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21/01/2004 | FRANCE | N°03-80828

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 janvier 2004, 03-80828


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Christine, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 15 janvier 2003, qui, pour non-représentation d'enfant et défaut de notifi

cation de changement de domicile, l'a condamnée à 6 mois d'emprisonnement, et a prononc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Christine, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 15 janvier 2003, qui, pour non-représentation d'enfant et défaut de notification de changement de domicile, l'a condamnée à 6 mois d'emprisonnement, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 113-7 et 113-8 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré valables les citations délivrées et a condamné Christine X... pour défaut de notification de changement d'adresse et non-représentation d'enfant ;

"aux motifs que l'article 113-8 du Code pénal n'étant pas applicable à l'espèce, le moyen tiré de la nullité de la citation délivrée à la requête de la partie civile sera rejeté ;

"alors qu'en matière d'infractions commises hors du territoire de la République, la poursuite des délits ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public ; que cette requête doit, en tout état de cause, être précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants-droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis ; que les délits de défaut de notification de domicile et de non-représentation d'enfant visés dans la citation de François Z..., tout comme le délit de non-représentation d'enfant visé dans la citation du parquet étant situés en Grande-Bretagne où Christine X... s'était installée depuis octobre 1998, la cour d'appel ne pouvait refuser d'apprécier la régularité des citations au regard de l'article 113-8 du Code pénal" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la citation délivrée à la requête de la partie civile des chefs de non-représentation d'enfant et de défaut de notification de changement de domicile, l'arrêt attaqué énonce que l'article 113-8 du Code pénal invoqué à l'appui de la demande est inapplicable en l'espèce ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors, que, d'une part, la partie civile n'a visé dans la citation que les faits de non-représentation d'enfant qui auraient été commis sur le territoire français et que, d'autre part, le délit de défaut de notification de changement de domicile prévu par l'article 227-6 du Code pénal, est commis au lieu du domicile de la personne qui peut exercer un droit de visite ou d'hébergement à l'égard de l'enfant ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1, 6-2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 226-13, 227-6, 432-9 du Code pénal, de l'article préliminaire et des articles 2, 10, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Christine X... pour défaut de notification de changement de domicile et, en répression, l'a condamnée à 6 mois d'emprisonnement et, sur l'action civile, à 4 500 euros de dommages-intérêts ;

"aux motifs que le tribunal n'a pas motivé sa décision sur la poursuite du chef de défaut de notification de changement de domicile, infraction prévue et réprimée par l'article 227-6 du Code pénal et expressément visée dans la citation directe délivrée à la requête de la partie civile ; que François Z... a exposé qu'il n'avait pas été informé du changement d'adresse de son ex-femme et de sa fille et qu'il avait dû recourir aux services du consulat et à ceux du ministère public pour l'obtenir ; que Christine X... réplique qu'elle est allée vivre en Grande-Bretagne en octobre 1998 et que François Z... ne pouvait ignorer la nouvelle adresse de l'enfant puisque cette adresse apparaissait dans les conclusions notifiées le 19 février 1999 par son avocat à son ex-mari ; qu'elle ajoute que sa nouvelle adresse a été dénoncée "au moins dès le mois de décembre 1998 dans l'instance devant la Cour" ; mais que les deux pièces qu'elle a produites pour prouver cette assertion n'établissent pas qu'elle ait informé son ex-mari de son changement de domicile dans le délai d'un mois à compter de ce changement ; que la lettre de son avocat Me A... du 9 novembre 1998 dans laquelle celui-ci indique "je pense que nous pouvons attendre le 9 décembre pour signaler votre changement de domicile" et celle du 19 février 1999 de ce même avocat adressée à François Z... accompagnant l'envoi de ses conclusions pour l'audience du 23 février 1999 prouvent au contraire que la prévenue n'a pas fait connaître son nouveau domicile à son ex-mari dans le mois qui a suivi celui d'octobre 1998 au cours duquel elle s'est installée en Grande-Bretagne ;

qu'il y a lieu en conséquence de confirmer la déclaration de culpabilité de Christine X... en ce qui concerne le délit prévu par l'article 227-6 du Code pénal ;

"1 ) alors qu'en vertu du principe de la présomption d'innocence, la charge de la preuve de la culpabilité du prévenu incombe au ministère public, de sorte qu'il ne peut être imposé au prévenu de démontrer qu'il n'a pas commis le délit pour lequel il est poursuivi ; que la cour d'appel ne pouvait retenir la culpabilité de Christine X... pour défaut de notification de changement de domicile à son ex-mari, motifs pris de ce qu'elle ne prouvait pas avoir procédé à l'information de ce dernier dans le délai d'un mois suivant son déménagement outre-manche ;

"2 ) alors que, la correspondance entre l'avocat et son client est couverte par le secret professionnel, de sorte qu'elle ne peut être utilisée par le ministère public pour combattre les éléments probatoires versés aux débats par le prévenu et ce, d'autant plus, que cette correspondance n'a pas fait l'objet d'un débat contradictoire ; qu'en absence de toute mention dans les conclusions de la partie civile de cette correspondance entre le conseil et son client et de tout débat contradictoire sur son contenu, la cour d'appel a violé les droits de la défense, ensemble le secret professionnel et s'est déterminée à la faveur de considération inopérante" ;

Attendu que le moyen, qui revient à discuter l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve contradictoirement débattus, notamment, de correspondances échangées entre la prévenue et son avocat et produites par l'intéressée à l'appui de ses conclusions régulièrement déposées, ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 122-7, 227-5 du Code pénal, 8, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christine X... coupable de non-représentation d'enfant et, en répression l'a condamnée à 6 mois d'emprisonnement et sur l'action civile, à 4 500 euros de dommages-intérêts ;

"aux motifs que Christine X... ne rapporte pas la preuve que sa fille Lucie se trouvait dans une situation de danger justifiant son opposition depuis Noël 1997 à l'exercice par le père de son droit de visite ; que Cornélia B..., pédiatre, a fait un signalement le 24 juillet 2000 au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Morlaix dans lequel elle ne fait que rapporter les propos de l'enfant ; qu'elle écrit "les propos de Lucie le 19 juillet 2000 sont les suivants : mon papa (qu'elle identifie comme celui qui ne vit pas avec elle) m'a fait pipi dessus ; même un jour, il a essayé de m'enlever une vieille peau sur ma zigounette avec un couteau" ; que ce médecin a indiqué qu'elle n'avait pas effectué d'examen gynécologique de l'enfant, dès lors que les médecins britanniques C... et D... avaient établi un rapport très détaillé ; que le docteur C..., qui a examiné l'enfant le 20 décembre 1999, soit deux ans après le dernier exercice du droit de visite par le père a conclu son examen en ces termes : "les indications physiques génitales et physiques suggèrent fortement qu'il s'est produit un ou des épisodes de sévices sexuels ; la description faite par Lucie des activités de son père et sa réaction à celui-ci suscitent forcément de l'inquiétude quant à cette relation ;

on ne peut exclure la possibilité de sévices plus récents" ; que le docteur D..., qui a examiné l'enfant le 27 janvier 2000, a conclu le rapport de son examen dans les termes ci-après reproduits : "étant beaucoup plus jeune, Lucie parle de sévices sexuels éventuels perpétrés par son père, ceci à sa mère puis à un psychologue en France ; plus récemment, elle présente de l'énurésie et de l'émission d'excréments nocturnes et diurnes de fréquence variable ; elle a des antécédents d'infections urinaires récurrentes ; un examen aujourd'hui révèle les indications importantes qui, à la lumière des révélations précédentes, peuvent indiquer un diagnostic de sévices sexuels avec pénétration ; il n'y avait pas de signe d'un traumatisme aigu ; les indications existantes suggèrent que les sévices étaient de nature chronique" ; que ces éléments n'établissent pas de manière objective et certaine la réalité des sévices allégués ; que deux années après le dernier exercice de son droit de visite par le père, un médecin a précisé qu'il n'était pas exclu que les sévices aient été récents ; qu'alors que, selon la lettre de la prévenue du 12 septembre 2001, sa fille ne présentait en janvier 1997 aucun signe gynécologique d'agression sexuelle, que son ex-mari lui a écrit en septembre 1997 que compte tenu de la distance entre Lyon et Avignon, il n'exercerait plus son droit de visite en fin de semaine mais uniquement pendant les vacances scolaires ; qu'il n'a pas exercé ce droit lors des vacances de la Toussaint 1997 et n'a eu sa fille avec lui que durant la moitié des vacances de Noël, un médecin fait état de sévices "de nature chronique" ; que l'ensemble de ces éléments, permet de considérer que Christine X... n'était pas fondée à priver, depuis Noël 1997, François Z... de l'exercice d'un droit qui lui a été accordé par le jugement de divorce du 9 juin 1997 et qui lui a été confirmé par l'ordonnance du 20 juillet 1998 et par l'arrêt du 5 janvier 2000

; que l'état de nécessité qu'elle invoque ne peut être retenu ;

"1 ) alors qu'en l'état d'une citation directe de la victime en date du 22 août 2001 et d'une citation du parquet, en date du 12 octobre 2001, faisant état de faits de non-représentation d'enfant à compter de l'année 1998, les juges ne pouvaient statuer sur des faits antérieurs au mois d'août 1998 ; que la cour d'appel ne pouvait donc, sans méconnaître sa saisine, statuer sur des faits situés depuis décembre 1997 ;

"2 ) alors que, la cour qui constatait d'une part, qu'un pédiatre avait fait un signalement au procureur de la République le 24 juillet 2000 pour des faits de nature sexuelle concernant François Z... sur sa fille Lucie, signalement qui se référait à l'examen gynécologique effectué par les médecins britanniques C... et D... et, d'autre part, que les examens pratiqués le 20 décembre 1999 et le 27 janvier 2000 par ces médecins faisaient état de sévices de nature sexuelle, ne pouvait, à la faveur de l'affirmation selon laquelle ces éléments n'établissaient pas de manière objective la réalité des sévices, considérer que la requérante ne rapportait pas la preuve du danger que présentait l'exercice du droit de visite du père ;

"aux motifs que Christine X... soutient encore que François Z... ne rapporte pas la preuve qu'il s'est rendu au domicile de la mère en Grande-Bretagne ou en France et que celle-ci a refusé de lui remettre l'enfant ; mais que les très nombreuses plaintes déposées par François Z... traduisent bien sa volonté d'exercer un droit de visite que la prévenue a entendu lui supprimer ;

que Christine X..., en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, se devait de conduire sa fille au domicile du père pour toutes les vacances scolaires à compter du 1er juillet 2000, ce qu'elle n'a pas fait ; que l'infraction de non-représentation d'enfant est ainsi constituée en tous ses éléments à l'encontre de Christine X... dont la déclaration de culpabilité sera confirmée ;

"3 ) alors que, le délit de non-représentation d'enfant n'est constitué qu'autant que l'enfant a été réclamé à une date correspondant à celle prévue par la décision de justice conférant le droit de visite et d'hébergement ; que la cour d'appel ne pouvait retenir Christine X... dans les liens de la prévention sans s'assurer que les dates auxquelles François Z... avait déposé plainte pour non-représentation d'enfant, dates de commission du délit, correspondaient aux dates auxquelles il était en droit de réclamer sa fille mineure" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de non-représentation d'enfant dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup, Mme Palisse conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, MM. Lemoine, Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Fréchède ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-80828
Date de la décision : 21/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

NON-REPRESENTATION D'ENFANT - Défaut de notification de changement de domicile au parent bénéficiaire d'un droit de visite - Compétence - Compétence territoriale - Lieu du domicile de la personne pouvant exercer un droit de visite ou d'hébergement à l'égard de l'enfant.

COMPETENCE - Compétence territoriale - Défaut de notification de changement de domicile au parent bénéficiaire d'un droit de visite - Lieu du domicile de la personne pouvant exercer un droit de visite ou d'hébergement à l'égard de l'enfant

Le délit de défaut de notification de changement de domicile, prévu par l'article 227-6 du Code pénal, est commis au lieu du domicile de la personne qui peut exercer un droit de visite ou d'hébergement à l'égard de l'enfant (1).


Références :

Code pénal 227-6

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 15 janvier 2003

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1999-04-14, Bulletin criminel 1999, n° 85, p. 230 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 jan. 2004, pourvoi n°03-80828, Bull. crim. criminel 2004 N° 17 p. 56
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 17 p. 56

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède.
Rapporteur ?: Mme Ponroy.
Avocat(s) : Me Bouthors.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.80828
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