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13/11/2002 | FRANCE | N°00-11415

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 novembre 2002, 00-11415


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que, pour financer une acquisition immobilière, les époux X... ont, suivant offre préalable du 1er septembre 1988, contracté auprès de la Banque nationale de Paris, devenue BNP-Paribas, un emprunt remboursable en 180 mensualités au taux effectif global de 10,195 % ; que, par acte du 12 septembre 1996, les emprunteurs ont demandé que le prêteur soit déchu des intérêts, aucun tableau d'amortissement n'ayant

été remis avec l'offre de prêt ;

Attendu que les époux X... font grief à l'a...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que, pour financer une acquisition immobilière, les époux X... ont, suivant offre préalable du 1er septembre 1988, contracté auprès de la Banque nationale de Paris, devenue BNP-Paribas, un emprunt remboursable en 180 mensualités au taux effectif global de 10,195 % ; que, par acte du 12 septembre 1996, les emprunteurs ont demandé que le prêteur soit déchu des intérêts, aucun tableau d'amortissement n'ayant été remis avec l'offre de prêt ;

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 25 novembre 1999) de les avoir déboutés de cette prétention, alors, selon le moyen :

1 / qu'en se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1996, déclarant l'article 87-1 de la loi du 12 avril 1996 conforme à la Constitution, pour décider que ce texte était applicable aux procès pendants au moment de l'entrée en vigueur de la loi, la cour d'appel n'aurait pas justifié sa décision au regard de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2 / qu'en retenant, après avoir relevé que la loi du 12 avril 1996 avait eu pour but d'éviter le développement du contentieux bancaire et les inconvénients économiques subséquents, que l'application de cette loi rétroactive entrée en vigueur en cours d'instance ne heurtait pas le droit des justiciables à ce que leur cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial, la cour d'appel aurait violé l'article 6-1 précité ;

3 / qu'en retenant que la demande des époux X... était fondée sur la jurisprudence de la Cour de Cassation et qu'ils n'avaient aucune espérance légitime de recouvrement des intérêts, alors que cette déchéance s'analyse en une créance de l'emprunteur envers la banque et en une valeur patrimoniale, en sorte qu'elle a le caractère d'un bien au sens de l'article 1er du protocole additionnel n° 1, la cour d'appel aurait violé ledit article ;

4 / qu'en considérant que le droit au remboursement d'intérêts invoqué par les époux X... ne constituait pas une créance protégée, au sens du droit européen, au motif que le montant n'était pas fixé, la cour d'appel aurait violé le texte précité ;

Mais attendu, d'une part, que l'intervention du législateur, dans l'exercice de sa fonction normative, n'a eu pour objet que de limiter, pour l'avenir, la portée d'une interprétation jurisprudentielle et non de trancher un litige dans lequel l'Etat aurait été partie, d'autre part, que la déchéance du droit aux intérêts est une sanction civile dont la loi laisse à la discrétion du juge tant l'application que la détermination du montant, de sorte que l'emprunteur qui sollicite la déchéance du droit aux intérêts ne fait valoir qu'une prétention à l'issue incertaine qui n'est, dès lors, pas constitutive d'un droit ; que la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à fonder son appréciation de la conformité de la loi du 12 avril 1996 aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme sur la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1996, a exactement retenu que l'article 6-1 de ladite Convention n'avait pas pour but d'interdire au législateur national de modifier les règles du droit substantiel mais de garantir aux parties les principes d'égalité, de contradiction et de loyauté des débats, et qu'en ce qu'il était destiné à régulariser des situations anciennes en vue d'éviter, dans un souci d'intérêt général, le développement du contentieux bancaire et les inconvénients économiques subséquents, l'article 87-1 de la loi du 12 avril 1996 ne contrevenait pas aux prescriptions de ce texte ; qu'elle a encore à bon droit retenu que les époux X... n'avaient aucune espérance légitime de recouvrement des intérêts ; que le moyen, qui manque en

fait en sa première branche, est mal fondé en ses autres griefs ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les époux X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux X... à payer à la BNP-Paribas la somme de 2 250 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 00-11415
Date de la décision : 13/11/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Offre de prêt - Mentions obligatoires - Défaut - Sanctions - Déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts - Demande de l'emprunteur - Demande non constitutive d'un droit - Convention européenne des droits de l'homme - Portée .

POUVOIRS DES JUGES - Pouvoir discrétionnaire - Sanction civile - Application

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Offre préalable - Mentions obligatoires - Défaut - Sanctions - Déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts - Pouvoir discrétionnaire

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6.1. - Equité - Lois et règlements - Crédit immobilier - Loi du 12 avril 1996 - Limitation de la portée d'une jurisprudence - Intervention dans un litige (non)

L'intervention du législateur, dans l'exercice de sa fonction normative lors de l'adoption de l'article 87-1 de la loi du 12 avril 1996, n'a eu pour objet que de limiter, pour l'avenir, la portée d'une interprétation jurisprudentielle et non de trancher un litige dans lequel l'Etat aurait été partie. La déchéance du droit aux intérêts étant une sanction civile dont la loi laisse à la discrétion du juge tant l'application que la détermination du montant, il en résulte que l'emprunteur qui sollicite la déchéance du droit aux intérêts ne fait valoir qu'une prétention à l'issue incertaine qui n'est, dès lors, pas constitutive d'un droit. Dès lors une cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à fonder son appréciation de la conformité de la loi du 12 avril 1996 aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme sur la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1996, a exactement retenu que l'article 6.1 de ladite Convention n'avait pas pour but d'interdire au législateur national de modifier les règles du droit substantiel mais de garantir aux parties les principes d'égalité, de contradiction et de loyauté des débats, et qu'en ce qu'il était destiné à régulariser des situations anciennes en vue d'éviter, dans un souci d'intérêt général, le développement du contentieux bancaire et les inconvénients économiques subséquents, l'article 87-1 de la loi du 12 avril 1996 ne contrevenait pas aux prescriptions de ce texte puis a encore à bon droit retenu que l'emprunteur n'avait aucune espérance légitime de recouvrement des intérêts.


Références :

Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6.1
Loi 96-314 du 12 avril 1996 art. 87-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 25 novembre 1999

A RAPPROCHER : Chambre civile 1, 2000-06-20, Bulletin 2000, I, n° 191, p. 123 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 nov. 2002, pourvoi n°00-11415, Bull. civ. 2002 I N° 268 p. 209
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 I N° 268 p. 209

Composition du Tribunal
Président : M. Aubert, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Avocat général : Mme Petit.
Rapporteur ?: M. Bouscharain.
Avocat(s) : M. de Nervo, la SCP Defrenois et Levis.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.11415
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