AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Habib,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CAEN, en date du 19 décembre 2002, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viol aggravé, a rejeté sa demande de mise en liberté ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 144, 145, 148, 305-1, 555, 562, 592 et 593, 639 du Code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté d'Habib X... ;
"aux motifs qu'Habib X... a le droit de fonder sa demande de mise en liberté sur la prescription des faits poursuivis d'où résulterait l'irrégularité de son titre de détention ; mais la chambre de l'instruction ne pourrait déclarer l'action publique prescrite qu'après avoir prononcé la nullité de la signification de l'arrêt de renvoi et de la procédure de contumace, alors qu'elle n'a compétence que pour connaître des nullités de l'information, qu'elle est dessaisie par son arrêt de renvoi du 28 mai 1988 et que les réclamations relatives à des irrégularités de procédure entachant les actes postérieurs, accomplis dans le cadre de la procédure préparatoire aux sessions d'assises, doivent, en application de l'article 305-1 du Code de procédure pénale, être présentées devant la cour d'assises ;
"alors, d'une part, que la chambre de l'instruction, saisie d'une demande de mise en liberté, est compétente pour se prononcer sur les conclusions invoquant la prescription des faits poursuivis d'où résulterait l'irrégularité du titre de détention ; que tel est bien le cas lorsque l'intéressé fait valoir que l'irrégularité de la signification faite à parquet de l'arrêt de renvoi à une date où son domicile était connu, a emporté la nullité de toute la procédure de contumace qui a suivi, en sorte qu'à la date de son arrestation, plus de dix ans après l'arrêt de renvoi, la prescription des faits était acquise d'où il résultait que sa détention était illégale ; que, dès lors, en refusant de se prononcer sur ces conclusions, la chambre de l'instruction a méconnu ses propres pouvoirs et violé les textes visés au moyen ;
"alors, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que, le 15 janvier 1988, le ministère de la justice a transmis au procureur de la République l'adresse en Algérie d'Habib X... ; que, dès lors, la signification de l'arrêt de renvoi faite à parquet le 6 juin 1988 avec la mention "sans domicile connu" est nulle ; que, dès lors, elle n'a pu ni interrompre la prescription ni permettre la mise en oeuvre régulière de la procédure de contumace, en sorte que, à la date de l'arrestation d'Habib X... le 11 octobre 2001, telle qu'elle est constatée par l'arrêt attaqué, la prescription des faits était acquise ; que la chambre de l'instruction devait, dès lors, constater l'illégalité de la détention d'Habib X..., en sorte que la cassation interviendra sans renvoi" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Habib X..., alors en fuite, sans domicile connu en France et objet d'un mandat d'arrêt décerné le 10 février 1987, a été renvoyé devant la cour d'assises du Calvados pour viol aggravé par arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Caen du 25 mai 1988 signifié le 6 juin suivant au parquet du procureur général ; que, par arrêt de la cour d'assises précitée du 17 octobre 1988, il a été condamné par contumace à la peine de 20 ans de réclusion criminelle ; qu'arrêté en Espagne et extradé vers la France, il a été écroué le 16 octobre 2002 en exécution de l'ordonnance de prise de corps décernée par l'arrêt de renvoi du 25 mai 1988 ; que le 16 octobre 2002, le président de la cour d'assises a prescrit un supplément d'information ; que le 2 décembre suivant, Habib X... a présenté une demande de mise en liberté ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique qui résulterait de la nullité de la signification de l'arrêt de renvoi ainsi que de la procédure de contumace subséquente, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, saisie d'une demande de mise en liberté présentée sur le fondement de l'article 148-1 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction ne pouvait statuer ni sur la prétendue irrégularité de la signification de l'arrêt de renvoi ni sur la validité de la procédure de contumace mise à néant par l'arrestation du demandeur ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Farge, Pelletier, Arnould, Mme Koering-Joulin conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, M. Lemoine conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;