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23/01/2002 | FRANCE | N°00-14521

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 janvier 2002, 00-14521


Sur le moyen unique :

Attendu que la société Rexam Reboul a engagé le 30 août 1999 une procédure de licenciement collectif pour motif économique ; que le comité d'entreprise de la société a fait assigner la société aux fins de voir déclarer nulle la procédure engagée ;

Attendu que la société Rexam Reboul fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 20 février 2000) d'avoir dit bien fondée la demande du comité d'entreprise portant sur l'irrégularité de la procédure de consultation au titre du livre II du Code du travail et sur la consistance insuffisante du pl

an social et de reclassement établi par la société, d'avoir en conséquence constaté l...

Sur le moyen unique :

Attendu que la société Rexam Reboul a engagé le 30 août 1999 une procédure de licenciement collectif pour motif économique ; que le comité d'entreprise de la société a fait assigner la société aux fins de voir déclarer nulle la procédure engagée ;

Attendu que la société Rexam Reboul fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 20 février 2000) d'avoir dit bien fondée la demande du comité d'entreprise portant sur l'irrégularité de la procédure de consultation au titre du livre II du Code du travail et sur la consistance insuffisante du plan social et de reclassement établi par la société, d'avoir en conséquence constaté la nullité dudit plan et suspendu la procédure de licenciement collectif pour motif économique alors, selon le moyen :

1° que seule l'absence de plan social constitue un trouble manifestement illicite donnant compétence au juge des référés pour constater la nullité du plan ; que si l'insuffisance manifeste et évidente des mesures proposées par l'employeur, confinant en fait à la simple apparence d'un plan social, peut à la rigueur emporter trouble manifestement illicite et compétence du juge des référés, ce n'est pas le cas d'une simple insuffisance du plan social, nécessitant une appréciation de fond, et donc par nature insusceptible de constituer un trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté la réalité de nombre de mesures inscrites dans le plan social, et a elle-même relevé que seules des insuffisances pouvaient être le cas échéant reprochées à l'employeur, sans à aucun moment caractériser le caractère manifeste de ces insuffisances, ni encore moins l'absence de plan social ; que la cour d'appel, qui a néanmoins cru pouvoir prononcer la nullité du plan social, au prétexte de l'existence d'un trouble manifestement illicite, a violé les articles L. 321-4-1 du Code du travail, et 809 du nouveau Code de procédure civile ;

2° que l'indication du nombre d'emplois vacants au sein de l'entreprise, accompagnée de l'indication du secteur de chaque emploi, du coefficient correspondant, ainsi que d'une fourchette du salaire attribué à chaque emploi vacant, suffit à assurer valablement l'information du comité d'entreprise sur les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise, et emporte en conséquence respect de ses obligations par l'employeur ; qu'en tout état de cause, une telle information interdit que le plan social soit annulé pour absence de mesure de reclassement ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Rexam Reboul avait communiqué au comité d'entreprise, le 29 septembre 1999, soit avant la fin de la procédure de consultation, une liste dénommant les treize emplois vacants au sein de l'entreprise, étant précisé le secteur de chaque poste, son coefficient, ainsi qu'une fourchette précise du salaire correspondant ; que la cour d'appel, qui a considéré que le comité d'entreprise n'avait pas été valablement informé avant la fin de la consultation sur les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise, a violé les articles L. 321-4-1 du Code du travail, et 809 du nouveau Code de procédure civile ;

3° que, en tout état de cause, à considérer même qu'une liste des emplois vacants accompagnée de l'indication du secteur, du coefficient et du salaire correspondant à chaque poste ne soit pas suffisante pour informer avec précision le comité d'entreprise, une telle liste suffit à justifier de l'existence de mesures de reclassement ; que dès lors que ces renseignements, fussent-ils considérés en soi comme insuffisants, sont corroborés ultérieurement dans un futur proche par une description plus précise des postes vacants, l'information du comité d'entreprise doit être considérée comme valable, et le plan social ne peut être annulé pour absence de mesures de reclassement, même si les renseignements complémentaires sont fournis peu après la fin de la période de consultation ; qu'en effet, la fourniture des renseignements nécessaires, attestant a posteriori de la véracité des mesures de reclassement proposées par l'employeur et de la sincérité des informations fournies par celui-ci, ne peut avoir que pour effet de régulariser la procédure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a annulé le plan social, quand elle avait elle-même constaté que la liste des emplois vacants communiqués par l'employeur dans le cadre de la procédure de consultation avait été complétée, peu après la fin de cette procédure, par les informations précises requises par le comité d'entreprise, attestant de la réalité des mesures de reclassement, a violé l'article L. 321-4-1 du Code du travail ;

4° que les juges du fond doivent examiner l'ensemble des documents soumis à leur examen par les parties, sous peine de priver leur décision de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cru pouvoir affirmer que, concernant les mesures de reclassement externe dans les sociétés anglaises du groupe, les promesses faites par la direction avaient été suivies de nul effet ; que, cependant, il résultait sans contestation possible des documents versés aux débats par la société Rexam Reboul que celle-ci avait bien cherché à reclasser ses salariés en externe, à l'intérieur du groupe ; qu'en effet, il était avéré que les salariés Jodry et Tatoud, concernés par les mesures de licenciement, s'étaient vu proposer un reclassement pour le premier au sein de la société Rexam Beauty Packaging, pour l'autre au sein de la société Rexam Cosmetic Closures, deux sociétés anglaises faisant partie du même groupe que la société Rexam Reboul ; que la cour d'appel, qui a péremptoirement postulé l'absence de toute mesure de reclassement externe, sans aucunement analyser ne fût-ce que succinctement les propositions précitées, ni répondre à la société qui invoquait précisément ces propositions comme preuve de sa bonne foi et du respect de ses obligations, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

5° que l'absence dans le plan social de mesures non obligatoires en vertu de la loi ne peut justifier la nullité de ce plan ; qu'a fortiori l'absence éventuelle de telles mesures ne peut aucunement constituer un trouble manifestement illicite autorisant le juge des référés à annuler la procédure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'il n'existait pas d'obligations incombant à l'employeur de tenir compte de la réduction du temps de travail dans son plan social ; que cependant, s'appuyant à tort sur l'imminence de la réduction du temps de travail, et sur le fait que l'employeur aurait donc été bien inspiré d'en tenir compte dès le plan social, ce qui aurait le cas échéant permis de préserver des emplois, la cour d'appel a cru pouvoir retenir la prétendue absence de prise en considération de la réduction du temps de travail dans le plan social comme une insuffisance constitutive d'une trouble manifestement illicite justifiant l'annulation du plan en référé ; que ce faisant, la cour d'appel a manifestement violé les articles L. 321-4-1 du Code du travail et 809 du nouveau Code de procédure civile ;

6° que la direction départementale du Travail peut, dans le cadre de l'article L. 321-7 du Code du travail, dresser un constat de carence du plan social, lequel constat est l'indice que le plan social est manifestement insuffisant, voire absent, et comme tel sujet à annulation ; que, cependant, la direction du Travail peut également attirer l'attention de l'employeur sur de simples irrégularités ou insuffisances, ou même lui suggérer toute mesure susceptible d'améliorer la qualité du plan en préservant au maximum l'emploi ; qu'à cet égard, le simple avis adressé par la direction ne suffit pas à déduire que le plan est manifestement insuffisant ou encourt la nullité ; qu'en particulier, la simple indication par la direction du Travail que l'absence de prise en considération de la réduction du temps de travail dans le plan social privera l'employeur des aides de l'Etat ne peut que signifier que cette prise en considération n'est aucunement obligatoire, et que son absence n'entache aucunement le plan social d'insuffisance ou de nullité ; qu'en effet, dans le cas contraire, il s'agirait d'une carence nécessairement sanctionnée par la nullité du plan, et non seulement par une privation d'aides publiques, dont il est parfaitement loisible à l'employeur de se passer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est fondée sur l'avis adressé à la société par la direction du Travail l'avertissant de ce que l'absence de prise en considération de la réduction du temps de travail dans le plan social priverait l'entreprise des aides publiques correspondantes, pour en déduire que cette lacune constituait une insuffisance grave justifiant la nullité du plan social, n'a pu que dénaturer la portée de l'avis de la direction du Travail, et a partant violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'en application de l'article L. 321-4-1 du Code du travail, l'employeur doit mettre en oeuvre toutes les mesures possibles, appréciées en fonction des moyens dont dispose l'entreprise, pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement ; que le plan social doit prévoir, notamment, des mesures de réduction ou d'aménagement de la durée du travail ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées non seulement dans les entreprises concernées mais également à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Et attendu, ensuite, qu'ayant relevé, d'une part, que le plan social ne prévoyait aucune mesure de réduction de la durée de travail pour éviter les licenciements alors que l'entreprise allait être soumise quelques mois plus tard en application de la loi à l'obligation de réduire à 35 heures la durée du travail de son personnel, d'autre part, que le plan social soumis au comité d'entreprise se bornait à indiquer sans autre précision que treize postes vacants dans l'entreprise seraient proposés pour le reclassement interne du personnel et ne comportait aucune mesure de reclassement dans les entreprises du groupe auquel appartient la société, la cour d'appel a retenu à bon droit que le plan social ne répondait pas aux exigences légales et qu'en conséquence la procédure de licenciement collectif était nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-14521
Date de la décision : 23/01/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Licenciement collectif - Plan social - Contenu - Appréciation - Critères .

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Licenciement collectif - Plan social - Contenu - Mesures énoncées à l'article L. 321-4-1 du Code du travail - Nécessité

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Licenciement collectif - Plan social - Contenu - Plan de reclassement - Défaut - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Reclassement - Obligation de l'employeur - Etendue

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Reclassement - Obligation de l'employeur - Périmètre de l'obligation - Groupe de sociétés - Portée

En application de l'article L. 321-4-1 du Code du travail, l'employeur doit mettre en oeuvre toutes les mesures possibles, appréciées en fonction des moyens dont dispose l'entreprise, pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement. Le plan social doit prévoir, notamment, des mesures de réduction ou d'aménagement de la durée du travail. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées non seulement dans les entreprises concernées mais également à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.


Références :

Code du travail L321-4-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 29 février 2000

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 2000-03-28, Bulletin 2000, V, n° 131, p. 99 et l'arrêt cité ; Chambre sociale, 2000-05-09, Bulletin 2000, V, n° 172 (2), p. 133 (rejet)

arrêt cité ; Chambre sociale, 2001-05-02, Bulletin 2001, V, n° 145 (1), p. 114 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jan. 2002, pourvoi n°00-14521, Bull. civ. 2002 V N° 29 p. 27
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 V N° 29 p. 27

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Kehrig.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Frouin.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.14521
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