REJET du pourvoi formé par la société Renault, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 19 septembre 2001, qui, statuant sur renvoi après cassation, l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Franco X... des chefs de contrefaçon de modèles et atteinte aux droits d'auteur.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 122-4, L. 335-2 et L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle, 30 et 36 du Traité de Rome, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble le principe de l'égalité des armes 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Franco X... et la société Prasco du chef de contrefaçon ;
" aux motifs que le 22 mars 1997, les agents de la Direction des Douanes ont retenu et consigné à Menton, poste frontière de Vintimille, un camion transportant des pièces de carrosserie automobile, dont sept pare-chocs de Renault Super 5, expédiées sur le territoire français par la société italienne Prasco et destinées à une société au Portugal ; que la société Renault a fait procéder à la saisie contrefaçon des marchandises retenues par l'administration des Douanes et fait citer directement devant le tribunal correctionnel de Nice, Franco X... en qualité de dirigeant de la société italienne Prasco, pour répondre de faits de contrefaçon de droits d'auteur et de dessin et modèle ; que toutefois à la suite de précédentes mesures de retenues de pièces détachées de véhicules automobiles fabriquées par des sociétés espagnoles et achetées par des sociétés italiennes, l'European Automobile Panel Association, dont fait partie la société Prasco, considérant que ces mesures de retenues et poursuites étaient contraires au principe de libre circulation des marchandises, a porté plainte auprès de la Commission européenne qui a considéré que ces mesures de retenues "étaient une restriction injustifiée à la libre circulation des marchandises sur le marché unique, contraire à l'article 30 du traité, dans la mesure où la présence provisoire de ces pièces détachées sur le territoire français ne porte en aucune façon atteinte à la protection du droit de propriété industrielle ni n'enfreint les dispositions relatives à la protection des consommateurs en vigueur en France", et a fait injonction à la République française, par avis motivé du 24 juillet 1998, de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à la réglementation communautaire ; que la France n'ayant pas déféré à cette procédure d'injonction, un recours a été introduit par la Commission devant la Cour de justice des Communautés européennes qui, par une décision du 26 septembre 2000, a considéré que "le transit intracommunautaire ne relève donc pas de l'objet spécifique du droit de propriété industrielle et commerciale sur les dessins et modèles... le produit étant commercialisé, en l'espèce, non pas sur le territoire français, où il ne fait que transiter, mais dans un autre Etat membre, où le produit n'est pas protégé et peut donc être licitement vendu" ; également qu'en "mettant en oeuvre, sur le fondement du Code de la propriété intellectuelle, des procédures de retenue par les autorités douanières contre les marchandises légalement fabriquées dans un Etat membre de la Communauté européenne et destinées, après avoir transité sur le territoire français à être mises sur le marché d'un autre Etat membre où elles peuvent être légalement commercialisées, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent, en vertu de l'article 30 du Traité" ;
qu'en conséquence, et au regard des considérants de l'arrêt en date du 26 septembre 2000 de la Cour de justice des Communautés européennes déclarant incompatibles les retenues et poursuites effectuées par l'administration des Douanes et la société Renault sur le fondement du Code de la propriété intellectuelle avec une norme de droit supérieur, l'article 30 du Traité de Rome, d'applicabilité directe dans l'ordre interne, relative à la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la Communauté, il convient de renvoyer la société Prasco et Franco X..., ès qualités, des fins de la poursuite, et d'ordonner la restitution de l'intégralité des pièces saisies par la douane ainsi que la somme de 20 000 francs consignée en vue du déblocage du camion, la preuve n'étant pas rapportée, en l'espèce, par les autorités douanières ou par la partie civile, que les marchandises arguées de contrefaçon n'ont pas été légalement fabriquées dans un pays de l'Union européenne et n'étant pas non plus établi que les marchandises retenues ne pouvaient être légalement commercialisées dans leur lieu de destination (arrêt, pages 6 et 7) ;
" 1° alors que le prévenu qui invoque une exception prise de l'incompatibilité, au regard du droit communautaire, d'une réglementation interne constituant la base des poursuites pénales, doit en rapporter la preuve ; qu'en droit français, et conformément aux articles L. 122-4, L. 335-2 et L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle, le délit de contrefaçon est constitué lorsque l'atteinte portée au droit du propriétaire d'une marque ou d'un modèle est commise même par la seule circulation sur le territoire français de la marchandise contrefaisante, fût-ce sous le régime du transit, qui ne modifie ni ne restreint les principes régissant la protection de ces droits ; qu'en cet état, il appartient au prévenu qui, poursuivi du chef de contrefaçon, pour avoir fait transiter sur le territoire français des marchandises contrefaisantes, prétend qu'en application de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 26 septembre 2000, seraient contraires au droit communautaire les poursuites concernant des marchandises légalement fabriquées dans un Etat membre de la Communauté européenne et destinées, après avoir transité sur le territoire français, à être mises sur le marché d'un autre Etat membre où elles peuvent être légalement commercialisées, de démontrer que les marchandises litigieuses ont été légalement fabriquées dans un Etat membre de la Communauté européenne et qu'elles sont destinées à être mises sur le marché d'un autre Etat membre où elles peuvent être légalement commercialisées ; que, dès lors, en se déterminant par la seule circonstance que la preuve n'a pas été rapportée, en l'espèce, par les autorités douanières ou par la partie civile, que les marchandises arguées de contrefaçon n'ont pas été légalement fabriquées dans un pays de l'Union européenne ni que les marchandises retenues ne pouvaient être légalement commercialisées dans leur lieu de destination, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 427 du Code de procédure pénale ;
" 2° alors que le principe de l'égalité des armes, édicté à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en vertu duquel tout justiciable doit pouvoir assurer non pas une défense théorique ou illusoire, mais concrète et effective, implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause et notamment ses moyens de preuve dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que, dès lors, il ne saurait être mis à la charge d'une partie une preuve impossible à rapporter, soit qu'il s'agisse d'un fait négatif, soit que les éléments de preuve soient détenus par la partie adverse ; qu'en l'espèce, en application de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 26 septembre 2000, seules sont contraires au droit communautaire les poursuites concernant des marchandises légalement fabriquées dans un Etat membre de la Communauté européenne et destinées, après avoir transité sur le territoire français, à être mises sur le marché d'un autre Etat membre où elles peuvent être légalement commercialisées ; qu'ainsi, en l'état de poursuites du chef de contrefaçon, résultant du transit intracommunautaire de marchandises contrefaisantes, seuls le transporteur, l'importateur, ou le vendeur desdites marchandises détiennent les éléments de preuve permettant de connaître le lieu de fabrication et de commercialisation desdites marchandises et, partant, sont susceptibles de démontrer que les faits ne peuvent, pour cette raison, être pénalement réprimés ; qu'il s'ensuit qu'en estimant, pour relaxer les prévenus, que la preuve n'a pas été rapportée, en l'espèce, par les autorités douanières ou par la partie civile, que les marchandises arguées de contrefaçon n'ont pas été légalement fabriquées dans un pays de l'Union européenne ni que les marchandises retenues ne pouvaient être légalement commercialisées dans leur lieu de destination, la cour d'appel qui met à la charge de la partie poursuivante une preuve impossible, a violé l'article 427 du Code de procédure pénale, et méconnu les exigences du procès équitable " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les agents de l'administration des Douanes ont, le 22 mars 1997, retenu au poste frontière de Vintimille un camion transportant notamment des pare-chocs de véhicules Renault Super 5, fabriqués en Italie et expédiés au Portugal par la société Prasco ; qu'après avoir fait procéder à la saisie contrefacon de ces marchandises, la société Renault a fait citer directement Franco X..., dirigeant de la société Prasco, devant le tribunal correctionnel de Nice, afin de faire juger qu'en important et en détenant sur le territoire français des pièces de carrosserie reproduisant les caractéristiques de ses modèles, il a commis des actes de contrefaçon et porté atteinte aux droits d'auteur dont elle est titulaire ;
Attendu que, pour débouter la partie civile de ses demandes après avoir renvoyé le prévenu des fins de la poursuite, les juges, se référant à l'arrêt rendu le 26 septembre 2000 par la Cour de justice des Communautés européennes, retiennent que le transit ne relève pas de l'objet spécifique du droit sur les dessins et modèles dans l'Etat membre de la Communauté européenne où il s'effectue dès lors que les marchandises, légalement fabriquées dans un Etat membre, sont destinées, après avoir transité sur le territoire français, à être mises sur le marché d'un autre Etat membre, où elles peuvent être légalement commercialisées ; qu'ils ajoutent que la partie poursuivante ne rapporte pas la preuve de l'illégalité de la fabrication et de la commercialisation des pièces détachées en cause dans les Etats membres où ont lieu ces opérations ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.