80784


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gerard,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre cor

rectionnelle, en date du 16 janvier 2003, qui, pour entrave au fonctionnement du comité ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gerard,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 2003, qui, pour entrave au fonctionnement du comité central d'entreprise, l'a condamné à 1 500 euros d'amende et a prononcé sur l'action civile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur la demande en constatation de l'amnistie de l'infraction ;

Attendu que l'amnistie en raison du quantum ou de la nature de la peine n'étant acquise, selon l'article 8 de la loi du 6 août 2002, qu'après condamnation devenue définitive, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 432-1, alinéa 9, L. 435-2 et L. 435-3 du Code du travail, 111-3 et 111-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard X... coupable, en qualité de directeur général, d'entrave au fonctionnement du comité central d'entreprise de l'association pour la sauvegarde des enfants invalides ;

"aux motifs, d'une part, que l'article L. 435-3 du Code du travail, qui dispose que le comité central d'entreprise exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise et est informé et consulté sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise, renvoie à l'article L. 432-1 du même Code, qui prévoit que le chef d'entreprise est tenu de consulter le comité d'entreprise lorsqu'il prend une participation dans une société ; que le texte ne fait aucune différence entre la prise de participation dans une société déjà existante et celle qui intervient lors de la création d'une société ;

"alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'au regard des articles L. 432-1, alinéa 9, et L. 435-3 du Code du travail combinés, le chef d'entreprise est uniquement tenu de consulter le comité central d'entreprise lorsqu'il "prend une participation dans une société" et non pas lorsqu'il crée une société ; qu'en considérant le contraire et en relevant que le comité central d'entreprise de l'ASEI aurait dû être consulté préalablement à la création de la société civile immobilière ASEI IMMO, la cour d'appel a ajouté à ces textes qu'elle a violés, de même que les articles 111-3 et 111-4 du Code pénal ;

"aux motifs, d'autre part, que l'importance d'une opération telle que la création d'une SCI doit s'apprécier non pas en fonction de ses effets immédiats, mais en considérant l'économie globale de l'opération, et notamment les obligations pesant sur l'entreprise à la suite des engagements qu'elle a contractés à cette occasion ; que, dans une société civile, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social ; qu'en raison de sa position largement dominante dans la SCI, l'ASEI peut être amenée à répondre de la quasi-totalité du passif de cette société ; qu'à ce jour la SCI ASEI IMMO n'a réalisé qu'une seule opération immobilière, consistant en l'acquisition et la gestion d'une maison de retraite, mais la structure existe et rien n'interdit à la SCI d'effectuer d'autres opérations ; que, compte tenu des conséquences possibles de la création d'une telle société, les institutions représentatives du personnel auraient dû au préalable être informées ;

"alors, d'une part, qu'en vertu des articles L. 432-1, alinéa 9, et L. 435-3 du Code du travail combinés, le comité central d'entreprise doit uniquement être informé et consulté sur les projets économiques et financiers "importants" ; que, seuls sont ainsi visés les projets ayant une forte incidence sur la situation des salariés et revêtant un caractère général et non temporaire ; qu'en l'espèce, comme l'a rappelé Gérard X... dans ses écritures en appel, le projet de création de la SCI ne générant la création d'aucun poste, il n'avait aucun effet à l'égard des salariés de l'ASEI et avait, en outre, un caractère purement ponctuel en ce qu'il a été mis en oeuvre dans l'attente de l'autorisation d'opérer une fusion absorption entre l'ASEI et l'AGMR dont le projet a été régulièrement exposé au comité central d'entreprise avant d'être exécuté ; qu'en se fondant, pour caractériser l'importance du projet, sur les obligations pesant sur l'ASEI à la suite de la création de la SCI, sans rechercher quelle en était l'importance sur l'emploi, et si celui-ci s'en trouvait affecté, et sans s'expliquer sur le caractère limité et partiel de l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que sont seules prises en compte, pour apprécier l'importance des effets d'un projet économique et financier afin de déterminer si le comité central d'entreprise doit être préalablement informé et consulté, les conséquences prévisibles, et donc les répercussions directes que ce projet a, concernant l'organisation et la marche générale de l'entreprise ; qu'en se fondant, pour considérer que le délit d'entrave était constitué, sur l'importance, pour l'ASEI, des seules "conséquences possibles", et donc purement hypothétiques, du projet de création de la SCI ASEI IMMO, la cour d'appel a violé l'article L. 435-2 du Code du travail" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en vue d'acquérir un immeuble dans lequel une association qu'elle se proposait d'absorber exploitait une maison de retraite, l'association pour la sauvegarde de l'enfance (ASEI) a constitué avec celle-ci, une société civile immobilière dans le capital de laquelle elle a pris une participation majoritaire ;

Attendu que le syndicat CGT ASEI, estimant que le comité d'entreprise aurait dû être consulté, a fait citer Gérard X..., directeur général de l'ASEI devant le tribunal correctionnel du chef d'entrave à son fonctionnement ;

Attendu que, pour rejeter l'argumentation du prévenu faisant valoir que cette prise de participation ne pouvait être qualifiée de projet économique et financier important au sens de l'article L. 435-3 du Code du travail compte-tenu de la masse des fonds associatifs dont disposait l'ASEI, et qu'elle n'avait aucune incidence sur l'emploi et pour déclarer Gérard X... coupable, après requalification, d'entrave au fonctionnement du comité central d'entreprise, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, les juges ont justifié leur décision ;

Que, d'une part, l'article L. 432-1 du Code du travail auquel renvoie l'article L. 435-3 du même Code n'établit aucune distinction selon que l'entreprise prend une participation dans une société déjà constituée ou à constituer ;

Que, d'autre part, lorsque l'entreprise prend une participation dans une société, le chef d'entreprise est tenu, selon les mêmes textes, de consulter le comité sans que cette obligation soit limitée aux seuls projets économiques et financiers importants ;

D'où il suit que le moyen, mal fondé en ses deux premières branches et inopérant pour le surplus, ne peut qu'être écarté;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Gérard X... à payer au syndicat CGT ASEI la somme de 2 500 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, M. Beyer, Mmes Nocquet, Palisse conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti, M. Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-80784
Date de la décision : 03/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Comité d'entreprise - Comité central d'entreprise - Délit d'entrave - Entrave à son fonctionnement - Eléments constitutifs - Elément matériel - Défaut de consultation préalable - Cas.

1° Le prévenu, dirigeant d'une association qui, avec une autre association qu'elle se propose d'absorber, constitue une société civile immobilière dans laquelle il prend une participation majoritaire, se rend coupable d'entrave au fonctionnement du comité central d'entreprise en s'abstenant volontairement de procéder à la consultation de cet organisme préalablement à la constitution de ladite société, comme l'exige l'article L. 432-1 du Code du travail, auquel renvoie l'article L. 435-3 du même Code, ce texte n'établissant aucune distinction selon que l'entreprise prend une participation dans une société déjà constituée ou à constituer.

2° TRAVAIL - Comité d'entreprise - Comité central d'entreprise - Prérogatives légales - Attributions consultatives - Consultation sur les projets économiques et financiers de l'entreprise - Cas.

2° S'agissant d'une modification de l'organisation économique et juridique de l'entreprise, la consultation du comité central d'entreprise est obligatoire quelle que soit l'importance économique et financière du projet.


Références :

2° :
Code du travail L432-1, L435-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 16 janvier 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 fév. 2004, pourvoi n°03-80784, Bull. crim. criminel 2004 N° 30 p. 124
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 30 p. 124

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Launay
Rapporteur ?: M. Pometan
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.80784
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