ARRÊT N° 1
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que, selon ce texte, sont soumises à cotisations sociales toutes les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion de leur travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 1998), rendu sur renvoi après cassation (12 octobre 1995, Bull V, n° 270, p. 196), que l'Urssaf de Paris a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales dues par la société Union des assurances de Paris, aux droits de laquelle est la société Axa France Assurance, des sommes versées aux ayants droit des salariés décédés et aux salariés atteints d'une invalidité absolue et définitive ;
Attendu que, pour annuler ces redressements, l'arrêt retient que ces sommes sont versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail, qu'elles réparent un préjudice et que les bénéficiaires des allocations n'ont pas ou n'ont plus la qualité de salariés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les allocations de décès et d'invalidité litigieuses ne sont pas des secours attribués en considération de situations individuelles particulièrement dignes d'intérêt, mais constituent des avantages en argent procurés en contrepartie ou à l'occasion du travail, peu important qu'elles soient versées aux salariés ou à leurs ayants droit après la rupture du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée que lors des audiences des 14 mai 1993 et 4 décembre 1998.
MOYEN ANNEXÉ
Moyen produit par la SCP Gatineau, avocat pour l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Paris.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les allocations de décès ainsi que les allocations d'invalidité absolue et définitive versées par l'UAP, à laquelle la société Axa Conseil Vie vient aux droits, n'étaient pas soumises à cotisations et d'avoir, en conséquence, annulé les redressements effectués de ce chef par l'URSSAF de Paris pour les périodes allant du 1er mars 1980 au 31 décembre 1983 et du 1er avril 1984 au 31 décembre 1987.
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale que l'intégration dans l'assiette des cotisations implique que le bénéficiaire des sommes en cause ait la qualité de travailleur ; que les allocations de décès sont versées aux ayants droit du travailleur et non à ce dernier, en cas d'invalidité absolue et définitive, la personne concernée, qui ne peut plus effectuer une quelconque prestation de travail, perd sa qualité de travailleur ; qu'ainsi le bénéficiaire des allocations litigieuses n'a pas la qualité de travailleur ; qu'en outre le versement de ces allocations dérive d'un fait dont la survenance est aléatoire et qui est constitutif d'un préjudice ; que les allocations en cause sont versées non pas à l'occasion du travail mais à celle de la rupture du contrat de travail ; qu'il sera observé par ailleurs, que selon la lettre ministérielle du 4 novembre 1997, le capital décès complémentaire versé pour le compte de l'entreprise par un organisme tiers de prévoyance ou d'assurance n'entre pas dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que les allocations d'invalidité et de décès versées par l'UAP n'étaient pas soumises à cotisations ; que les jugements déférés seront en conséquence confirmés ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'espèce, le décès a entraîné la disparition du " travailleur " ce sont ses ayants droit, et non pas le travailleur, qui perçoivent le capital décès, ainsi : le bénéficiaire ne reçoit pas le capital décès en tant que travailleur, car le contrat de travail conclu intuitu personae est rompu par le décès ; que ce capital ne peut donc entraîner la perception de cotisations ; de même, l'invalidité absolue et définitive fait perdre au salarié qui en est atteint sa qualité de travailleur, dès lors qu'il ne pourra jamais être appelé à fournir une quelconque prestation de travail ; qu'en effet, l'incapacité totale emporte impossibilité de remplir le contrat et extinction du contrat de travail, conformément aux principes généraux du droit ; de la sorte, l'invalide total est dans la même situation que le bénéficiaire du capital décès, c'est-à-dire qu'il ne reçoit pas l'allocation invalidité en tant que travailleur ; que, dans le même sens, la circulaire ministérielle du 29 juillet 1985, reprise dans l'instruction ACOSS du 20 août 1985, décide que les prestations complémentaires de prévoyance ne sont pas assujetties à cotisations lorsqu'elles sont versées à des personnes qui ne sont pas, ou ne sont plus, tenues par un lien de subordination ; que, par ailleurs, il convient de relever que le capital décès et les allocations d'invalidité dérivent d'un fait : d'une part, dont la survenance est purement aléatoire ; d'autre part, est constitutif d'un préjudice ; qu'ils ne sauraient donc être regardés comme un complément de rémunération, ont un caractère indemnitaire et échappent aux cotisations, au même titre que les indemnités versées par l'employeur en réparation d'un dommage spécifique, tel que l'indemnité de licenciement, fondée sur l'ancienneté, ou l'indemnité pour licenciement abusif, ou l'indemnité qui compense le préjudice personnel subi par un salarié du fait de la faute inexcusable de son employeur (laquelle est servie, que le contrat de travail survive ou ait été rompu) ; que, dans ces conditions, le capital décès et les allocations d'invalidité absolue et définitive n'ont pas le caractère d'un complément de rémunération, et ne peut être soumis à cotisation ;
1° ALORS QUE doit être soumise à cotisation l'aide en cas de décès versée par un employeur aux ayants droit d'un de ses salariés décédé qui, même si elle est destinée à compenser la perte de ressources éprouvée par les proches du disparu, constitue non un secours attribué en considération de situations individuelles particulièrement dignes d'intérêt mais un avantage en argent alloué en raison de l'appartenance à l'entreprise du salarié décédé et à l'occasion du travail précédemment accompli par celui-ci ; qu'il importe donc peu que le bénéficiaire de cette aide n'ait pas la qualité de travailleur, que le versement de cette aide dérive d'un fait constitutif d'un préjudice dont la survenance est aléatoire et que ladite aide soit versée non pas à l'occasion du travail mais à celle de la rupture du contrat de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du Code du travail ;
2° ALORS QUE doit être soumise à cotisation l'allocation d'invalidité versée par un employeur au salarié qui, même si elle est destinée à réparer un préjudice indépendant du travail, représente un avantage en argent qui, alloué en raison de la seule appartenance de l'intéressé à l'entreprise, doit être considéré comme versé, sinon en contrepartie, du moins à l'occasion du travail au sens de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'il importe donc peu que le salarié concerné ne puisse plus effectuer une quelconque prestation de travail et qu'il perde ainsi sa qualité de travailleur, que le versement de cette allocation dérive d'un fait constitutif d'un préjudice dont la survenance est aléatoire et que ladite allocation soit versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du Code du travail ;
3° ALORS QUE les lettres ministérielles et circulaires de l'ACOSS ne sont pas créatrices de droit et ne sauraient restreindre ceux que tiennent de la loi les organismes de recouvrement ; qu'elles ne s'imposent pas à l'URSSAF qui peut décider d'appliquer la loi qui s'impose à elle sans tenir compte des tolérances admises par ses autorités de tutelle ; qu'en se fondant sur une circulaire ministérielle du 29 juillet 1985, reprise dans l'instruction ACOSS du 20 août 1985, selon laquelle les prestations complémentaires de prévoyance ne sont pas assujetties à cotisations lorsqu'elles sont versées à des personnes qui ne sont pas, ou ne sont plus, tenues par un lien de subordination ainsi que sur une lettre ministérielle du 4 novembre 1997, selon laquelle le capital décès complémentaire versé pour le compte de l'entreprise par un organisme tiers de prévoyance ou d'assurance n'entre pas dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, alors que ces dernières contiennent de simples recommandations et sont dépourvues de valeur réglementaire, pour exclure les sommes versées par l'UAP à titre d'aide en cas de décès et d'allocation d'invalidité de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale .