AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 1993 à 1995, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales dues par la société Suez Lyonnaise des eaux la "pension de veuve" et la rente d'orphelin versées, en application d'un accord d'entreprise conclu en 1953, à la veuve et à la fille d'un salarié en activité décédé en 1988 ;
que l'arrêt attaqué a rejeté le recours de la société en ce qu'il portait sur les cotisations dues sur la rente d'orphelin, mais a annulé le redressement portant sur la pension de veuve, au motif que celle-ci ne devait supporter que le taux réduit applicable aux pensions de retraite ;
Sur les deux moyens du pourvoi principal, le second pris en ses deux branches :
Attendu que la société Suez Lyonnaise des eaux fait grief à la cour d'appel d'avoir statué ainsi, alors, selon les moyens :
1 / que viole les articles L. 242-1 et R. 242-1 du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui considère que des prestations de prévoyance non complémentaires d'indemnités journalières de sécurité sociale et versées alors que le contrat de travail n'est plus en vigueur doivent être incluses dans l'assiette des cotisations sociales ;
2 / que le règlement des retraites de la société Lyonnaise des eaux résultant d'un accord collectif du 25 septembre 1953 dispose en son article 10 que "chaque orphelin a droit jusqu'à l'âge de 21 ans à une pension temporaire égale à 10 % de la pension proportionnelle d'ancienneté, ou d'invalidité, que l'agent lui-même a ou aurait obtenue le jour de son décès, sans toutefois que le cumul de la pension de la mère et de la pension des orphelins puisse excéder le montant de la pension qui a été ou qui aurait été attribuée au père à la date du décès" ; que viole l'accord collectif du 25 septembre 1953 de la société Lyonnaise des eaux et les articles 1134 du Code civil et D. 242-8 du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui considère que la pension d'orphelin précitée, calculée en pourcentage du montant de la pension de retraite du père décédé, ne constitue pas un avantage de retraite et doit être intégralement incluse dans l'assiette des cotisations sociales ;
3 / que la violation des textes légaux précités est d'autant plus caractérisée que, se contredisant dans ses explications, l'arrêt attaqué reconnaît que la pension attribuée à la mère, également calculée en pourcentage du montant de la pension de retraite du père décédé, constitue bien un avantage de retraite qui aurait dû être soumis au taux réduit de cotisations prévu par l'article D. 242-8 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit, que les sommes versées par l'employeur aux ayants droit des salariés décédés en activité constituent, quelles que soient leurs modalités de calcul et de versement, des avantages en argent procurés en contrepartie ou à l'occasion du travail, peu important qu'elles soient versées aux ayants droit après la rupture du contrat de travail ; qu'il décide exactement que la rente d'orphelin versée par la société à la suite du décès de son salarié constitue une prestation de prévoyance, et non une prestation de retraite, peu important qu'elle soit proportionnelle aux droits à pension acquis par le salarié ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident formé par l'URSSAF :
Vu les articles L. 242-1, L. 351-1, L. 353-1 et L. 356-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que, pour dire que les sommes versées à la veuve du salarié décédé devaient être soumises à un taux réduit de cotisations, l'arrêt attaqué retient qu'elles constituent un avantage de retraite ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la rente allouée par l'employeur à la veuve d'un salarié décédé en activité, sans condition d'âge, constitue une prestation de prévoyance, et non une prestation de retraite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le redressement portant sur la pension de veuve, l'arrêt rendu le 28 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Suez Lyonnaise des eaux aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Loiret ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille deux.