IRRECEVABILITE et REJET des pourvois formés par :
- X... Michel,
- Y... François,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 25 avril 2002, qui, dans l'information suivie contre eux pour blanchiment et complicité d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, a rejeté leur requête en annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les ordonnances du président de la chambre criminelle en date des 4 et 12 juin 2002 prescrivant leur examen immédiat ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° 160 formé par Michel X... ;
Attendu que, Michel X... s'étant régulièrement pourvu le 25 avril 2002 contre l'arrêt attaqué, le pourvoi n° 160 formé à nouveau par lui le même jour contre cet arrêt est irrecevable ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Michel X..., pris de la violation de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 84, 170, 171, 173, 174, 219, 220, 221, 221-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté comme infondée la requête en nullité de Michel X... tendant notamment à l'annulation, d'une part, de la requête du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice en date du 14 décembre 2001 et, d'autre part, de l'ordonnance du 17 décembre 2001 rendue par le président du tribunal de grande instance de Nice dessaisissant M. Rousseau, juge d'instruction, et désignant M. Guery et M. Rolland, juges d'instruction près le tribunal de grande instance de Nice, et de tous les actes subséquents ;
" aux motifs que, par requête du 14 décembre 2001, le procureur de la République de Nice a demandé au président du tribunal de grande instance de Nice de dessaisir le juge d'instruction désigné pour instruire la plainte avec constitution de partie civile d'Alberto Z... et de désigner un ou plusieurs magistrats instructeurs pour poursuivre l'information et ce au motif que l'instruction n'avait pas été menée avec célérité et efficacité ; que la requête est donc motivée comme l'exige l'article 84 du Code de procédure pénale ; que par ailleurs, les réquisitions du ministère public échappent, en raison de son indépendance à l'égard des juridictions, au contrôle et à la censure de la chambre d'instruction dès lors qu'elles satisfont, sur le plan formel, aux conditions essentielles de leur existence légale ; qu'en l'espèce, la requête, pour avoir été motivée, datée et signée, n'est pas susceptible d'annulation ; que la désignation du juge d'instruction par le président du tribunal a été, selon les époques, la jurisprudence ou la loi, soit une formalité d'ordre administratif non susceptible d'annulation, soit une formalité substantielle d'ordre public touchant à l'ordre et à la composition des juridictions, c'est-à-dire un acte juridictionnel susceptible d'annulation ; que, dans sa rédaction actuelle issue de la loi du 6 juillet 1989, la désignation du juge d'instruction est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de voies de recours ; que l'article 84 du Code de procédure pénale prévoit que la requête du ministère public doit être motivée, il dispense le président du tribunal de motiver sa décision ; que le législateur a donc confié le choix du juge et l'appréciation de la notion de bonne administration de la justice à la conscience et à la discrétion du président de la juridiction concernée ; qu'il a considéré que le choix des juges, en principe tous également aptes à remplir leur office, n'intéresse pas les droits de l'accusation ou de la défense ; que l'article 84 du Code de procédure pénale, de portée générale, autorise donc le président d'une juridiction à dessaisir un juge d'instruction au seul motif d'une meilleure administration de la justice ; que sa décision ne pourrait être censurée que pour excès de pouvoir, c'est-à-dire s'il changeait de juge d'instruction pour modifier le cours normal de l'instruction à des fins partisanes, que le grief n'est pas ouvertement articulé et n'est pas en l'état démontré ; que l'ordonnance du 17 décembre 2001 paraît donc valide ;
" alors que le dessaisissement du juge d'instruction demandé par le procureur de la République en raison de l'inertie du magistrat instructeur ne peut être décidé que par le président de la chambre de l'instruction lequel est seul en charge du bon fonctionnement des cabinets d'instruction de son ressort ; qu'il se distingue du dessaisissement décidé dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice par le président du tribunal de grande instance en cas de conflit de compétence entre deux magistrats instructeurs ; qu'au cas présent, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a relevé que, par requête du 14 décembre 2001, le procureur de la République de Nice a demandé au président du tribunal de grande instance de Nice de dessaisir le juge d'instruction désigné pour instruire la plainte avec constitution de partie civile d'Alberto Z... et de désigner un ou plusieurs magistrats instructeurs pour poursuivre l'information en raison de ce que l'instruction n'avait pas été menée avec célérité et efficacité ; qu'en considérant que le président du tribunal de grande instance de Nice avait pu valablement ordonner le dessaisissement du juge d'instruction cependant que ce dernier avait excédé ses pouvoirs dès lors que la requête était fondée sur la carence du magistrat instructeur, la chambre de l'instruction a méconnu les textes visés au moyen " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour François Y... dans les mêmes termes ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dans une information suivie, notamment, pour escroquerie et abus de confiance, le procureur de la République, par requête en date du 14 décembre 2001 présentée sur le fondement de l'article 84, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, a demandé au président du tribunal d'ordonner, " dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le dessaisissement du juge d'instruction au profit d'un ou de plusieurs autres magistrats instructeurs de la juridiction " ; que, par ordonnance en date du 17 décembre 2001, le président a fait droit à cette requête et désigné deux juges d'instruction du tribunal aux fins de poursuivre l'information ; que ces magistrats ont mis en examen Michel X... pour blanchiment et complicité d'organisation frauduleuse d'insolvabilité et François Y... de ce second chef ;
Attendu que les deux personnes mises en examen ont demandé à la chambre de l'instruction l'annulation de la requête du procureur de la République et de l'ordonnance rendue par le président du tribunal ; qu'elles ont soutenu qu'en motivant la nécessité du dessaisissement par l'inertie du juge initialement saisi ces magistrats s'étaient attribué les pouvoirs confiés à la chambre de l'instruction ;
Attendu qu'en écartant cette argumentation par les motifs repris aux moyens, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, d'une part, la requête présentée par le procureur de la République, en application de l'article 84, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, ne peut être annulée par la chambre de l'instruction lorsqu'elle satisfait en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;
Que, d'autre part, l'ordonnance du président du tribunal statuant sur le dessaisissement du juge d'instruction au profit d'un autre juge d'instruction du même siège, dans les conditions prévues par les premier et deuxième alinéas de l'article précité du Code de procédure pénale, est une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi n° 160 formé par Michel X... :
Le DECLARE IRRECEVABLE.
II. Sur les autres pourvois :
Les REJETTE.