AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois J 00-13.785 et N 00-13.788 qui sont connexes ;
Attendu que, pour permettre à son épouse d'acquérir un fonds de commerce de bar, José X... s'est porté coemprunteur avec elle d'une somme de 420 000 francs auprès de la Caisse de Crédit mutuel de Y... ; qu'après son décès et la mise en liquidation judiciaire de sa veuve, l'organisme prêteur a assigné ses deux fils, MM. Walter et Youenn X..., le second encore mineur sous l'administration légale de sa mère, en paiement du solde restant dû, puis a pratiqué une saisie conservatoire sur les fonds détenus par M. Walter X... à la Caisse d'épargne ; qu'un jugement du 4 décembre 1998 a condamné conjointement MM. Walter et Youenn X... au paiement de la somme de 411 012,85 francs et qu'un autre jugement du 15 février 1999 a rejeté la demande de mainlevée formée par le premier ; qu'après avoir interjeté appel, M. Walter X... a déclaré renoncer à la succession de son père et M. Youenn X..., devenu majeur, a déclaré l'accepter sous bénéfice d'inventaire ; que, tout en décidant que M. Youenn X..., représenté en première instance par sa mère qui ne pouvait accepter purement et simplement la succession en son nom, ne serait tenu que dans la limite de l'actif successoral, la cour d'appel de Rennes a, par arrêt n° 98 du 27 janvier 2000, confirmé la condamnation prononcée à l'encontre de M. Walter X... et, par arrêt n° 112 du même jour, confirmé le rejet de sa demande de mainlevée de la saisie pratiquée à son encontre ;
Sur le premier moyen du pourvoi J 00-13.785 formé contre l'arrêt n° 98 et le moyen unique du pourvoi N 00-13.788 formé contre l'arrêt n° 112, pris en leurs deux branches, qui sont identiques :
Attendu que M. Walter X... fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon les moyens :
1 ) que la demande formée par l'héritier en première instance, tendant à voir constater la faute commise par la banque pour s'opposer à la demande en paiement de celle-ci, mais sans solliciter l'octroi de dommages-intérêts, constituait une défense au fond de nature purement conservatoire et n'était en conséquence pas de nature à s'analyser en un acte d'adition d'hérédité ; qu'en énonçant qu'en choisissant d'engager la responsabilité de la banque, même sans demander expressément sa condamnation dans le dispositif de leurs conclusions, les consorts X... avaient manifesté leur intention d'accepter la succession, alors qu'une défense au fond est un acte conservatoire, la cour d'appel a violé les articles 778 et 779 du Code civil, ensemble les articles 64 et 71 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) que ne peuvent être qualifiés d'actes supposant nécessairement l'intention de l'héritier d'accepter la succession au sens de l'article 778 du Code civil que des actes impliquant son intention non équivoque d'accepter ; que dès lors que la prétention formulée dans les conclusions de première instance ne faisait l'objet d'aucun chef de demande dans le dispositif, elle avait nécessairement un caractère équivoque interdisant aux juges du fond d'en déduire que M. Walter X... avait fait un acte impliquant nécessairement son intention d'accepter la succession ; qu'en en jugeant autrement, la cour d'appel a violé l'article 778 du Code civil ;
Mais attendu que si la défense à une action en justice exercée par un créancier de la succession n'a, par lui-même, qu'un caractère accessoire et n'implique pas l'intention d'accepter la succession, il en est autrement si la défense au fond est accompagnée d'une demande reconventionnelle qui a la même nature qu'une demande principale et caractérise une acceptation tacite de la succession ;
qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en énonçant que M. Walter X... avait fait acte d'hérédité en choisissant d'engager la responsabilité de la banque et en demandant la compensation entre les créances :
Mais sur le second moyen du pourvoi J 00-13.785 :
Vu les articles 873 et 1220 du Code civil ;
Attendu que les dettes d'une succession se divisent entre les héritiers qui n'en sont tenus personnellement qu'au prorata de leurs droits respectifs, peu important qu'ils soient acceptants purs et simples ou bénéficiaires, de sorte qu'un créancier ne peut réclamer aux premiers ce que les seconds ne sont pas tenus de payer ;
Attendu qu'en condamnant M. Walter X... au paiement de l'intégralité des sommes réclamées par la Caisse de Crédit mutuel de Y... et en ajoutant que son frère serait tenu dans la limite de l'actif successoral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi N 00-13.788 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2000 par la cour d'appel de Rennes sous le n° 112 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Walter X... au paiement de l'intégralité de la somme réclamée par la Caisse de Crédit mutuel de Y..., l'arrêt rendu le 27 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes sous le n° 98 ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Condamne M. Walter X... au paiement de l'intégralité de la somme réclamée par la Caisse de Crédit mutuel de Y... jusqu'à concurrence de sa part successorale ;
Fait masse des dépens et les laisse par moitié à M. Walter X... et à la CRCAM de Y... ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la Caisse de Crédit mutuel de Y....
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille deux.