Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Longwy, 5 novembre 1997), que M. et Mme X... ont été victimes du vol de leur carte bancaire qu'ils avaient laissée dans un sac dans leur voiture en stationnement ; qu'ils ont formé opposition à son usage trois jours plus tard ; qu'entre-temps, une somme de 8 515,21 francs a été dépensée grâce à l'usage de leur carte par " facturettes " et son montant débité de leur compte ; qu'ils ont judiciairement réclamé à la Caisse d'épargne de Lorraine Nord le remboursement de cette somme ; que le Tribunal, retenant contre eux-mêmes une faute d'imprudence, ne leur a accordé remboursement que pour les trois quarts de la somme réclamée, considérant que la Caisse avait, elle, omis de vérifier les signatures sur les facturettes et laissé le débit du compte dépasser le montant contractuel du découvert ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que la Caisse d'épargne fait grief à l'arrêt de sa condamnation, alors, selon le moyen, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que l'article 11.1 des conditions d'utilisation de carte bleue souscrites par M. X... prévoit que le titulaire de la carte est responsable de l'utilisation et de la conservation de celle-ci et qu'il assume les conséquences de l'utilisation de cette carte tant qu'il n'a pas fait opposition ; que l'article 6.2 desdites conditions d'utilisation prévoit que les paiements par carte sont possibles dans les limites fixées et notifiées par la Caisse d'épargne dans les conditions particulières ; que les conditions particulières figurant en dernière page des conditions d'utilisation souscrites par M. X... précisent : " En France, votre carte bleue vous permet : 1.1 de retirer de l'argent liquide par période de sept jours glissants 1.2 de régler vos dépenses auprès des commerçants affichant le sigle CB, jusqu'à un plafond de 15 000 francs d'achats autorisés par période de 30 jours glissants, plafond porté à 50 000 francs pour les porteurs de la carte Premier " ; que, selon l'article 6.3 des conditions d'utilisation, les règlements présentés à l'encaissement par les commerçants sont automatiquement débités au compte concerné selon les dispositions convenues entre le titulaire de celui-ci et la Caisse d'épargne ; qu'en faisant prendre en charge par la Caisse d'épargne la majeure partie des paiements effectués au moyen de la carte volée antérieurement à l'opposition formée par son titulaire, au motif que ces paiements dépassaient le découvert autorisé de 4 000 francs, le Tribunal a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que si, selon le contrat, des paiements pour un montant de 15 000 francs par mois sont prévus, il ne résulte pas de ses stipulations que pour autant ils doivent être exécutés même si le solde est débiteur au-delà du découvert consenti aux titulaires du compte pour l'ensemble de leurs opérations devant y être enregistrées ; qu'en outre, la Caisse n'a pas prétendu dans ses conclusions avoir été tenue à paiements aux commerçants à partir des enregistrements des ordres reçus par eux, par l'effet de garanties contractuellement stipulées à leur profit ; que le Tribunal a, dès lors, pu retenir que la Caisse d'épargne était fautive pour avoir laissé le découvert du compte s'accroître jusqu'à un montant de 14 594,45 francs par l'effet de l'imputation des dépenses contestées ; que le moyen n'est pas fondé en sa troisième branche ;
Mais sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour tenir la Caisse d'épargne responsable des faux ordres de paiement souscrits par un tiers sur une facturette établie avec les références d'une carte bancaire usurpée, le jugement retient que s'il est concevable que le porteur renonce à la vérification des signatures, compte tenu de la gravité de cette disposition, il faut une mention spéciale du titulaire du contrat, mais que l'adhésion, comme en l'espèce, à un contrat préimprimé ne suffit pas ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, selon les stipulations du contrat, en ses paragraphes 6.3, 6.5 et 11.2, dans le cas d'un ordre de paiement émis sur un document écrit sur support papier revêtu de la signature manuscrite du porteur de la carte, la vérification de cette signature incombe au commerçant bénéficiaire, que la Caisse d'épargne enregistre un tel ordre même en l'absence du document ainsi signé, mais que, pour le titulaire de la carte, le risque de l'imputation d'un tel ordre non revêtu de sa signature authentique est limité à un montant de 600 francs, tant qu'il n'a pas formé opposition, sauf le cas d'imprudence commise par lui dans la conservation de sa carte, sa responsabilité n'étant alors plus limitée, ce dont il résulte que, sauf à apporter son concours pour permettre au titulaire de la carte l'exercice utile de ses recours contre les commerçants qui n'auraient pas rempli leurs obligations de vérification, l'établissement émetteur de la carte est contractuellement dispensé de la vérification des signatures, sauf pour lui à supporter les conséquences des faux, au-delà d'une franchise de 600 francs avant opposition de la part du titulaire, hors le cas d'imprudence de celui-ci, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 novembre 1997, entre les parties, par le tribunal d'instance de Longwy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Nancy.