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21/10/2003 | FRANCE | N°00-20656

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 octobre 2003, 00-20656


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses six branches ;

Attendu que Mme X..., huissier de justice, ayant été mise en examen pour abus de confiance aggravé par la qualité d'officier public, faux et usage de faux, a fait l'objet d'une mesure de suspension provisoire par décision du tribunal de grande instance du 16 février 1996 et d'une mesure de contrôle judiciaire ordonnée par le juge d'instruction le 13 février de la même année ; que la Chambre d'accusation ayant infirmÃ

© l'ordonnance du juge d'instruction et ordonné la mainlevée de la mesure le 2...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses six branches ;

Attendu que Mme X..., huissier de justice, ayant été mise en examen pour abus de confiance aggravé par la qualité d'officier public, faux et usage de faux, a fait l'objet d'une mesure de suspension provisoire par décision du tribunal de grande instance du 16 février 1996 et d'une mesure de contrôle judiciaire ordonnée par le juge d'instruction le 13 février de la même année ; que la Chambre d'accusation ayant infirmé l'ordonnance du juge d'instruction et ordonné la mainlevée de la mesure le 22 octobre 1999, Mme X... a saisi le tribunal de grande instance d'une requête en mainlevée de la suspension provisoire ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Pau, 9 août 2000), d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :

1 / qu'en excluant l'application de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme au motif que la mesure de suspension provisoire ne portait pas sur la culpabilité, l'arrêt attaqué a violé ce texte ;

2 / qu'en affirmant que la notion de délai raisonnable ne pouvait s'appliquer à la mesure de suspension provisoire, celle-ci ayant vocation à cesser de plein droit, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le délai raisonnable n'était pas d'ores et déjà dépassé, lui imposant de mettre fin à la mesure provisoire avant que celle-ci cesse de plein droit, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs et violé les articles 35 de l'ordonnance du 28 juin 1945, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3 / qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que Mme X... s'est vu imposer, sans faute de sa part et du fait des carences procédurales, une interdiction professionnelle "provisoire" dont la durée dépasse manifestement le délai raisonnable, de sorte qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4 / qu'en écartant le caractère excessif de la durée de la suspension provisoire au motif de l'absence d'un préjudice financier, résultant de la réduction de la moitié de ses revenus et de l'utilisation abusive de cette moitié, par l'administrateur, pour le paiement de prétendues dettes personnelles de l'huissier suspendu, la cour d'appel a violé les articles 20 et 33 de l'ordonnance du 28 juin 1945 et 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

5 / qu'en affirmant, pour écarter le caractère excessif de la durée de la suspension provisoire, que Mme X... ne subissait pas de préjudice sans s'expliquer sur ses conclusions précisant que la durée excessive de la suspension provisoire amenuisait sa crédibilité d'officier ministériel et rendait ainsi de plus en plus difficile la reprise de son activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6.1 de la Convention précitée ;

6 / qu'une mesure de suspension provisoire ne peut être maintenue, selon les termes de la cour d'appel elle-même, que pour des raisons tenant à la protection des clients de l'étude ou la défense de la profession, et le juge dispose à tout moment de la possibilité de lever une mesure qui ne peut être que provisoire ; qu'elle doit être levée si aucune de ces considérations ne justifie la prolongation de celle-ci ; qu'en s'abstenant de constater que la prolongation de la mesure avait encore une quelconque justification au regard de ces critères, la cour d'appel a omis d'exercer le pouvoir d'appréciation qu'elle tient des articles 32 et 35 de l'ordonnance du 28 juin 1945 et violé lesdits textes ;

Mais attendu que l'exigence du délai raisonnable prévu à l'article 6,1 , de la Convention européenne des droits de l'homme, propre à la durée dune cause, ne saurait s'appliquer à la durée même de la mesure prononcée à l'issue de cette cause ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses cinq premières branches ;

Et attendu que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les disparitions de fonds ne sauraient être admises de la part d'un officier ministériel dont la fonction se justifiait justement par la garantie qu'il donne aux clients de pouvoir recouvrer les sommes qui leurs sont dues et qui ont été récupérées par ledit officier ministériel et qu'il y a là le constat, fondé sur des aveux mêmes partiels mais sans équivoques quant à la réalité des faits admis, d'une incompétence dont il convenait de prémunir encore et toujours l'usager par le maintien d'une mesure de salubrité même provisoire sans attendre sa réelle qualification pénale ou disciplinaire et leurs sanctions et en tout cas pendant la durée des poursuites engagées ; que la cour d'appel ayant ainsi exercé le pouvoir d'appréciation qu'elle tenait des articles 32 et 35 de l'ordonnance du 28 juin 1945, le moyen n'est pas fondé en sa sixième branche ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 00-20656
Date de la décision : 21/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6.1. - Délai raisonnable - Domaine d'application - Durée de la cause.

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Discipline - Sanction - Suspension provisoire - Durée de la mesure - Appréciation - Fondement

L'exigence du délai raisonnable prévue par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, propre à la durée d'une cause, ne saurait s'appliquer à la durée même de la mesure prononcée à l'issue de cette cause.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art.6.1
ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 art.32, 35

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 09 août 2000

A RAPPROCHER : Chambre criminelle, 1995-03-09, Bulletin criminel 1995, n° 98, p. 248 (rejet) et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 oct. 2003, pourvoi n°00-20656, Bull. civ. 2003 I N° 206 p. 162
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 I N° 206 p. 162

Composition du Tribunal
Président : M. Lemontey (président).
Avocat général : M. Mellottée.
Rapporteur ?: M. Bargue.
Avocat(s) : la SCP Delaporte, Briard et Trichet, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.20656
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