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28/01/2003 | FRANCE | N°01-02514

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 janvier 2003, 01-02514


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte du désistement du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le conseil régional d'Ile-de-France et le département de l'Essonne ;

Attendu, que parallèlement à des cessions de terrains consenties par la SCI Paul Lefort à la commune de Brunoy, qui ont donné lieu à des déclarations d'utilité publique, des constructions ont été réalisées par cette collectivité publique sur d'autres parcelles comprises dans le même périmètre sur la base d'un échange de

lettres entre elle et la SCI Paul Le Fort, en date des 30 octobre et 4 novembre 1969, ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte du désistement du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le conseil régional d'Ile-de-France et le département de l'Essonne ;

Attendu, que parallèlement à des cessions de terrains consenties par la SCI Paul Lefort à la commune de Brunoy, qui ont donné lieu à des déclarations d'utilité publique, des constructions ont été réalisées par cette collectivité publique sur d'autres parcelles comprises dans le même périmètre sur la base d'un échange de lettres entre elle et la SCI Paul Le Fort, en date des 30 octobre et 4 novembre 1969, 3 et 4 juin 1970, sans que les cessions de terrains aient été constatées par des actes authentiques ; que la SCI Talma, devenue propriétaire de ces parcelles, ayant été déclarée en liquidation judiciaire en 1982, son syndic a engagé une action à l'encontre de la commune de Brunoy ; que, dans le cadre de ce litige, sont notamment intervenus : un arrêt de la cour d'appel de Douai du 21 novembre 1994, décidant de surseoir à statuer sur la demande d'indemnité formée par le syndic en contre-partie de cette dépossession, jusqu'à ce que le juge administratif ait statué sur le point de savoir si l'emprise était ou non irrégulière ; un arrêt du Conseil d'Etat du 8 juillet 1998, s'estimant incompétent pour déterminer si les lettres adressées au maire de Brunoy les 4 novembre 1969 et 4 juin 1970 par le président de la SCI Paul Le Fort, valaient autorisation d'occuper les terrains litigieux, alors que ces actes de droit privé, comportant des engagements de cession gratuite, présentaient une difficulté sérieuse d'interprétation relevant de la seule compétence de la juridiction judiciaire ; que le Conseil d'Etat a jugé, en conséquence, que l'occupation de ces terrains constituait une emprise régulière si les lettres précitées devaient être interprétées en ce sens qu'elles l'autorisaient, et qu'à défaut, elle était irrégulière ; que l'arrêt attaqué a déclaré nuls les échanges de lettres des 4 novembre 1969 et 4 juin 1970, écarté la prescription quadriennale invoquée par la commune, admis en son principe la demande d'indemnité formée par le syndic, ès-qualités, à l'encontre de la commune, en raison d'une emprise irrégulière sur les parcelles concernées et désigné un expert pour les évaluer et sursis à statuer pour le surplus ;

Sur le premier moyen pris en ses trois branches :

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt d'avoir admis, en son principe, la demande d'indemnité formée par le syndic, alors, selon le moyen :

1 ) qu'il appartient au juge administratif, et à lui seul, de se prononcer sur la régularité de l'emprise, le juge judiciaire ayant seulement la possibilité de se prononcer sur les réparations ; qu'au cas présent, et aux termes de son arrêt du 8 juillet 1998, le Conseil d'Etat a décidé que l'emprise ne pouvait être regardée comme irrégulière qu'à une condition ;

que les écrits invoqués à l'encontre de la SCI Talma ne puissent être regardés comme valant autorisation d'occuper au profit de la commune ;

que dans ces conditions, les juges du fond ne pouvaient se prononcer que sur la seule question laissée en suspens par le Conseil d'Etat, s'agissant de la régularité de l'emprise, à savoir l'interprétation des écrits, et qu'il leur était dès lors interdit, pour déterminer s'ils étaient en présence d'une emprise irrégulière, de se prononcer sur la validité des écrits litigieux ;

qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des lois des 16-24 août 1790, du 3 fructidor an III, du décret du 28 pluviose an VIII, ensemble des règles régissant l'emprise irrégulière ;

2 ) que, en tout cas, pour avoir statué comme ils l'ont fait, bien que l'arrêt du Conseil d'Etat du 8 juillet 1998 ne les autorisait qu'à se prononcer sur l'interprétation des écrits, les juges du fond ont, en tout état de cause, violé l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du Conseil d'Etat du 8 juillet 1998 ;

3 ) que, dès lors que dans son arrêt du 21 novembre 1994, la cour d'appel de Douai avait confié au juge administratif le soin de se prononcer sur l'existence éventuelle d'une emprise irrégulière, les juges du fond, saisis à la suite de l'arrêt du 8 juillet 1998, devaient se conformer aux prescriptions de l'arrêt du Conseil d'Etat, sans s'en écarter ; qu'en décidant le contraire, pour s'arroger le droit de se prononcer sur la validité des écrits, ils ont, en toute hypothèse, violé l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 21 novembre 1994 ;

Mais attendu que la cour d'appel, sans excéder sa compétence ni violer l'autorité de chose jugée des décisions citées au moyen, a jugé que les actes de droit privé litigieux étaient nuls, comme dépourvus de cause ou reposant sur une cause illicite et en a tiré la conséquence qu'en regard de l'arrêt du Conseil d'Etat du 8 juillet 1998, l'emprise était irrégulière dès lors que ces actes ne pouvaient légalement autoriser la commune à occuper les terrains ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches, tel qu'il est énoncé au mémoire ampliatif et reproduit en annexe :

Attendu que l'arrêt attaqué a relevé que la commune de Brunoy, qui était seule à l'origine de la dépossession dont il lui était demandé réparation, n'ayant pas jugé bon d'appeler en la cause la commune d'Epinay-sous-Sénart, alors qu'elle y avait principalement intérêt puisque le syndic ne réclamait aucune somme à cette collectivité, n'était pas fondée à se prévaloir de ses propres manquements ; que par ces seuls motifs, sans violer le principe de séparation des pouvoirs ni l'autorité de chose jugée des décisions précitées, il a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 2 de la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Attendu que le point de départ de la prescription quadriennale est non la décision de justice constatant la créance, mais la date du fait générateur de cette créance, c'est à dire, en l'espèce, celle de la prise de possession par la commune des terrains litigieux ;

Attendu que pour écarter la prescription quadriennale et retenir en son principe, à la charge de la commune de Brunoy une créance indemnitaire, l'arrêt attaqué relève que cette prescription ne peut être opposée, dès lors que le propriétaire dépossédé n'a pas vu ses droits réels conservés et compensés par une indemnité fixée par une décision de justice ou un accord amiable seuls en mesure de transformer le droit réel en droit de créance et de nature à faire courir la prescription ;

qu'en statuant ainsi, alors que la date du fait générateur de la créance était celle de la prise de possession par la commune des terrains litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Vu l'article 627, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile :

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevables comme prescrites les demandes de la SCI Talma ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-02514
Date de la décision : 28/01/2003
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quadriennale - Créance sur l'Etat - Point de départ - Détermination .

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quadriennale - Créance sur les collectivités publiques - Point de départ - Date du fait générateur

ETAT - Créance sur l'Etat - Prescription quadriennale - Point de départ - Date du fait générateur

COMMUNE - Créance contre une commune - Prescription quadriennale - Délai - Point de départ - Emprise irrégulière - Date de la prise de possession

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quadriennale - Créance sur une commune - Déchéance - Point de départ

COMMUNE - Responsabilité - Dommage - Réparation - Demande - Prescription quadriennale - Délai - Point de départ

Le point de départ de la prescription quadriennale des créances sur l'Etat et les collectivités publiques est constitué par la date du fait générateur de la créance. S'agissant d'un dommage résultant d'une emprise irrégulière par une commune sur un terrain privé, la date du fait générateur de la créance est celle de la prise de possession de ce terrain.


Références :

Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 15 janvier 2001

A RAPPROCHER : Assemblée Plénière., 2001-07-06, Bulletin 2001, Assemblée plénière, n° 9 (2), p. 19 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités ; Chambre civile 3, 2001-11-07, Bulletin 2001, III, n° 126, p. 97 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 jan. 2003, pourvoi n°01-02514, Bull. civ. 2003 I N° 25 p. 19
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 I N° 25 p. 19

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : Mme Petit.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Renard-Payen.
Avocat(s) : Avocats : MM. Foussard, Bertrand.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.02514
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