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21/01/2004 | FRANCE | N°03-42.769à03-42.784;

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 janvier 2004, 03-42.769 à 03-42.784 et suivant


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° J 03-42.754, M 03-42.756, R 03-42.760, U 03-42.763 à W 03-42.765, A 03-42.769, B 03-42.770, F 03-42.774 à J 03-42.777, M 03-42.779 à S 03-42.784 ;

Attendu que M. X... et dix-sept autres salariés ont été mis à la disposition de la société Sovab par diverses entreprises de travail temporaire pour effectuer différentes missions entre les années 1991 et 2001 ; qu'estimant avoir été mis à disposition de la société Sovab afin de p

ourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entrepr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° J 03-42.754, M 03-42.756, R 03-42.760, U 03-42.763 à W 03-42.765, A 03-42.769, B 03-42.770, F 03-42.774 à J 03-42.777, M 03-42.779 à S 03-42.784 ;

Attendu que M. X... et dix-sept autres salariés ont été mis à la disposition de la société Sovab par diverses entreprises de travail temporaire pour effectuer différentes missions entre les années 1991 et 2001 ; qu'estimant avoir été mis à disposition de la société Sovab afin de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de ces contrats de travail temporaire en contrats de travail à durée indéterminée, ainsi que le paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sovab fait grief aux arrêts attaqués (Nancy, 19 février 2003), d'avoir accueilli les demandes de requalification et par conséquent de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes au titre de cette requalification, alors, selon le moyen :

1 / que l'arrêt qui, contrairement au jugement, estime illicite le recours à des travailleurs intérimaires pour pourvoir à l'activité normale de l'entreprise (construction de véhicules utilitaires), viole l'article L. 124-2-1,2 du Code du travail d'où il résulte précisément que des intérimaires peuvent être utilisés en cas d'accroissement de l'activité de l'entreprise ;

2 / qu'en posant en principe que le recours au travail intérimaire serait limité aux cas de surcroît de travail occasionnel l'arrêt attaqué viole ensemble l'article L. 124-2 qui ne prévoit l'interdiction du travail intérimaire que s'il s'agit de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise et l'article L. 124-2-2 d'où il résulte que ce type de contrat est licite pour une durée pouvant atteindre dix-huit mois ;

3 / que la société Sovab ayant fait valoir que l'accroissement durable de l'activité de l'entreprise au cours de la période considérée avait été effectivement prise en compte par le recrutement d'un effectif important de salariés sous le régime du contrat de travail à durée indéterminée et que le recours à des salariés sous le régime du contrat de travail à durée déterminée tendait seulement à résorber des surcroîts temporaires d'activité, méconnaît le pouvoir de direction du chef d'entreprise en violation des articles L. 121-1, L. 124-2 et suivants du Code du travail l'arrêt qui se substitue à l'employeur pour fixer une prétendue proportion normale entre l'augmentation du nombre de salariés intérimaires et celle du nombre de salariés sous contrat à durée indéterminée, le chef d'entreprise demeurant seul responsable de déterminer les moyens nécessaires pour répondre à un accroissement temporaire d'activité ;

4 / qu'en décidant que l'incertitude quant à l'évolution du marché ne saurait constituer un motif légal de recours à l'intérim, l'arrêt attaqué statue par voie de disposition abstraite et générale au lieu d'analyser les besoins spécifiques de la production de la société Sovab à l'époque où le défendeur au pourvoi a été mis, par la société d'intérim, à sa disposition ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code civil et l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

5 / qu'en affirmant que la création d'un grand nombre d'emplois à durée indéterminée ne constituerait pas un motif légal de recours parallèle à l'emploi précaire, la cour d'appel viole derechef les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, la société Sovab n'ayant jamais émis une telle prétention ;

Mais attendu qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 124-2 du Code du travail, le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que selon le second alinéa de ce texte, un utilisateur ne peut faire appel à des salariés intérimaires que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission", et seulement dans les cas énumérés à l'article L. 124-2-1, et notamment en cas d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il en résulte que, dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire ni que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté, tant par motifs propres qu'adoptés, que d'une part, la société Sovab bénéficiait d'une augmentation constante de sa production, et d'autre part, que les différents contrats de mission des salariés intérimaires s'inscrivaient dans cet accroissement durable et constant de son activité ; qu'elle a exactement décidé, abstraction faite du motif surabondant tiré du caractère accidentel de l'augmentation de la charge de travail, que ces contrats de travail temporaire, qui avaient pour effet de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise, devaient être requalifiés en contrats de travail à durée indéterminée ;

D'où il suit que le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu que les salariés font grief aux arrêts d'avoir décidé que la requalification du contrat devait intervenir à compter du point de départ de la première mission effectuée chez l'utilisateur, alors, selon le moyen :

1 / qu'en vertu de l'article 124-7 du Code du travail, le salarié qui considère que l'utilisateur a recours à ses services en violation des dispositions légales peut faire valoir auprès de celui-ci les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ; que, dès lors, en faisant remonter les effets de la requalification au premier jour de la première mission précédemment accomplie par le défendeur au pourvoi, indépendamment des emplois qu'il a pu occuper entre-temps auprès d'autres utilisateurs, la cour d'appel ajoute au texte susvisé, en violation de celui-ci, une disposition qu'il ne contient pas ;

2 / qu'en vertu du contrat le liant à la société d'intérim, le défendeur au pourvoi est à la disposition de celle-ci et accomplit des missions auprès d'autres entreprises utilisatrices ; de sorte que l'arrêt attaqué qui constate que pendant de nombreux mois l'intérimaire n'a pas été utilisé par la société SOVAB et qui, cependant, fait fictivement remonter son ancienneté au premier jour de la première mission dans cette entreprise, viole ensemble les articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 124-7 du Code du travail que lorsqu'un utilisateur a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation caractérisée des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4, ce salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a fait ressortir que les effets de la requalification remontaient au premier jour de la première mission irrégulière effectuée par le salarié auprès de l'entreprise utilisatrice, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Sovab aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Sovab à payer à MM. X..., Y..., Z..., A..., Kamil et Ahmet B..., C..., D..., E... et F... ainsi qu'au syndicat CGT de la Sovab, chacun, la somme de 100 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 03-42.769à03-42.784;
Date de la décision : 21/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail temporaire - Contrat de mission - Cas de recours interdits - Emploi lié à un accroissement durable et constant de l'entreprise utilisatrice - Définition.

1° TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail temporaire - Contrat de mission - Cas de recours autorisés - Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise - Définition 1° TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail temporaire - Contrat de mission - Requalification en contrat à durée indéterminée - Cas.

1° Il résulte de la combinaison des articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du Code du travail que le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice et que, lorsque ce contrat est justifié par un accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant de cet accroissement, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire ni que l'accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches. Est dès lors légalement justifié l'arrêt qui, ayant constaté qu'une société utilisatrice bénéficiait d'une augmentation constante de sa production et que les différents contrats de mission de salariés intérimaires s'inscrivaient dans cet accroissement durable et constant de son activité, a requalifié ces contrats de travail temporaire en contrats de travail à durée indéterminée.

2° TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail temporaire - Contrat de mission - Requalification en contrat à durée indéterminée - Effets - Point de départ - Détermination - Portée.

2° TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail temporaire - Contrat de mission - Requalification en contrat à durée indéterminée - Effets - Point de départ - Premier jour de la première mission irrégulière - Portée.

2° Il résulte des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 124-7 du Code du travail, que les effets de la requalification en contrats de travail à durée indéterminée de contrats de travail à durée déterminée motivés par un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise utilisatrice remontent au premier jour de la première mission irrégulière effectuée par le salarié auprès de cette entreprise.


Références :

1° :
2° :
Code du travail L124-2, L124-2-1
Code du travail L124-7, al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 19 février 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jan. 2004, pourvoi n°03-42.769à03-42.784;, Bull. civ. 2004 V N° 27 p. 25
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 V N° 27 p. 25

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos.
Avocat général : M. Legoux.
Rapporteur ?: Mme Martinel.
Avocat(s) : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Peignot et Garreau, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.42.769
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