AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 10 juillet 2001), que suivant acte authentique du 13 juin 1994, Mme X... a fait donation à sa fille unique, Mme Y..., de la nue-propriété de divers biens immobiliers ; que Mme X... a acquitté les droits de mutation de la donation ; qu'elle est décédée le 9 juillet 1994, laissant Mme Y... pour recueillir sa succession ; que l'administration fiscale a engagé une procédure de redressement contradictoire visant à la réintégration dans l'actif successoral du montant des droits de mutation afférents à la donation ; qu'après avoir reçu notification de l'avis de mise en recouvrement, Mme Y... a assigné le directeur des services fiscaux de la Marne devant le tribunal de grande instance, afin de voir prononcer l'annulation de l'avis et la déchéance de l'imposition litigieuse et des pénalités y afférentes ; que le tribunal a rejeté les demandes de Mme Y..., qui a relevé appel du jugement ;
Attendu que Mme Y... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa contestation de redressement, alors, selon le moyen :
1 / que l'article 751 du Code général des impôts répute "au point de vue fiscal, faire partie de la succession de l'usufruitier toute valeur mobilière, tout bien meuble ou immeuble, appartenant, pour l'usufruit au défunt et pour la nue-propriété à l'un de ses héritiers (...) à moins qu'il y ait eu donation régulière et que cette donation (...) ait été consentie plus de trois mois avant le décès" ; que si, en cas de donation de divers biens consentie moins de trois mois avant le décès et à raison de laquelle le donateur a payé les droits, lesdits biens doivent être réintégrés dans l'actif successoral du fait de la présomption de propriété instituée par ladite disposition, en revanche il n'en résulte pas que les droits acquittés par le de cujus à l'occasion de la donation doivent être également intégrés à sa succession ; qu'en admettant le bien-fondé d'une telle réintégration, la Cour a ajouté à l'article 751 du Code général des impôts une condition qui n'y figure pas, entachant ainsi sa décision de violation de la loi ;
2 / que si l'article 751 du Code général des impôts prévoit dans son 3e alinéa que dans le cas où "la nue-propriété provient à l'héritier (...), les droits de mutation acquittés par le nu-propriétaire et dont il est justifié sont imputés sur l'impôt de transmission par décès exigible à raison de l'incorporation des biens dans la succession", aucune disposition ne traite de l'hypothèse inverse où les droits de mutation ont été payés par l'usufruitier (c'est-à-dire le donateur), de sorte qu'il convient d'appliquer la solution du droit commun de l'article 1712 du Code général des impôts, qui admet que le donateur puisse être institué conventionnellement redevable des droits sans qu'il en résulte pour le donataire un avantage particulier qui devrait être imposé à son nom ; de sorte que la cour d'appel ne pouvait sans violer les articles 751 et 1712 du Code général des impôts, estimer qu'il y avait lieu de réintégrer le montant des droits de donation acquittés par le de cujus dans l'actif successoral ;
3 / qu'en tout état de cause, en se déterminant par des motifs hypothétiques et contradictoires selon lesquels "si la donation n'avait pas eu lieu, Mme X... n'aurait pas réglé les droits y afférents et Mme Y... aurait acquitté les droits de mutation par décès correspondant à l'actif augmenté de leur valeur" et "Mme Y... n'hérite pas véritablement de la contre-valeur des droits payés", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir exactement retenu que la donation était devenue, du fait du décès prématuré de la donatrice, fiscalement inexistante et que la succession, dont l'actif avait été amputé sans cause du montant des droits de mutation à titre gratuit payés par la donatrice, était en conséquence créancière de ce montant, la cour d'appel en a déduit à bon droit que ces droits devaient être réintégrés dans l'actif successoral, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille trois.