AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre-Marie,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ORLEANS, en date du 26 décembre 2002, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'agression sexuelle aggravée, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant donné mainlevée partielle du contrôle judiciaire ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 135, 138, 194, 197, 591, 593 et 801 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a infirmé l'ordonnance du juge de l'instruction levant l'interdiction faite à Pierre-Marie X..., d'exercer une activité le plaçant en contacts fréquents ou constants avec des mineurs, et dit que le contrôle judiciaire reprendra ses effets dans sa teneur résultant de l'ordonnance initiale du 12 septembre 2002 ; après avoir mentionné que le procureur général avait notifié le vendredi 20 décembre 2002 la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience du 26 décembre 2002 à Pierre-Marie X..., personne mise en examen, et à son avocat par lettre recommandée le même jour et a déposé le lundi 23 décembre 2002 le dossier comportant ses réquisitions écrites au greffe de la chambre de l'instruction, pour être tenu à la disposition de l'avocat de la personne mise en examen ;
"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 197 du Code de procédure pénale, un délai de cinq jours minimum doit être respecté entre la date d'envoi de la lettre recommandée fixant la date de l'audience et la tenue de cette dernière ; que, selon l'article 801 du Code de procédure pénale, lorsqu'un délai vient à expiration un jour férié, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ; qu'en l'espèce, la date d'audience qui devait se tenir le 26 décembre 2002 a été notifiée à Pierre-Marie X... et à son avocat le vendredi 20 décembre 2002 et que le délai de 5 jours prévu par l'article 197 du Code de procédure pénale venait à expiration le 25 décembre, jour férié, de sorte que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans méconnaître les articles visés au moyen, considérer que le délai de 5 jours avait été respecté tandis qu'il venait à expiration le jour de l'audience, jour qui ne saurait être pris en compte pour le calcul dudit délai ;
"alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 197 du Code de procédure pénale, pendant le délai de cinq jours entre la date de la lettre recommandée et la date de l'audience, le dossier de l'instruction est tenu à la disposition de l'avocat de la personne mise en cause ; qu'en l'espèce, le dossier d'instruction n'a pas été mis à la disposition de l'avocat de Pierre-Marie X... pendant le délai de cinq jours puisque le dossier na été déposé au greffe de la chambre de l'instruction que le 23 décembre 2002 tandis que l'audience était fixée pour le 26 décembre, soit pendant un délai de deux jours ouvrables, de sorte que la chambre de l'instruction a violé les articles visés au moyen" ;
Attendu que l'arrêt attaqué mentionne que le procureur général a notifié à la personne mise en examen et à son avocat, par lettres recommandées envoyées le vendredi 20 décembre 2002, que l'affaire serait appelée à l'audience de la chambre de l'instruction du jeudi 26 décembre ; que les débats ont effectivement eu lieu à cette date ;
Attendu qu'en cet état, l'article 197, alinéa 2, du Code de procédure pénale a été exactement appliqué, dès lors que ce texte, qui n'est pas contraire aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, exige seulement qu'un délai minimum de cinq jours soit observé entre la date d'envoi de la lettre recommandée et celle de l'audience, même s'il se trouve des jours fériés entre ces deux dates ;
Attendu que, par ailleurs, s'il est vrai que l'arrêt mentionne que le dossier de l'information a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction, le 23 décembre, Pierre-Marie X..., qui a comparu assisté de son avocat, n'a formulé aucune observation à cet égard ;
Attendu qu'ainsi, dès lors qu'aucune atteinte n'a été portée aux intérêts du demandeur ni aux droits de la défense, l'inobservation du délai de cinq jours fixé par l'article 197, alinéa 3, du Code de procédure pénale, ne peut donner lieu à ouverture à cassation ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 137, 138, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a infirmé l'ordonnance du juge de l'instruction levant l'interdiction faite à Pierre-Marie X... d'exercer une activité le plaçant en contacts fréquents ou constants avec des mineurs, et dit que le contrôle judiciaire reprendra ses effets dans sa teneur résultant de l'ordonnance initiale du 12 septembre 2002 ;
aux motifs que "les faits ne sont pas rapportés de la même manière par Pierre-Marie X... et Octave Y... ; que, dans le récit de ce dernier, ils ont une connotation sexuelle, ce qui apparaît crédible, non seulement parce que l'expert psychologique le dit, mais surtout parce que les explications du mis en examen, y compris devant la Cour, demeurent embarrassées ; qu'ainsi, même si les contacts corporels sont jugés professionnellement indispensables à l'enseignement du chant choral, comme le soutient Pierre-Marie X..., documents à l'appui, la Cour ne s'explique toujours pas que, dans les circonstances de temps -la représentation de la maîtrise d'enfant n'était prévue que le lendemain- et de lieu -sur un lit d'hôtel pendant que l'enfant regardait la télévision après avoir bu du Vouvray-, où ils ont été commis, les gestes reprochés puissent avoir correspondu à une nécessité de ce type ; qu'en outre, si l'on peut admettre des "massages" dans le dos et par-dessus le vêtement d'un jeune garçon, il est plus difficile de comprendre de tels "massages" sur le torse de l'enfant, surtout qu'ils sont faits par dessous ses vêtements, ce que Pierre-Marie X... na pas reconnu spontanément, puisque, lors de son premier interrogatoire par les services de police (D. 15, page 2), il a nié tout "massage" ailleurs que dans le dos, et na reconnu le "massage" ou les "caresses" sur le torse par dessous le tee-shirt de l'enfant, qu'au cours d'une confrontation (D. 22, page 2) ; qu'il s'est certainement lui-même rendu compte du caractère pour le moins étrange de son comportement, puisqu'il a encore éprouvé le besoin de demander à l'enfant de ne
rien dire et de consulter pour analyser ce comportement corporel, mis par lui sur le compte de sa passion de l'enseignement du chant ; que, dès lors, le récit de l'enfant apparaît particulièrement crédible et révèle des faits plus graves que ceux que le mis en examen accepte, avec réticence, de reconnaître partiellement" ;
"alors, d'une part, que viole le principe de la présomption d'innocence et excède ses pouvoirs, la chambre de l'instruction qui, étant appelée à se prononcer sur le maintien d'une disposition du contrôle judiciaire de Pierre-Marie X... lui interdisant d'exercer toute activité le plaçant en contacts constants ou fréquents avec des enfants, se livre à un véritable examen de fond du dossier et prend parti sur la culpabilité de ce dernier en affirmant notamment que le récit de l'enfant révélait des faits plus graves que ceux que le mis en examen acceptait de reconnaître ;
"alors, d'autre part, que, selon les articles 137 et 138, alinéa 2, 120, du Code de procédure pénale, une interdiction d'exercer une activité professionnelle ne peut être prononcée qu'à titre de mesure de sûreté ou doit être justifiée par les nécessités de l'instruction ; que prive sa décision de toute base légale au regard de ces textes, la chambre de l'instruction qui se borne à retenir que l'attouchement reproché à Pierre-Marie X... sur la personne du jeune Octave Y... serait établi, sans justifier à aucun moment à quel titre il serait nécessaire d'interdire ou de restreindre à Pierre-Marie X... la possibilité de continuer à exercer son activité de professeur de chant, que ce soit pour les nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté ; qu'il en va d'autant plus ainsi qu'il ressortait des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'expertise psychiatrique menée sur la personne de Pierre-Marie X... concluait à l'absence de tendance pédophilique de ce dernier, ainsi qu'à l'absence de trouble justifiant une mesure d'injonction de soins dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ; et que, par ailleurs, l'enquête menée par le SRPJ de Tours, sur les antécédents de Pierre-Marie X..., montrait qu'il ne s'était jamais livré à des actes ou gestes déplacés sur la personne des enfants dont il avait la garde" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, qui a souverainement apprécié le bien-fondé des obligations du contrôle judiciaire au regard des impératifs de la sûreté publique et des nécessités de l'instruction, a justifié sa décision ;
Que, dés lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Farge conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;