Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 00-43.480 et 00-43.481 ;
Attendu que MM. Y... et X..., qui étaient en dernier lieu employés en qualité de commandants de bord par la société Touraine Air Transport (TAT), sont devenus salariés, le 1er avril 1997, de la société Air Liberté, par application de l'article L. 122-12 du Code du travail, cette dernière société ayant repris le fonds de commerce de la société TAT en location-gérance ; que soutenant que la société Air Liberté avait diminué leur salaire, en violation de ses engagements contractuels, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la résiliation judiciaire de leurs contrats de travail aux torts de l'employeur et obtenir paiement de rappels de salaires et de congés payés ainsi que d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les deux moyens réunis du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu que la société Air Liberté fait grief aux arrêts attaqués d'avoir fait droit aux demandes des salariés alors, selon le premier moyen :
1o que la rémunération par référence aux minima fixés par un accord collectif est exclusivement conventionnelle ; qu'en l'espèce, conformément à l'article L. 423-1 du Code de l'aviation civile, qui impose à l'employeur d'indiquer sur le contrat le salaire minimum mensuel garanti, la société TAT avait précisé qu'au titre de leur rémunération les salariés percevraient un salaire brut mensuel de 18 581 francs pour M. Y... et de 44 498 francs pour M. X..., fixé en fonction de leur catégorie et de leur emploi, par référence aux dispositions conventionnelles en vigueur, d'où il résultait que la rémunération, calculée selon les règles de l'accord collectif, était d'origine conventionnelle ; qu'il s'ensuit qu'en déclarant que la société Air Liberté ne pouvait modifier la rémunération déterminée contractuellement sans l'accord des intéressés, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 et L. 132-6 du Code du travail ;
2o que la rémunération du salarié qui, en application des dispositions légales, résulte en totalité d'un accord collectif à durée déterminée, dont le terme est survenu après le transfert, peut être révisée pour être adoptée au statut applicable dans l'entreprise cessionnaire ; qu'en l'espèce, conformément à l'article L. 423-1 du Code de l'aviation civile le contrat de travail des salariés prévoyait exclusivement un salaire minimum garanti déterminé par référence à l'accord d'entreprise à durée déterminée du 25 octobre 1996 de TAT, venant à expiration le 11 avril 1997 pour la norme mensuelle d'activité et le 31 octobre 1997 pour la garantie de rémunération, d'où il résultait qu'à compter d'avril et octobre 1997, l'accord collectif en vigueur au sein d'Air Liberté s'appliquait de plein droit aux salariés transférés ; que, dès lors, en déclarant que le salaire de MM. Y... et X..., engagés par TAT, était issu de stipulations contractuelles et conventionnelles indissociables pour déclarer que la société Air Liberté, qui avait repris le fonds de TAT en location-gérance, ne pouvait modifier la rémunération des salariés repris, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 et L. 132-6 du Code du travail ;
3o que si, par une stipulation, les parties ont prévu que l'accord à durée déterminée cesserait de produire effet à la survenance du terme, les règles de l'article L. 132-8 ne s'appliquent pas ; que, dès lors, en constatant que l'accord du 25 octobre 1996, substitué à celui à durée indéterminée dénoncé, était à durée déterminée et en déclarant, d'une part, que l'accord de 1994 dénoncé avait vocation à s'appliquer automatiquement dès la caducité du régime provisoire issu de l'accord de 1996 et, d'autre part, qu'en l'absence d'accord de substitution, le salaire antérieur et les avantages individuels, issus de l'accord à durée indéterminée dénoncé auquel avait été substitué l'accord à durée déterminée, étaient acquis en application de l'article L. 132-8 du Code du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 132-6 du même Code ;
Et alors, selon le second moyen :
1o que la cassation à intervenir sur le chef de l'arrêt ayant retenu l'existence d'une modification du contrat de travail du salarié entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt qui a déclaré que cette modification unilatérale de la rémunération contractuelle justifiait la résiliation du contrat aux torts de la société Air Liberté ;
2o qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat, sans rechercher si l'inexécution partielle reprochée était suffisamment importante pour la justifier et n'était pas suffisamment réparée par l'allocation de dommages-intérêts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu que même lorsque la rémunération du personnel résulte d'un accord collectif, il n'en demeure pas moins qu'en application de l'article L. 423-1 du Code de l'aviation civile le contrat de travail de chacun des pilotes doit mentionner une rémunération minimale mensuelle garantie qui présente un caractère contractuel ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que la société Air Liberté a unilatéralement diminué le montant de la rémunération minimale mensuelle garantie ; que la cour d'appel a exactement décidé que la mise en oeuvre de cette modification du contrat de travail, refusée par les salariés, autorisait ceux-ci à se prévaloir d'une rupture s'analysant en un licenciement ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Mais sur le moyen unique, commun aux pourvois des salariés :
Vu le 2o de l'article L. 423-1 du Code de l'aviation civile ;
Attendu que pour débouter les salariés de leurs demandes en paiement d'une indemnité contractuelle de licenciement, les arrêts énoncent que ceux-ci revendiquent une stipulation de leur contrat de travail qui, conformément à l'article L. 423-1 du Code de l'aviation civile, prévoit une indemnité de licenciement devant être allouée, sauf en cas de faute grave, au navigant licencié sans droit à pension de retraite à jouissance immédiate ; que, sans être contredite, la société Air Liberté fait valoir que les salariés remplissent les conditions d'âge et d'ancienneté leur permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein ; qu'ils doivent donc être déboutés de ce chef de demande ;
Attendu, cependant, que l'article L. 423-1.2° du Code de l'aviation civile prévoit que le contrat de travail d'un membre du personnel navigant professionnel doit notamment préciser l'indemnité de licenciement qui sera allouée, sauf en cas de faute grave, au personnel licencié sans droit à pension à jouissance immédiate ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que la rupture du contrat de travail des salariés résultait d'un licenciement et non de leur mise à la retraite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en leurs dispositions déboutant les salariés de leurs demandes en paiement d'une indemnité contractuelle de licenciement, les arrêts rendus le 30 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.