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20/11/2003 | FRANCE | N°02-12297

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 novembre 2003, 02-12297


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que le 25 avril 1999, le journal "La Dépêche du midi" a fait paraître un article intitulé "Mort mystérieuse dans un garage" relatant le décès, la veille, de Patrick X... brûlé, dans son garage, par l'incendie de sa voiture, précisant que la victime était dépressive, que son corps portait des blessures par arme blanche et qu'un couteau en partie calciné avait été retrouvé, et qui se terminait par la question : "crime ou s

uicide ?..." ; que Mme X..., son épouse, agissant tant en son nom personnel qu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que le 25 avril 1999, le journal "La Dépêche du midi" a fait paraître un article intitulé "Mort mystérieuse dans un garage" relatant le décès, la veille, de Patrick X... brûlé, dans son garage, par l'incendie de sa voiture, précisant que la victime était dépressive, que son corps portait des blessures par arme blanche et qu'un couteau en partie calciné avait été retrouvé, et qui se terminait par la question : "crime ou suicide ?..." ; que Mme X..., son épouse, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses deux filles mineures, a assigné la société La Dépêche du Midi en réparation du préjudice subi par l'atteinte au respect dû à l'intimité de leur vie privée ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes alors, selon le moyen :

1 / que si le droit au respect de l'intimité de la vie privée s'éteint avec le décès de son titulaire, la description détaillée, par voie de presse, des circonstances de sa mort est susceptible de porter atteinte à l'intimité de la vie privée de son conjoint et de ses deux enfants, peu important que leur identité n'ait pas été révélée à cette occasion ; qu'il est constant qu'au lendemain du décès de Patrick X..., La Dépêche du Midi a fait paraître un article intitulé "... : Mort mystérieuse dans un garage" qui relatait les circonstances particulièrement tragiques dans lesquelles les pompiers avaient découvert son corps "inanimé et atrocement brûlé" qui "portait des blessures à l'arme blanche" ; que cet article rappelait encore que Patrick X... était dépressif, qu'il travaillait à l'association formation et insertion, qu'il était âgé de 39 ans, qu'il était marié et père de deux enfants ; qu'enfin, il s'achevait sur la question suivante : "crime ou suicide ?" ; qu'en se déterminant d'après la considération inopérante que l'article rédigé en ces termes ne comportait aucune information sur la vie privée de Mme X... et de ses deux filles, quand la description détaillée de l'état du corps, la révélation de l'état dépressif de Patrick X... et la mention d'un doute sur les causes du décès portaient atteinte à leur sentiments d'affliction, au lendemain du décès, la cour d'appel a violé l'article 9 du Code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2 / que si la liberté de l'information justifie de révéler les circonstances de décès d'une personne impliquée dans un événement, encore faut-il que l'information livrée au public satisfasse un intérêt légitime, qu'elle présente une utilité sociale et qu'elle n'inflige pas à la personne mise en cause une souffrance disporportionnée ; qu'en affirmant que la relation des circonstances du décès de Patrick X..., dans la rubrique des faits divers, répondait au besoin d'information du public, bien que le défunt ne fut impliqué dans aucun événement qui aurait justifié de porter atteinte à l'intimité de la vie privée de sa femme et de ses filles par la description détaillée de l'état du cadavre, par la révélation de son état dépressif, et par la mention d'un doute sur l'existence d'un suicide ou d'un meurtre, la cour d'appel a violé les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 9 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt, par motifs adoptés, retient qu'à la date de la publication incriminée Patrick X... était décédé et qu'il n'a pu être personnellement atteint par les informations divulguées, que ses héritiers ne bénéficient pas du droit d'agir en son nom, que l'article litigieux indique seulement que Patrick X... était marié et père de deux enfants, qu'il ne comporte aucune information sur l'épouse et les enfants et que la relation des circonstances de la découverte du corps ne fait que répondre au besoin d'information du public relativement à un "fait divers" ;

Que par ces seuls motifs, desquels il résulte que l'article litigieux ne portait pas atteinte à la vie privée de Mme X... et de ses enfants, la cour d'appel, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil et l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Attendu que pour dire que sa décision serait communiquée en application du second de ces textes au président du bureau de l'aide juridictionnelle pour que soit remboursé à l'Etat les frais dont ce dernier a fait l'avance en application de la décision d'aide juridictionnelle, l'arrêt retient que l'appel est particulièrement mal fondé et que Mme X... sera déboutée de toutes ses demandes particulièrement abusives ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action engagée par Mme X... ne présentait aucun caractère abusif ;

Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la Cour de Cassation peut casser sans renvoi lorsque la cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a décidé de communiquer sa décision 1991 au président du bureau de l'aide juridictionelle pour que soit remboursé à l'Etat les frais dont ce dernier a fait l'avance en application de la décision d'aide juridictionnelle, l'arrêt rendu le 16 janvier 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit n'y avoir lieu à saisir le président du bureau de l'aide juridictionnelle ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de Mme X... et de La Dépêche du Midi ;

Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 02-12297
Date de la décision : 20/11/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Atteinte - Presse - Publication relatant les circonstances du décès d'un père de famille - Préjudice subi par le conjoint et les enfants (non).

Un journal ayant fait paraître un article relatant le décès d'une personne brûlée, dans son garage, par l'incendie de sa voiture, précisant que la victime était dépressive, que son corps portait des blessures par arme blanche et qu'un couteau en partie calciné avait été retrouvé, et se terminant par la question " crime ou suicide ", ne fait que répondre au besoin d'information du public relativement à un " fait divers " sans qu'il soit porté atteinte à la vie privée de l'épouse de la personne concernée et de ses enfants, dès lors que l'article ne comportait aucune information sur eux.


Références :

Code civil 1382
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 50

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 16 janvier 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 nov. 2003, pourvoi n°02-12297, Bull. civ. 2003 II N° 354 p. 288
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 II N° 354 p. 288

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Domingo.
Rapporteur ?: M. Grignon Dumoulin.
Avocat(s) : la SCP Boullez, la SCP Ancel et Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.12297
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