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02/09/2003 | FRANCE | N°02-87799

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 septembre 2003, 02-87799


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux septembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Alain,

- Y... Jean-Louis,

- Z... Daniel,

- A... Armand,

- B... Philippe,

contre l'arrêt de

la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 22 octobre 2002, qui, dans la procédure suivie contre eux...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux septembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Alain,

- Y... Jean-Louis,

- Z... Daniel,

- A... Armand,

- B... Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 22 octobre 2002, qui, dans la procédure suivie contre eux des chefs de violation du secret de l'instruction et complicité, a déclaré irrecevable l'exception tirée de l'article 6-1 du Code de procédure pénale ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date de ce jour, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique, pris de la violation des articles 6-1, 179 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré irrecevable l'exception de procédure tirée de l'article 6-1 du Code de procédure pénale, invoquée devant la juridiction de jugement ;

"aux motifs que l'exception soulevée par les prévenus est fondée sur l'article 6-1 du Code de procédure pénale selon lequel "lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision devenue définitive de la juridiction répressive saisie" ; qu'il n'est pas contesté que cette exception peut être, en principe, soulevée à tout moment de la procédure et même d'office, notamment devant la cour d'appel ; que, toutefois les parties civiles soutiennent que, dans la présente espèce, alors que le tribunal correctionnel avait été saisi par ordonnance de renvoi d'un juge d'instruction, cette ordonnance a, conformément à l'article 179 du Code de procédure pénale, purgé les vices de la procédure antérieure, de sorte que l'exception maintenant tirée de l'article 6-1 serait irrecevable ; que ni les prévenus, ni le ministère public n'ont opposé de réplique à cette argumentation, dont ils ont eu connaissance ; que, selon l'article 179 du Code de procédure pénale, "lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de renvoi couvre, s'il en existe, les vices de la procédure" ; que cet article ne distingue pas entre les nullités de l'information et les vices antérieurs tels que ceux

affectant la mise en mouvement de l'action publique ; qu'il s'ensuit que l'irrégularité invoquée par les prévenus à l'article 6-1 du Code de procédure pénale a été couverte en l'espèce, par l'ordonnance de renvoi prononcée le 6 février 2001 ; que l'exception tirée de cet article 6-1 doit, en conséquence, être déclarée irrecevable ;

"alors que lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision devenue définitive de la juridiction répressive saisie ; que les dispositions de l'article 6-1 du Code de procédure pénale, édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, sont d'ordre public et qu'il est du devoir des juridictions d'instruction et de jugement d'en faire assurer d'office le respect ; que leur méconnaissance entraîne une nullité qui ne saurait être assimilée aux nullités de procédure visées par l'article 179 du Code de procédure pénale ; qu'en effet, la purge des nullités qu'opère, en cas d'instruction préparatoire, l'ordonnance ou l'arrêt de renvoi, concerne exclusivement les nullités de cette phase de la procédure ;

que la nullité tirée de l'article 6-1 du Code de procédure pénale, qui est donc étrangère aux nullités de l'instruction visées par l'article 179 du Code de procédure pénale, doit être relevée d'office et peut être invoquée à tout moment de la procédure et pour la première fois devant la Cour de Cassation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;

Vu l'article 6-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'aux termes de cet article, lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision définitive de la juridiction répressive saisie, le délai de prescription courant à compter de cette décision ; que ces dispositions constituent un obstacle à l'exercice de l'action publique et peuvent être invoquées à tout stade de la procédure ;

Attendu que les consorts C... et la société Central Clothes ont porté plainte en se constituant parties civiles, contre personnes non dénommées, pour la violation du secret de l'instruction qu'auraient commise des fonctionnaires de police en permettant à des journalistes de filmer des actes d'enquête, leur arrestation, leur placement en garde à vue et une perquisition pour la réalisation d'un reportage de télévision sur les filières d'immigration et de travail clandestins ; que, sur les réquisitions du ministère public, une information a été ouverte à l'issue de laquelle ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, Armand A..., du chef de violation du secret de l'instruction, Alain X..., Daniel Z..., Jean-Louis Y... et Jean-Philippe B... des chefs de complicité de ce délit ; que les premiers juges ont retenu la culpabilité des prévenus et prononcé des peines ;

Attendu que, devant la cour d'appel, les prévenus et le ministère public ont excipé de la nullité de la procédure en application de l'article 6-1 du Code de procédure pénale au motif qu'aucune décision définitive n'était intervenue constatant l'illégalité des poursuites ou des actes accomplis dans la procédure suivie contre les plaignants pour travail dissimulé ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'exception préjudicielle ainsi invoquée, les juges d'appel énoncent que "l'irrégularité invoquée par les prévenus, tirée de la fin de non-recevoir de l'action publique prévue par l'article 6-1 du Code de procédure pénale, a été couverte par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction" ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, en l'absence de décision définitive constatant l'illégalité de la poursuite ou des actes accomplis à cette occasion, la cour d'appel, a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Et que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, en application de l'article L. 131-5, alinéa 1er, du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 22 octobre 2002, ensemble la procédure qui l'a précédé y compris le réquisitoire introductif ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Desportes Ponsot, Mme Menotti conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-87799
Date de la décision : 02/09/2003
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Crime ou délit commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire - Violation d'une disposition de procédure pénale - Cas.

1° L'exception préjudicielle à l'action publique prévue par l'article 6-1 du Code de procédure pénale est applicable lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition du Code de procédure pénale. Tel est le cas lorsque, comme en l'espèce, est dénoncée la violation du secret de l'instruction qu'auraient commise des fonctionnaires de Police en permettant que des actes accomplis sur commission rogatoire d'un juge d'instruction soient filmés pour la réalisation d'un reportage de télévision (1).

2° ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Crime ou délit commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire - Violation d'une disposition de procédure pénale - Décision définitive constatant l'illégalité de la poursuite ou de l'acte accompli - Absence - Portée.

2° Selon les dispositions de l'article 6-1 du Code de procédure pénale, lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition du Code de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision définitive de la juridiction répressive saisie (2).

3° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exceptions - Exception préjudicielle - Exception tirée de l'article du Code de procédure pénale - Exception pouvant être invoquée à tout stade de la procédure.

3° Les dispositions de l'article 6-1 du Code de procédure pénale constituant un obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le moyen tiré de leur inobservation peut être soulevé à tout stade de la procédure (3).


Références :

3° :
Code de procédure pénale 6-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 octobre 2002

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1998-04-21, Bulletin criminel 1998, n° 139, p. 369 (rejet) ; Chambre criminelle, 2001-10-16, Bulletin criminel 2001, n° 207, p. 666 (rejet). CONFER : (2°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1997-01-28, Bulletin criminel 1997, n° 37, p. 109 (rejet). CONFER : (3°). (3) A rapprocher : Chambre criminelle, 2001-05-10, pourvoi n° 99-87052 (cassation sans renvoi), non publié, diffusé Légifrance.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 sep. 2003, pourvoi n°02-87799, Bull. crim. criminel 2003 N° 147 p. 589
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 147 p. 589

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton
Rapporteur ?: Mme Mazars
Avocat(s) : la SCP Monod et Colin, Me. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.87799
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