AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société de travail temporaire Adia a déclaré à la Caisse primaire d'assurance maladie, le 19 mars 1998, un accident, survenu la veille à l'un de ses salariés sur le chantier d'une entreprise utilisatrice, qui a été pris en charge comme accident du travail, faute de décision explicite de la Caisse dans le délai d'un mois ; qu'après notification de son taux de cotisations d'accident du travail, la société Adia a demandé à la Caisse la communication du dossier constitué par celle-ci après déclaration de l'accident ; que la Caisse a refusé cette communication ; que l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 mai 2002) a rejeté le recours formé par la société Adia et dit que la décision de la Caisse reconnaissant le caractère professionnel de l'accident lui était opposable ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Adia fait grief à la cour d'appel de lui avoir déclaré opposable la décision de la Caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident, alors, selon le moyen :
1 ) que la procédure de reconnaissance implicite par la Caisse d'un accident du travail en vertu de l'article R. 441-10 du Code de la sécurité sociale, ayant pour conséquence, selon l'article R. 441-11 du même Code, de réduire à néant les droits à information préalable de l'employeur, ne peut être mise en oeuvre qu'à titre exceptionnel, et en particulier que s'il n'existe aucun doute sur les circonstances matérielles de l'accident, de sorte que, l'accident litigieux n'ayant eu aucun témoin et n'étant établi que par les seuls dires du salarié, ne justifie pas sa solution au regard des textes précités l'arrêt attaqué qui a admis la régularité de la mise en oeuvre de cette reconnaissance implicite sans aucune instruction en l'espèce ;
2 ) que c'est en violation des règles du procès équitable et de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, s'agissant d'un accident dont la matérialité n'a été établie que par les seuls dires du salarié, la cour d'appel a admis cet accident au titre de la législation professionnelle avec les conséquences financières qui en résultent pour l'employeur, au terme d'une procédure de reconnaissance implicite interdisant à l'employeur l'exercice préalable de tout droit de la défense ;
Mais attendu, d'abord, que le caractère implicite de la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie, faute de décision expresse dans le délai d'un mois, ne rend pas par lui-même cette décision inopposable à l'employeur ; que la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que la Caisse avait fait procéder à des mesures d'instruction, a retenu à bon droit que celle-ci n'était pas tenue d'assurer l'information préalable de l'employeur ;
Et attendu que le droit à un procès équitable ne concerne pas la décision, purement administrative, de reconnaissance par la Caisse du caractère professionnel de la maladie ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Adia fait grief à la cour d'appel de lui avoir déclaré opposable la décision de la Caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident, alors, selon le moyen :
1 ) que l'article R. 441-13 du Code de la sécurité sociale dispose que l'employeur peut demander la communication du dossier constitué par la Caisse sans prévoir de délai pour ce faire, de sorte que viole ce texte l'arrêt attaqué qui approuve la Caisse d'avoir refusé la communication de son dossier à l'employeur au motif inopérant que le droit à communication dont dispose l'employeur n'existerait que pour la période précédant la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle ;
2 ) que l'employeur ayant contesté la décision de prise en charge de l'accident litigieux au titre de la législation professionnelle, méconnaît les droits de la défense de l'employeur et les règles du procès équitable, en violation de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'arrêt attaqué qui approuve la Caisse d'avoir refusé de communiquer à l'employeur pour sa défense devant la cour d'appel le dossier qu'elle a constitué préalablement à sa décision contestée ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'après sa décision sur la prise en charge de l'accident à titre d'accident du travail, la Caisse primaire d'assurance maladie n'était plus tenue de communiquer à l'employeur le dossier constitué conformément à l'article R. 441-13 du Code de la sécurité sociale ; qu'en sa première branche, le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le moyen manque en fait en sa seconde branche, dès lors que l'arrêt ne s'est pas prononcé sur une demande de communication de pièces ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Adia reproche à la cour d'appel d'avoir reconnu le caractère professionnel de l'accident, alors, selon le moyen :
1 ) que le salarié n'étant en mesure d'invoquer aucun témoin de la matérialité de son accident ou de l'existence de sa lésion sur le lieu et au temps du travail, viole les articles L. 411-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui, en présence de la contestation de l'employeur, se fondant sur les seuls dires de l'intéressé, retient que l'accident litigieux serait survenu au temps et sur les lieux du travail ;
2 ) que, s'il ne contestait pas que le salarié avait travaillé le 18 mars 1998, l'employeur mettait en doute dans ses conclusions l'affirmation du salarié selon laquelle l'accident se serait produit ce jour-là et indiquait que l'intéressé ne lui avait déclaré l'accident que le 19 mars 1998, de sorte que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui, procédant par simple affirmation, énonce sans en justifier d'aucune façon que le salarié a été victime d'un accident "le 18 mars 1998" qu'il a "très rapidement porté à la connaissance de son employeur... le jour même de l'accident" ;
Mais attendu que les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail ; que la cour d'appel, par un arrêt motivé, a estimé qu'il existait des présomptions suffisantes de ce que l'accident était survenu dans de telles conditions ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Adia aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Adia à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et Garonne la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille trois.