La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2003 | FRANCE | N°02-86712

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 septembre 2003, 02-86712


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente septembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de Me COSSA, de la société civile professionnelle THOMAS-RAQUIN et BENABENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Christian, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 2 octobre 2002,

qui, dans la procédure suivie sur ses plaintes du chef de diffamation publique envers...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente septembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de Me COSSA, de la société civile professionnelle THOMAS-RAQUIN et BENABENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Christian, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 2 octobre 2002, qui, dans la procédure suivie sur ses plaintes du chef de diffamation publique envers un particulier contre Philippe Y... et Loic Z..., a constaté l'extinction de l'action publique et a prononcé sur l'action civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 50 de la loi du 29 juillet 1881, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la nullité des actes de poursuite, et en conséquence, a débouté Christian X..., partie civile, de l'ensemble de ses demandes contre Philippe Y... et Loïc Z... ;

"aux motifs que la plainte de Christian X..., en date du 10 novembre 2000, vise :

- d'une part, Philippe Y... "pour le délit de diffamation publique envers un parlementaire ou à défaut le délit de diffamation envers un particulier, délits prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 et plus spécialement par les articles 23, 29, alinéa 1er, 31, 32, 42, 43, 47 et suivants de cette loi et toutes autres infractions que l'instruction permettra de relever" - d'autre part, Loïc Z... "pour avoir commis les faits de complicité du délit de diffamation publique envers un parlementaire ou à défaut pour complicité de délit de diffamation envers un particulier, délits prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 et plus spécialement par les articles 23, 29, alinéa 1er, 31, 32, 42, 43, 47 et suivants de cette loi et toutes autres infractions que l'instruction permettra de relever" ; que la plainte précise : "Dans cet article Loïc Z... entend démontrer que Christian X..., député RPR et premier adjoint au maire de Saint-Etienne serait aujourd'hui au centre d'un "scandale politico-financier" impliquant la Caisse d'Epargne de saint-Etienne... A cette occasion, il met en cause son honneur et sa considération, insistant sur sa qualité de député RPR 1er adjoint au maire de Saint-Etienne et membre du Conseil d'Orientation et de Surveillance de la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche" ;

que cette plainte déposée avec constitution de partie civile du chef de diffamation envers Christian X..., chargé de mandats publics, et subsidiairement des chefs de diffamation envers un particulier, visant ensemble les articles 23, 29 alinéa 1er, 31, 32, 42, 3 et 47 de la loi du 29 juillet 1881, attribuant aux propos prétendument diffamatoires une qualification alternative et visant des articles de la loi sur la liberté de la presse se rapportant à des infractions de nature et de gravité différentes, ne répond pas aux exigences de l'article 50 de cette loi et n'a pu mettre régulièrement l'action publique en mouvement ; qu'un réquisitoire introductif peut venir au soutien d'une plainte avec constitution de partie civile et rendre parfaite la poursuite, à la condition que ce réquisitoire soit lui-même conforme aux prescriptions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;

que tel n'est pas le cas du réquisitoire introductif pris le 4 décembre 2000 qui, tout en visant le délit de diffamation publique envers un particulier, énonce que l'article incriminé "tend à présenter ce parlementaire comme mis en cause dans une affaire judiciaire" et précise : - que les affirmations contenues dans un passage "présentant Christian X... comme auteur de faits d'abus de biens sociaux pénalement sanctionnés portent atteinte à l'honneur et à la considération de ce député" - que "les propos de l'article se référant à l'utilisation indue par Christian X... de sa position au sein de la Caisse d'Epargne sont de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de cet élu" - "qu'en insinuant que Christian X... aurait joué un rôle qu'il conteste dans l'embauche de son frère, l'auteur de l'article a émis des allégations susceptibles de porter atteinte à l'honneur et à la considération de ce député" ; - "que ces allégations qui présentent la vente des locaux de l'agence de la Caisse d'Epargne de Saint-Galmier comme ayant donné lieu à la moitié de leur valeur par une société dirigée par un membre de l'entourage de Christian X... portent atteinte à l'honneur et à la considération de cet élu" ; - "que l'évocation d'un scandale politico-financier porte atteinte à l'honneur et à la considération de Christian X..." ; que le réquisitoire reproduit le passage incriminé suivant : "On parle d'abus de biens sociaux, de trafic d'influence, de prise illégale d'intérêts" ; que ces deux dernières infractions font référence à l'exercice de mandats publics ; que ni la plainte avec constitution de partie civile du 10 novembre 2000, ni le réquisitoire introductif de la poursuite, en date du 4 décembre 2000, ne répondant aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, il y a lieu de constater que ni l'action publique ni l'action civile n'ont été légalement mises en mouvement en ce qui concerne cette première publication incriminée (cf arrêt, p. 9 et 10) ;

"alors que la plainte avec constitution de partie civile litigieuse ne pouvait générer la moindre erreur ou incertitude dans l'esprit des prévenus quant aux infractions dont ils avaient à répondre dès lors qu'après avoir articulé les faits, elle attribuait aux propos diffamatoires la qualification de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public et, subsidiairement, celle de diffamation envers un particulier, cela tout en visant les textes qui correspondaient à ces deux qualifications alternatives ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, subsidiairement, que le ministère public qui requiert une information pour une infraction prévue et réprimée par la loi du 29 juillet 1881, est tenu, au termes de l'article 50 de ce texte, d'articuler et de qualifier les faits et de préciser le texte de ladite loi édictant la peine dont l'application est demandée ; qu'en l'espèce, répondait à ces exigences le réquisitoire introductif, pris dans les délais de la prescription, qui, après avoir désigné avec précision l'écrit incriminé et reproduit son "chapeau" et certain de ses passages, qualifiait les faits de délit de diffamation publique envers un particulier en visant les articles 23, alinéa 1er, 29 alinéa 1er et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"et alors qu'à supposer même que les faits aient été susceptibles de recevoir une autre qualification que celle retenue dans l'acte de poursuite, les juges du fond ont en toute hypothèse méconnu les textes susvisés en se fondant sur cette éventuelle erreur de qualification pour prononcer la nullité d'ordre public prévue par l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 50 de la loi du 29 juillet 1881, 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la nullité de l'acte de poursuite, et en conséquence, a débouté Christian X..., partie civile, de l'ensemble de ses demandes contre Philippe Y... et Loïc Z... ;

"aux motifs que la seconde plainte de Christian X..., en date du 12 février 2001, vise : - d'une part, Philippe Y... "pour le délit de diffamation publique envers un parlementaire ou à défaut le délit de diffamation envers un particulier, délits prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 et plus spécialement par les articles 23, 29, alinéa 1er, 31, 32, 42, 43, 47 et suivants de cette loi et toutes autres infractions que l'instruction permettra de relever" - d'autre part, Loïc Z... "pour avoir commis les faits de complicité du délit de diffamation publique envers un parlementaire ou à défaut pour complicité de délit de diffamation envers un particulier, délits prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 et plus spécialement par les articles 23, 29, alinéa 1er, 31, 32, 42, 43, 47 et suivants de cette loi et toutes autres infractions que l'instruction permettra de relever" ; que la plainte précise : "Une fois de plus dans ce nouvel article Loïc Z... entend démontrer que Christian X..., député RPR et 1er adjoint au maire de Saint-Etienne serait au centre de "L'affaire de la Caisse d'Epargne de Saint-Etienne. A cette occasion, il met en cause mon honneur et ma considération insistant sur ma qualité de député RPR 1er adjoint au maire de Saint-Etienne et membre du Conseil d'Orientation et de Surveillance de la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche. De tels arguments sont prévus et réprimés par les articles 3, 29, alinéa 1er, 31, 32, 42, 43, 47 et suivants de la loi du 29 juillet 1881" ; que cette seconde plainte déposée avec constitution de partie civile du chef de diffamation envers Christian X..., chargé de mandats publics, et subsidiairement des chefs de diffamation envers un particulier, visant ensemble les articles 23, 29, alinéa 1er, 31, 32, 42, 43 et 47 de la loi du 29 juillet 1881, attribuant aux propos prétendument diffamatoires une qualification alternative et visant des articles de la loi sur la liberté de la presse se rapportant à des infractions de nature et de gravité différentes, ne répond pas aux exigences de l'article 50 de cette loi et n'a pu mettre régulièrement l'action publique en mouvement ; (cf arrêt, p. 10 et 11) ;

"alors que la plainte avec constitution de partie civile litigieuse ne pouvait générer la moindre erreur ou incertitude dans l'esprit des prévenus quant aux infractions dont ils avaient à répondre dès lors qu'après avoir articulé les faits, elle attribuait aux propos diffamatoires la qualification de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public et, subsidiairement, celle de diffamation envers un particulier, cela tout en visant les textes qui correspondaient à ces deux qualifications alternatives ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu qu'en matière de presse, une plainte incomplète ou irrégulière peut être validée par le réquisitoire introductif lorsqu'il est conforme aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 et qu'il est intervenu dans le délai de la prescription que la plainte entachée de nullité n'a pas interrompu ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la publication d'un article de presse paru dans le numéro de novembre 2000 du mensuel "Objectifs Rhône-Alpes" intitulé "Caisse d'Epargne de Saint-Etienne, Christian X..., un député dans le collimateur de la justice", ce dernier a porté plainte avec constitution de partie civile, le 10 novembre 2000, contre Philippe Y..., directeur de publication, et Loïc Z..., journaliste, pour diffamation et complicité de diffamation publique "envers un parlementaire ou à défaut envers un particulier", au visa des articles 23, 29, alinéa 1, 31 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; que, sous les mêmes qualifications et au visa des mêmes textes, Christian X... a porté, le 12 février 2001, une seconde plainte contre les mêmes personnes à la suite d'un article paru dans le numéro de décembre 2000 intitulé "Saint-Etienne, pourquoi l'affaire de la Caisse d'Epargne de Saint-Etienne risque d'être étouffée" ; que, sur la première plainte, le procureur de la République a pris, le 4 décembre 2000, des réquisitions aux fins d'informer des chefs de diffamation et complicité de diffamation publique envers un particulier, au visa des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; que, sur la seconde, ont été prises, le 21 mars 2001, des réquisitions aux fins d'informer des mêmes chefs ;

Attendu que, pour infirmer le jugement ayant condamné les prévenus pour diffamation publique envers un particulier et complicité, les juges du second degré, après avoir constaté l'extinction de l'action publique par l'amnistie, retiennent, par les motifs repris au moyen, que l'action civile n'a pas été régulièrement mise en mouvement ;

Mais attendu que, si le réquisitoire du 21 mars 2001, pris plus de trois mois après la parution, le 2 décembre 2000 de la revue contenant les propos incriminés, n'a pu réparer les erreurs de la plainte du 12 février 2000, il n'en va pas de même du réquisitoire introductif du 4 décembre 2000 qui, ainsi que la Cour de Cassation est en mesure de s'en assurer, est intervenu dans le délai de la prescription, articule les propos diffamatoires, les qualifie et vise les textes applicables ;

D'où il suit qu'en prononçant la nullité des poursuites de ce dernier chef, alors que le réquisitoire introductif du 4 décembre 2000 avait pallié les insuffisances de la plainte du 10 novembre 2000, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, mais en ses seules dispositions civiles afférentes aux faits visés dans la plainte du 10 novembre 2000, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 2 octobre 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Mazars, MM. Beyer, Pometan, Mme Nocquet, M. Castagnède conseillers de la chambre, MM. Desportes, Ponsot, Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Fréchède ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-86712
Date de la décision : 30/09/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Procédure - Instruction - Constitution de partie civile initiale - Plainte ne répondant pas aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 - Combinaison des mentions de la plainte et de celles du réquisitoire introductif - Conditions - Validité du réquisitoire introductif.

PRESSE - Procédure - Action publique - Mise en mouvement - Instruction - Constitution de partie civile - Plainte ne répondant pas aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 - Combinaison des mentions de la plainte et de celles du réquisitoire introductif

En matière de presse une plainte incomplète ou irrégulière peut être validée par le réquisitoire introductif lorsqu'il est conforme aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 et qu'il est intervenu dans le délai de prescription que la plainte entachée de nullité n'a pas interrompu. Encourt la cassation l'arrêt qui prononce la nullité des poursuites alors que le réquisitoire introductif intervenu dans le délai de la prescription qui articule les propos diffamatoires, les qualifie et vise les textes applicables, a pallié les insuffisances de la plainte (1).


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 50

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 02 octobre 2002

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1982-06-22, Bulletin criminel 1982, n° 169, p. 470 (cassation et annulation sans renvoi) ; Chambre criminelle, 1987-05-19, Bulletin criminel 1987, n° 205, p. 554 (cassation et annulation sans renvoi) ; Chambre criminelle, 1988-01-19, Bulletin criminel 1988, n° 28, p. 73 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 sep. 2003, pourvoi n°02-86712, Bull. crim. criminel 2003 N° 174 p. 694
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 174 p. 694

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède
Rapporteur ?: Mme Chanet
Avocat(s) : Me. Cossa, la SCP Thomas-Raquin et Bénabent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.86712
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award