AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2001) que M. X... a été engagé, le 12 mai 1989, par la compagnie Corsair International, en qualité de pilote de ligne ; que la loi n° 95-116 du 4 février 1995 a inséré dans le Code de l'aviation civile un article L. 421-9 pour interdire l'exercice des fonctions de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de 60 ans ; que le salarié a été informé par lettre du 23 avril 1997 que devant atteindre cet âge le 31 juillet 1997 et ne pouvant plus, de ce fait, exercer ses fonctions, il lui était proposé à titre de reclassement un poste au sol, qu'à défaut d'acceptation, il quitterait la compagnie à l'issue d'un préavis de trois mois qui serait effectué du 1er mai au 31 juillet 1997, et que lui serait alors versée l'indemnité exclusive de départ prévue à l'article L. 423-1 du Code de l'aviation civile ; que le salarié ayant refusé cette proposition de reclassement, l'employeur lui a indiqué, par lettre du 2 juin 1997, qu'à l'issue d'un préavis dont il fixait le terme au 31 juillet 1997, il quitterait la compagnie en application des dispositions de l'article L. 122-14-13 du Code du travail relatives à la mise à la retraite des salariés ; qu'estimant avoir fait l'objet d'un licenciement dont il contestait le bien-fondé, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur les premier et second moyens :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que d'un complément d'indemnité de préavis et de congés payés afférents alors, selon le premier moyen :
1 / que l'article L. 423-7 du Code de l'aviation civile dispose que le montant de l'indemnité exclusive de départ, allouée au personnel dont le contrat prend fin en application de l'article L. 421-9, à raison soit de l'impossibilité pour l'entreprise de proposer à l'intéressé de le reclasser dans un emploi au sol, soit du refus de ce dernier d'accepter l'emploi qui lui est offert est calculé selon les mêmes modalités que celles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 122-14-13 du Code du travail ;
qu'il résulte de ce texte que si la rupture du contrat du personnel navigant ayant atteint l'âge de 60 ans et ayant refusé un reclassement dans un emploi au sol s'analyse comme un licenciement s'il ne remplit pas les conditions d'une mise à la retraite, l'indemnité exclusive de départ à la retraite qui lui est allouée est néanmoins égale à l'indemnité de départ à la retraite prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 122-14-13 ; que dès lors, en décidant que l'indemnité exclusive de départ n'était prévue que dans l'hypothèse d'une mise à la retraite et non d'un licenciement, la cour d'appel a violé ce texte ;
2 / que lorsque le statut collectif applicable ne prévoit le versement d'une indemnité conventionnelle de licenciement que pour l'une des causes qu'il définit, le salarié licencié pour une autre cause n'a pas droit à cette indemnité; qu'il résulte des articles 6-1, 6-5, 6-5-1, 6-5-2 et 6-5-2-2 du règlement intérieur du personnel navigant (RPIN) que l'indemnité conventionnelle de licenciement égale à un mois de salaire par année d'ancienneté n'est due que lorsque la rupture du contrat de travail résulte d'un licenciement pour faute non grave, pour motif économique, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique et non lorsqu'elle intervient pour atteinte de l'âge normal de cessation de service ; que, dès lors, en décidant que cette indemnité était due à M. X... parce qu'elle était plus favorable que l'indemnité exclusive de départ prévue par l'article L. 423-1. 7 du Code de l'aviation civile, la cour d'appel a violé les dispositions précitées du RIPN ;
Et alors, selon le second moyen :
1 / qu'aucune indemnité compensatrice n'est due au salarié qui se trouve dans l'impossibilité, non imputable à l'employeur, d'effectuer son préavis; qu'en application de l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile interdisant à un pilote d'exercer ses fonctions au-delà de 60 ans, M. X..., qui avait etteint cet âge le 31 juillet 1997, se trouvait dans l'impossibilité d'effectuer son préavis du 1er août au 2 septembre 1997, date de la fin du délai-congé ; que, dès lors, en condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à cette période, la cour d'appel a violé l'article L. 122-8 du Code du travail ;
2 / que l'article 6-1 du RIPN distingue, comme causes de cessation du service, le reclassement au sol, la démission, le licenciement, l'atteinte de l'âge normal de cessation de service et le décès ; que l'article 6-5 du même règlement traite l'inaptitude physique comme l'un des motifs de licenciement ; qu'il résulte de ces deux textes que l'atteinte de l'âge normal de cessation de service constitue une cause de rupture du contrat distincte du licenciement pour inaptitude physique ;
que dès lors, en décidant que M. X... devait bénéficier d'une indemnité compensatrice de préavis de trois mois parce que l'article 6-5-2 du RIPN prévoit un préavis de trois mois même en cas d'inaptitude physique, la cour d'appel a violé les dispositions précitées du RIPN ;
3 / que le droit au préavis, qui n'est exclu qu'en cas de licenciement pour faute grave ou lourde, ne se confond pas avec le droit à l'indemnité compensatrice de préavis, qui n'est due que si l'inexécution du délai-congé est imputable à l'employeur ; que dès lors, en retenant, pour condamner la compagnie Corsair au paiement d'une indemnité compensatrice pour la partie du préavis que M. X... n'avait pu effectuer parce qu'il avait atteint l'âge de 60 ans au-delà duquel il ne pouvait plus exercer ses fonctions de pilote, que l'employeur avait reconnu dans ses correspondances que le salarié devait bénéficier d'un préavis de trois mois, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article L. 122-8 du Code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 6.2, dernier alinéa, 6-5, 6-5-2 et 6.5.2.2 du règlement intérieur du personnel navigant de la compagnie Corsair International que le navigant atteint par la limite d'âge fixée par l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile, qui n'accepte pas un reclassement au sol est licencié, qu'il bénéficie d'un préavis de trois mois et qu'il lui est alloué lorsque ce licenciement intervient avant ouverture de ses droits à pension de retraite une indemnité de licenciement pour motif économique calculée sur la base d'un mois de salaire mensuel garanti par année de service effectif à la compagnie avec un maximum de douze mois ; qu'abstraction faite du motif surabondant et erroné critiqué à la première branche du premier moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la compagnie Corsair International aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la compagnie Corsair International à payer à M. X... la somme de 1 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille trois.